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10) PAGE 322, VERS 8.

Jam neque Hamadryades rursum nec carmina nobis
Ipsa placent; ipsæ, rursum concedite, silvæ:
Non illum nostri possunt mutare labores;
Nec si frigoribus mediis Hebrumque bibamus,
Sithoniasque nives hiemis subeamus aquosæ ;
Nec si, cùm moriens altâ liber aret in ulmo,
Ethiopum versemus oves sub sidere Cancri.
Omnia vincit Amor, et nos cedamus Amori.

Tout ce tableau est frappant de vérité; après les emportements de la rage, après les illusions du délire, viennent. l'affaissement, le dégoût et le désespoir de guérir. Le poète rassemble à dessein tout ce qui plaisait à Gallus : la paix des forêts, le charme des vers, la société des nymphies. Les pronoms ipsa, ipsæ, montrent tout ce qu'il perd. Ce vers, non illum nostri possunt mutare labores, peint bien la lassitude qui naît du désespoir. Gallus se contente de désigner l'amour par le pronom illum; l'amour est l'objet de toutes ses pensées; il est toujours présent à son esprit ; et, par le pronom illum, le poète semble le montrer à ses lecteurs. On voit l'Amour méprisant les plaintes de Gallus; on le voit versant les tourments et les dégoûts dans l'âme de ce malheureux amant, qui semble avoir donné à Racine l'idée de ces vers qu'il met dans la bouche d'Hippolyte.

Mon arc,
mon javelot, mon char, tout m'importune :
Je ne me souviens plus des leçons de Neptune;
Mes seuls gémissements font retentir les bois,
Et mes coursiers oisifs ont oublié ma voix.

Les images d'un bonheur tranquille n'ont pu distraire Gallus; il imagine d'autres tourments, pour les opposer à ceux de l'amour; mais vain espoir ! Les glaces de l'Ourse, les feux du Cancer, ne peuvent lui faire oublier sa passion. Tout cède à l'amour, dit-il, cédons aussi à l'amour. Il est impossible de donner à ce vers la chute harmonieuse qu'il a dans le latin. C'est le dernier soupir du plus tendre des amants; l'écho semble répéter ce vers aux forêts attendries, et Lycoris dut sans doute en être touchée; mais l'histoire ne nous dit point qu'elle revint auprès de Gallus; un char attelé de lions eut sans doute plus de prix à ses yeux que les airs touchants de la flûte champêtre. Nous n'avons plus de Gallus ni de Virgile, mais on trouverait encore des Lycoris,

1) PAGE 322, VERS 16.

Hæc sat erit, divæ, vestrum cecinisse poëtam....

Le reste de l'églogue ramène insensiblement au début. Virgile la termine avec ordre, en rappelant l'affection qu'il porte à Gallus; il emploie de préférence les termes de la langue des bergers; il rentre tout à fait dans le genre bucolique, dont Gallus pouvait s'écarter.

Qu'on considère la conception, le plan, la conduite, l'ensemble ou les détails de cette églogue, on est frappé de sa perfection. On ne sait qu'y admirer davantage, óu des ressources de l'art, ou des heureux élans de la nature. L'idylle de Théocrite sur la mort de Daphnis n'est qu'une chanson pastorale. Celle-ci est un poëme achevé dans toutes

ses parties. Nous avons fait remarquer avec quelle adresse Virgile sait préparer la scène, intéresser les spectateurs, et soutenir l'attention. Il peint l'amour dans tous ses progrès et ses nuances, avec ses craintes, ses espérances, ses illusions; il n'oublie rien de ce qu'il doit dire, et ses développements ne dégénèrent jamais en longueur; dans le désordre apparent des idées, l'enchaînement des parties s'y fait toujours remarquer; dans le délire de la passion, l'expression est juste, et la construction claire. Dans les détails les plus communs, il se montre noble; dans les images élevées, il est simple, varié, rapide, sans être diffus et obscur. Cette dixième églogue est peut-être la plus parfaite, et sans doute la plus difficile à traduire. Les mouvements brusques, qui ne sont point dans le caractère de notre langue, les images que Virgile ne fait souvent qu'indiquer, et qu'il faut développer pour les faire sentir, rendent la tâche du traducteur plus difficile. Mais nous ne craignons point de dire que le poète français a vaincu heureusement le plus grand nombre des difficultés ; et, s'il n'a pas conservé dans cette églogue, comme dans les autres, la précision de son modèle, on y retrouvera toute la délicatesse des sentiments qu'a peints Virgile, et les lecteurs se plairont sans doute à voir dans sa traduction, comme dans l'églogue latine, l'amitié prêtant sa plus tendre éloquence à l'amour.

FIN.

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