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ne pourra laisser aucun doute sur l'heureux enfant qui dut ́en être le sujet comme l'espoir de Rome.

La guerre était au moment de se rallumer entre Octave et Antoine, par les intrigues et l'esprit fougueux de Fulvie. Animé de sa fureur, le triumvir trompé accourait d'Orient et venait fondre sur l'Italie. Cocceius, ami commun de ces terribles rivaux, entreprit de les réconcilier. Pollion se chargea des intérêts d'Antoine, Mécène eut la confiance d'Octave. La mort de Fulvie applanit les obstacles, et la sœur de César, Octavie, devenue veuve à la même époque de son époux Marcellus, fut le gage de cette réunion. Son mariage avec Antoine assura donc la paix entre deux puissants triumvirs, dont les divisions étaient sur le point de déchirer le monde. Cet arrangement fit naître une joie universelle. Il fut célébré dans les armées par des acclamations et des fêtes qui durèrent un jour et une nuit. Octavie, en renonçant au veuvage et au deuil de son premier époux, lui devait l'espérance d'être bientôt mère. Les oracles des Sibylles avaient prédit que vers ce temps il devait naître un enfant qui gouvernerait le monde, et lui donnerait une paix inaltérable. En appliquant la fiction ingénieuse de Virgile au rejeton de Marcellus, on voit que le poète a su flatter à la fois les deux chefs de l'état, Octavie épouse de l'un et sœur de l'autre, et Pollion lui-même, dont cet heureux évènement honorait le consulat. Tous les partis se réunirent alors pour applaudir à ses prédictions, et répétèrent avec lui que cet enfant désiré ferait le bonheur de la terre, qu'il chasserait à jamais la fraude et la violence, et qu'à sa

voix on verrait descendre du ciel un nouvel âge d'or. L'héritier des deux triumvirs, en réunissant leur double pouvoir, était le seul enfant qui dût permettre une pareille espérance; et le début du poëme Sicelides musa! que Virgile avait emprunté, mot pour mot, d'une pièce composée par Octave, sur les beautés champêtres et les volcans de la Sicile, doit encore donner quelque vraisemblance à cette opinion.

La paix, née de cette union, rendit la faveur d'Octave à Pollion, qui jusqu'alors s'était montré le fidèle partisan d'Antoine. L'heureux conciliateur, déjà revêtu de la dignité consulaire, fut chargé de marcher contre les Dalmates, et les subjugua. Horace, que Virgile avait introduit chez Mécène, célébra ce triomphe de leur ami commun, que l'estime universelle reconnaissait pour un des plus illustres et des plus savants personnages de Rome :

Cuí laurus æternos honores

Dalmatico peperit triumpho.

<< Oracle du Sénat, intrépide guerrier,
» Le Dalmate vaincu chante votre victoire,

» Et la main de la gloire

» Sur votre noble front ceint un triple laurier. »

(Daru. )

Pollion joignit en effet à la gloire des armes les titres

d'historien, de poète et d'orateur :

Audire magnos jam videor duces

Non indecoro pulvere sordidos:

Et cuncta terrarum subacta,

Præter atrocem animum Catonis.

« Vous parlez et j'entends les trompettes bruyantes;
»Je crois voir les coursiers fuir les armes brillantes;
» Des mourants, des vainqueurs j'entends déjà les cris
» Je vois nos chefs couverts d'une poudre honorable,
>> Et Caton indomtable

Reste libre au milieu de l'univers soumis. >>

Paulum severæ musa tragœdiæ

(DARU.)

Desit theatris: mox, ubi publicas
Res ordinaris, grande munus

Cecropio repetes cothurno.

Souffrez

que pour un temps la grave Melpomene,

» Par ses accents plaintifs, n'afflige plus la scène.

» De l'état déchiré racontez le malheur;

» Et bientôt ranimant votre veine fertile,

>> Au cothurne d'Eschile,

» Par de nouveaux succès, vous rendrez sa splendeur. >>

(DARU.)

