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aucun jour sans que les soldats ne se portassent à des violences, et ne fissent quelques insultes à leurs officiers, enfin il reçut de l'armée une députation de centurions, qui le décida, par la nature de leurs remontrances, à l'accomplissement du traité fait avec les vétérans avant la dernière campagne.

Les biens confisqués sur tant de Romains ne suffisaient pas pour acquitter l'engagement des triumvirs. Octave s'empara des trésors de tous les temples de Rome et des environs; ce fut trop peu de ces dépouilles sacrilèges, il y joignit la propriété des citoyens. Ce fut alors qu'une foule immense de familles, plus ou moins opulentes, et que les habitants de différentes provinces, furent, dans ving-cinq grandes villes, et dans les villages voisins, expulsés de leurs demeures, chassés de leurs possessions, proscrits de leurs territoires, et forcés de tout céder à une troupe barbare de vieux soldats. Le frère d'Antoine, Lucius, qui avait d'abord exigé l'exécution de ces mesures cruelles, se déclara bientôt le protecteur des malheureux que l'on chassait de leurs patrimoines, et se mit à la tête de ces hommes dépouillés, auxquels Octave était odieux. Les citoyens, expulsés de leurs demeures, se croyant soutenus par un chef aussi puissant, commencèrent par massacrer tous les vétérans ; on les tuait, par les fenêtres, à coups de pierres, de flèches, et de mille débris dont s'emparait le désespoir. Octave autorisa ses soldats à se maintenir par la force; et, pour se venger, ils remplirent à leur tour les provinces de meurtres et d'incendies. Le bruit de ces calamités vint effrayer Virgile, il craignit d'en voir atteints son père et sa famille, et qu'ils ne

fussent, comme tant d'autres, chassés de leurs possessions à Andès. Il s'occupa de leur assurer une retraite, et la demanda, pour eux, à son ancien maître de philosophie, à son ami Scyron, en lui adressant de Rome les vers suivants:

AD VILLAM SCYRONIS.

Villula, quæ Scyronis eras, et pauper agelle,
Verùm illi domino, tu quoque divitiæ;

Me tibi, et hos unà mecuin, et quos semper amavi,
Si quid de patriâ tristius audiero,

Commendo, in primisque patrem; tu nunc eris illi,
Mantua quod fuerat, quodque Cremona priùs.

« Petite ferme de Scyron,

>> Toi dont le champ borné lui tient lieu de richesse,
» D'un maître et d'un ami j'invoque le doux nom,
» Garde un asile à ma tristesse !

Trop loin de mes foyers je tremble chaque jour;
» Je frémis du récit qui me fera connaître
» Que ma famille aura fui sans retour
» Le toit chéri qui m'a vu naître ;
» Petite ferme de mon maître,

» Que ton enceinte alors et ton site écarté,
» Que ton utile obscurité

» Dérobe aux yeux tout ce que j'aime,
» A mon père avant tout accorde sûreté,

» C'est te livrer plus que moi-même!
» Au milieu de ses biens, réduit à l'abandon,
>> Cache-lui tous les maux dont le sort l'environne;
» Si tu remplis mes vœux, domaine de Scyron,
» Tu me seras plus cher que Mantoue et Crémone. »

Les craintes de Virgile ne tardèrent pas à se réaliser. Un nombre infini de citadins et de cultivateurs, jeunes, vieillards, femmes, enfants, arrivèrent en foule à Rome, et remplirent le Forum et les temples, qu'ils faisaient retentir de leurs lamentations. Les habitants de Mantoue se trouvaient de ce nombre, sans autre motif que d'ètre voisins de Crémone, comme l'exprime ce vers de la neuvième pastorale, Mantua væ misera nimium vicina Cremona, et le vieux père de Virgile partageait leur malheur.

