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»Lasse enfin d'appeler, dans sa vaine poursuite, » Le taureau vagabond qui l'entraîne à sa suite, » La génisse amoureuse, errante au bord des eaux, » Succombe, et sans espoir elle fuit le repos; » C'est en vain que la nuit sous nos toits la rappelle. » Puisse un même tourment poursuivre l'infidèle!' » Et puissé-je à mon tour lui rendre ses mépris! » Charmes de mes accents, guidez vers moi Daphnis. » Quoï! je vous garde encor, dépouilles d'un perfide! » O terre! dans ton sein que ce gage réside;

» C'est par lui qu'à mon coeur son retour est promis! » Charmes de mes accents, guidez vers moi Daphnis. » Il me résiste en vain : Moeris m'a fait connaître » Les végétaux puissants que le Pont seul voit naître; » J'ai vu, par leur secours, Moeris plus d'une fois » Sous la forme d'un loup s'enfoncer dans les bois; » Je l'ai vu des tombeaux réveiller la poussière, » Et d'un mot, enlevant une moisson entière, » Couvrir un autre champ de ses flottants épis. » Charmes de mes accents, guidez vers moi Daphnis. » Emporte, Amaryllis, jette, mais en arrière, » Ces lauriers consumés, cette cendre légère. » N'arrête point sur elle un profane regard, » Va, plus haut que ton front qu'elle vole au hasard: » Que l'onde la reçoive et qu'un torrent l'entraîne, » Par un charme nouveau j'attaque ainsi ta haine.

Ducite ab urbe domum, mea carmina, ducite Daphnir

Adspice: corripuit tremulis altaria flammis Sponte suâ, dum ferre moror, cinis ipse. Bonum sit! Nescio quid certè est ; et Hylax in limine latrat. Credimus? an qui amant ipsi sibi somnia fingunt? Parcite, ab urbe venit, jam parcite, carmina, Daphnis

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» Ingrat! je crois te voir m'insulter par des ris
» Nimporte: mes accents, guidez vers moi Daphnis!
» Demeure; se peut-il que mon art le rappelle?
» De quels feux rayonnants cette cendre étincelle!
» De lui-même enflammé l'autel brille!.... O bonheur!
» Quel bruit inattendu fait palpiter mon cœur !
» A ma porte arrêté, j'entends son chien fidèle;

» Je tremble; oh! de l'amour est-ce une erreur nouvelle?
» Des songes tant de fois trompent les cœurs épris!
» Mais non : charmes puissants, cessez, je vois Daphnis! >>

REMARQUES

SUR L'ÉGLOGUE HUITIÈME.

CETTE huitième églogue est divisée en deux parties. La première contient les plaintes d'un berger qui gémit sur l'infidélité de Nise; dans la seconde, le poète décrit des cérémonies magiques, employées par une femme pour rappeler son amant.

Les anciens ne pensaient pas que l'amour fût nécessaire à l'églogue, mais ils ne l'en n'avaient point banni: l'amour sied bien à la vie tranquille et oisive des bergers; le goût exigeait cependant que l'amour dans les bergeries fût une passion et un sentiment vrai, comme on le voit dans cette huitième églogue. C'est une vérité que n'avaient point sentie les modernes ; à l'imitation de Sannasar, ils avaient introduit la galanterie dans la pastorale; ils n'avaient pas songé que la galanterie n'est point l'amour, et qu'elle ne s'allie point aux mœurs simples des bergers.

Ils ne s'en tinrent point là; ils prêtèrent à la galanterie le jargon d'une métaphysique ridicule. La Diane de Mon

temajor, la Diane de Sidney, le Pastor fido de Guarini, achevèrent de corrompre les esprits et de faire tourner toutes les têtes. La contagion s'étendit à la littérature française qui n'avait point encore de modèles, et l'Astrée vint à son tour pleupler nos forêts de personnages imaginaires. Tous les vrais sentiments furent dès lors comme exilés des bergeries, et l'on ne trouva plus rien de naturel dans le genre qui semblait le plus se rapprocher de la nature. Ces travers littéraires étaient sur le point de passer dans les mœurs; la mode était presque venue de se faire berger, comine on se faisait chevalier. Le marquis d'Urfé joua lui-même le personnage de Céladon; dans le même temps, un homme connu par son esprit, et qui avait été gouverneur de Louis XIII, le marquis des Yveteaux, prit la houlette, et se mit à faire l'amour dans son jardin au milieu d'un troupeau de moutons. L'excès du ridicule finit cependant par ramener des idées plus saines; Desmarets, auteur de la comédie des Visionnaires, se moqua des visions pastorales des poètes dans un roman intitulé le Berger extravagant. Quelques situations plaisantes de ce roman furent mises sur la scène par Thomas Corneille (1); dès lors, les bergers commencèrent à devenir plus sensés; les dryades et les amadryades abandonnèrent la métaphysique, et les échos de nos cam

(1) Les mots de berger et de bergère sont encore dans notre langue synonymes d'amants. C'est tout ce qui est resté de cette manie des amours champêtres.

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