Ces beaux vers d'Horace heureusement reproduits dans notre langue par M. Daru, éveillèrent l'émulation de Virgile, et ne lui permirent pas de garder le silence sur le plus éclairé de ses protecteurs et celui qui l'avait surtout engagé à s'attacher à la poésie pastorale. Sans lutter avec Horace, en traitant particulièrement comme lui le même sujet, Virgile en profita pour composer la dédicace qu'il fit à Pollion, de la pièce admirable imitée de Théocrite, et qui porte le

nom des Enchantements. Virgile avait déjà présenté quelques fleurs à son illustre ami, dans sa troisième pastorale; mais dans cette nouvelle production, on le voit se complaireà lui prodiguer tous les genres d'éloges qu'il méritait. Ce morceau, quoique très court, est plein de chaleur et de sensibilité : c'est le cri d'un cœur fortement ému. Si l'on reconnaît qu'il suffit à Virgile de couronner d'un nom chéri le monument qu'il vient d'élever pour l'amitié, on sent aussi que de pareils vers, quoiqu'en petit nombre, suffisent également à la gloire de Pollion.

Pénétré de la justesse de ses conseils, Virgile ne songea plus qu'à s'occuper sérieusement à les suivre. Il avait réparé les désastres de sa fortune et de celle de sa famille; il avait l'avantage, en célébrant ses bienfaiteurs, d'avoir gagné la. faveur et l'affection de tous ceux dont l'amitié était un titre aux honneurs et à la richesse. Dans cet heureux loisir, il employa trois années à revoir et à perfectionner ses pastorales. Il leur donna le nom d'églogues, mot dérivé du grec, et qui se rapporte au mot latin eligere, choisir; ce qui indique le choix sévère qu'il fit de ses poésies dans un plus grand nombre. Il les rassembla dans l'ordre où nous les possédons aujourd'hui, et plaça, par une juste convenance, au commencement de son recueil, la touchante églogue de Tityre. Le devoir assignait ce rang au premier tribut de reconnaissance que le génie du berger de Mantoue avait payé à la puissance protectrice; mais il voulut que cet ensemble de chefs-d'œuvre fût terminé par un hommage à l'amitié. Dans son églogue de Silène, il avait déjà nommé Varus, et

célébré les talents de Gallus qu'il y représente errant sur les rives du Permesse, conduit par une muse sur les montagnes d'Aonie où la cour d'Apollon se lève à son aspect;, et commande à Linus de lui remettre la flûte harmonieuse du vieillard d'Ascrée; mais il voulut que son cher Gallus eût les derniers chants de sa muse champêtre et ses accents les plus passionnés.

Agé pour lors de trente-quatre ans, Virgile se retira sous le beau ciel de Naples. Ce fut dans cette retraite et tranquille et riante qu'il conçut le plan de ses inimitables Géorgiques. Il avait entrepris ce travail aux instantes prières de Mécène, par un noble motif de bien public, et pour concourir à la prospérité de son pays. Les fureurs de la guerre. civile et sa longue durée avaient semé partout la désolation; l'Italie était dépeuplée, les campagnes dépouillées et sans culture, la famine était la suite d'un état si déplorable. Le plus sage, le plus habile des ministres d'Auguste, Mécène, résolut de réveiller de sa profonde léthargie l'esprit agricole, d'introduire le goût de la culture, et de ramener les. grands à l'utile plaisir des expériences rurales. L'entreprise était difficile; ce n'était plus le temps où les Romains chérissaient la simplicité des mœurs: on sait qu'à cette époque reculée les plus illustres personnages se faisaient honneur de l'étymologie de leurs noms qui, la plupart, désignaient quelques productions des champs. Fabius devait son origine. à la fève (faba); Lentulus, au mot lentille ( lenticula); Cicéron, aux pois chiches (cicer); et la noble famille Junienne n'avait le nom de Bubulcus (bouvier), que par le

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