que

Si, dans une oppression générale, on peut remarquer une injustice partielle, on trouvera plus criante encore celle dont cette ville était particulièrement la victime. Crémone était une colonie gauloise, établie en Italie avant l'expédition d'Annibal pendant cette guerre longue et sanglante les triumvirs avaient soutenue, dix-huit autres colonies avaient refusé les recrues et l'argent qu'on leur demandait, en exposant leur extrême pauvreté, et les habitants de Crémone et des environs avaient librement donné un double contingent de l'un et de l'autre. Virgile, en intercédant pour sa famille, essaya de faire valoir le zèle et le dévoûment de ses compatriotes, et d'unir leur cause à la sienne. Il s'adressa vainement à Varrus, à Mécène, à Gallus. L'entière exemption de son pays fut impossible. Il ne put obtenir que la restitution de son patrimoine ; et, dans la position einbarrassante où la violence des soldats plaçait Octave, il ne fallait pas moins que la bienveillance personnelle qu'il accordait à Virgile, pour le soustraire à une mesure commune; encore verra-t on bientôt comment le triumvir était

libre dans sa bienfaisance. Virgile lui présenta son père, et quitta Rome pour le reconduire à Mantoue, et jouir du bonheur de le rétablir lui-même dans sa modeste propriété. Ce fut pour témoigner sa reconnaissance à César, que Virgile composa la touchante pastorale de Tityre. On y voit deux bergers, dont l'un gémit sur les malheurs du temps et la dévastation apportée par les soldats au sein des campagnes de Mantoue, tandis que l'autre, heureux d'avoir conservé ses troupeaux, ses champs et sa tranquillité, promet d'honorer comme un dieu son puissant bienfaiteur.

Mais les transports et la joie de Virgile ne furent pas de longue durée. Dès qu'il se présenta pour remettre son père en possession de son bien, il en fut violemment repoussé par l'usurpateur. Hæc mea sunt, lui dit-il, comme il le rapporte lui-même, veteres migrate coloni.

Éloignez-vous des champs cultivés par vos pères,
Tous ces biens sont à moi...

Et Virgile eût infailliblement péri sous les coups du centurion Arius, qu'il trouva dans la demeure paternelle, s'il ne se fût soustrait à sa fureur par la fuite, et en se précipitant à la nage dans le Mincio.

Triste et découragé par ce contre-temps inattendu, et par ce mépris des ordres d'Octave, Virgile revint à Rome et résolut d'y faire entendre de nouveau ses plaintes. Ce fut pendant ce voyage qu'il composa cette pastorale, qu'il a placée la neuvième; elle semble avoir été faite à la hâte de

plusieurs fragments réunis de différens poëmes et de quelques imitations de Théocrite. On y trouve cependant une suite de vers très soignés et faits avec trop d'art pour n'être pas remarqués. C'est le morceau poétique où il conseille aux bergers de ne plus s'arrêter aux anciennes constellations qu'ils avaient coutume de consulter, mais de fixer leurs regards sur un astre plus éclatant, l'étoile de César. Virgile y fait une flatteuse allusion à la comète qui parut pendant sept jours après la mort du dictateur, et que le vulgaire avait eru l'âme de Jules admise dans l'Olympe, et changée par Vénus en étoile resplendissante, évènement qu'Octave eut soin de consacrer par un monument à l'honneur de César, en ordonnant de mettre une étoile sur la tête de sa statue qu'il fit placer dans le Forum. Cette forme heureuse qu'employa Virgile pour intéresser Octave à l'exécution de ses premiers ordres, eut le succès qu'il en espérait. Le centurion Arius fut pourvu de la dépouille d'un autre proscrit, et le chantre de César eut la satisfaction de voir son père une seconde fois réintégré dans son petit domaine.

La reconnaissance rendait plus que jamais Virgile ingénieux à saisir les circonstances qui pouvaient développer le sentiment noble et vif dont il était animé. C'est au désir de le manifester de plus en plus que l'on doit le poëme si riche en images, connu sous le nom d'Horoscope, que les uns intitulent Pollion, les autres Drusus, et qu'un mûr examen doit faire croire inspiré par la naissance du jeune Marcellus adopté depuis par Auguste. Un mot sur les circonstances et l'époque précise de l'an de Rome 714, où cette pièce parut,

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