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La même idée a déjà été exprimée par Virgile dans la seconde églogue. J. B. Rousseau l'a imitée dans ces vers:

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Rousseau a imité ainsi plusieurs passages des églogues de Virgile; un aussi grand poète doit nous faire juger combien il est difficile de rendre en français les beautés des bucoliques latines, puisque ses imitations ne sont pas toujours heureuses.

PAGE 316, VERS 8.

Venit et upilio; tardi venere bubulci :
Uvidus hibernâ venit de glande Menalcas....

L'aspect du bouvier, et du pâtre qui vient de la forêt, pourrait avoir quelque chose de trivial, mais la comparaison d'Adonis a d'avance tout ennobli. C'est dans ces détails que se montre la supériorité du génie de Virgile. Il les rend agréables par la variété de ses tournures, et la vivacité de ses images.

L'épithète tardi est heureuse et très propre à peindre la démarche du bouvier. Le dernier de ces deux vers qui repré

sente Ménalque arrivant tout mouillé de la froide glandée, offre une image pittoresque; il est difficile de rendre dans notre langue la fraîcheur et la vérité de ce petit tableau.

5)PAGE 316, VERS 10.

Omnes, Unde amor iste, rogant, tibi ? Venit Apollo:
Galle, quid insanis? inquit: tua cura Lycoris
Perque nives alium perque horrida castra secuta est.

Nous avons vu, dans les vers précédents, Gallus assis au pied d'un rocher désert; nous avons vu ses brebis rangées autour de lui, et gémissant en silence de son chagrin. Maintenant il est entouré des bergers et des divinités champêtres ; Apollon est à leur tête, venit Apollo. Les bergers se contentent de demander à Gallus d'où lui vient un si violent amour; Apollon, qui est le maître des poètes, et dont Gallus ne peut méconnaître l'empire, lui parle avec moins de ménagement. Galle, quid insanis? « Gallus, quel est ton dé» lire?» Ce dieu dit à son favori que Lycoris en suit un autre, alium, mais il ne lui dit pas qu'elle ait un autre amant. Ce mot vague, alium, est plein d'une aimable délicatesse. Arrivent ensuite Sylvain, le dieu des bois, et Pan, le dieu de l'Arcadie. Le dieu des bergers, qui est un personnage moins grave qu'Apollon, a de la peine à concevoir les chagrins de Gallus ; il lui montre la cruauté de l'amour qui aime les larmes, comme les prairies aiment les ruiseaux, et l'abeille le cytise; ces images champêtres convenaient au dieu Pan;

chacun des personnages parle le langage qui lui convient. Chacun se montre aussi dans l'appareil et dans l'attitude qui lui est propre. Le poète s'efforce d'abord d'attirer l'attention sur les bergers; les épithètes qu'il leur donne les font remarquer, et sont pour eux comme des habits de fête. Sylvain paraît avec ses attributs, florentes ferulas et grandia lilia quassans. Le dieu Pan paraît aussi dans l'éclat de sa parure champêtre, Sanguineis ebuli baccis minioque rubentem. On jugé à sa mine joyeuse et au vermillon qui couvre son visage qu'il va parler contre l'amour. Ces détails sont pleins de charmes, on voit que le poète a voulu ennoblir les bergeries, ét les rendre dignes de Gallus. Apollon seul paraît sans attributs. S'il s'était montré dans sa gloire, il aurait éclipsé les bergers et leurs dieux, et le poète serait peut-être sorti du ton de l'églogue,

Dans l'idylle de Théocrite, les pasteurs, Mercure, le dieu Priape, et Vénus arrivent aussi auprès de Daphnis. Mais les bergers ni les dieux ne sont point caractérisés ; les person. nages n'y sont point groupés comme dans Virgile. Celui de Priape n'a rien d'agréable, et le langage qu'il tient n'intéresse pas; la présence de Mercure n'ajoute rien à cette scène pastorale. Vénus ne paraît que pour se moquer des tourments de Daphnis. Gallus est bien autrement intéressant que le héros de Théocrite; on connaît à peine quel est l'amour de ce dernier, et la passion de Gallus nous a touché dès le premier vers.

6 PAGE 318, VERS 5.

Tristis at ille: Tamen cantabitis, Arcades, inquit,
Montibus hæc vestris....

La scène change tout à coup, par un mouvement poétique que la langue française n'admet pas, tristis at ille. Déja on ne voit plus le dieu Pan, ni Sylvain, ni Apollon; on ne voit plus que Gallus; Gallus lui-même n'aperçoit ni les dieux, ni les bergers qui sont autour de lui et qui lui parlent; il ne voit que sa Lycoris absente; les discours d'Apollon, la présence des dieux ne peuvent le distraire de son malheureux amour. Virgile ne pouvait mieux rendre `la passion, et ce passage ne saurait être trop loué.

Les premières paroles de Gallus sont l'explosion naturelle d'un cœur dévoré de chagrin. Il ne cherche point à mettre de l'ordre dans ses discours; sa douleur a quelque chose de pathétique et de doux. Les images de la mort l'environnent; mais il se rappelle qu'il a chanté les amours des bergers d'Arcadie, il implore la même faveur; il va mourir de son amour, et son dernier vœu est que cet amour dont il périt revive encore dans les chants des bergers; tels sont les amants, qui veulent que leurs plus chères affections leur survivent, et qui chargent, pour ainsi dire, l'avenir d'aimer pour eux. Gallusne dit point, comme Corydon dans la seconde églogue, qu'il va mourir ; il souhaite que ses os reposent en paix. Cette image est plus touchante; on voit déjà Gallus dans son cer

cueil : quelle douce mélancolie dans ces mots : molliter ossa quiescant. Les poètes latins emploient fréquemment cette figure. Elle est l'imitation de la formule, sit tibi terra levis, << que la terre te soit légère,» par laquelle on terminait les cérémonies funèbres.

Après avoir exprimé un vœu si touchant, Gallus fait un retour sur lui-même et sur le passé. Il regrette de n'avoir pas été un des bergers d'Arcadie, aut custos gregis, aut maturæ vinitor uvæ. L'effet ordinaire de l'amour malheureux et de nos désirs mal satisfaits, est de nous faire envier le repos de l'obscurité. Dans une condition obscure, Gallus aurait aimé Phyllis, Amyntas, ou tout autre ; la multitude des objets qu'il indique, et l'indifférence qu'il met dans leur choix, prouve assez qu'il ne peut en aimer aucun, et qu'il ne peut oublier Lycoris.

En effet, après s'être arrêté un moment sur le bonheur qu'il aurait goûté parmi le bon peuple d'Arcadie, après avoir respiré en quelque sorte la fraîcheur des ombres et des ruisseaux, couché sous l'ombrage, entre Amyntas et Phyllis, il place Lycoris elle-même dans la scène qui vient de s'offrir à lui; les amours qu'il a rêvés sont immolés à l'objet de toutes ses pensées. Ces arbres touffus, ces frais ruisseaux, ces forêts paisibles, ne sont rien pour lui sans Lycoris. Quelle douceur, quelle mollesse dans ce vers: Hic gelidi fontes, híc mollia prata, Lycori. Qui ne sera attendri par le dernier vœu que forme le poète ? En général, ce qui fait le charme de ce morceau, c'est le mélange des idées tristes et voluptueuses. De ce mélange naît un sen

pas

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