en Italie et d'y porter ses dieux. Les ombres d'Hector et de Créuse sont les interprêtes de cette volonté; Cassandre, avant ce temps, a souvent prédit cette destinée : Et sæpè Hesperiam, sæpè Itala regna vocare. « Et les champs d'Italus et les bords d'Hespérie. » (DELILLE.) Apollon lui rend le même oracle, et Virgile est d'autant plus adroit, dans cette circonstance, qu'il traduit littéralement Homère, et qu'Apollon ne répète en faveur des Troyens que la prédiction flatteuse déjà faite par Neptune dans l'Iliade: .. Antiquam exquirite matrem. Hic domus Æneæ cunctis dominabitur oris, « Troyens, c'est au berceau de vos premiers parents » Allez et recherchez la terre paternelle : » Là naîtra de vainqueurs une race nouvelle; » Là régneront Énée et ses derniers neveux, » Et les fils de ses fils, et ceux qui naîtront d'eux. » (DELILLE.) Cette promesse lui est plus expressément confirmée par ses dieux pénates: Est locus, Hesperiam Graii cognomine dicunt, Italiam dixisse, ducis de nomine gentem: «Il est des bords fameux que l'on nomme Hespérie, Il part; c'est Vénus elle-même qui le dirige dans sa course: Matre deâ monstrante viam. L'ombre de son père lui renouvelle ce même ordre à Carthage : Me patris Anchisæ quoties humentibus umbris « Anchise, dès que l'ombre enveloppe les cieux, (DELILLE.) Et bientôt le maître des dieux même lui déclare sa vo lonté par son messager céleste : Ascanium surgentem et spes hæredis Tüli Respice cui regnum Italiæ Romanaque tellus «< Qui t'arrête; » De ta postérité pourquoi trahir l'espoir, (DELILLE.) Ce n'est pas seulement par la volonté des dieux que Virgile fait régner Auguste sur l'Italie; il prouve que tous les droits que les hommes reconnaissent sont réunis dans sa personne. Il doit recueillir l'héritage de Dardanus et de Jasius: « Lå du grand Dardanus la race a pris naissance. » Audiat hæc genitor, qui fœdera fulmine sansit : Talibus inter se firmabant foedera dictis << Par ces feux solennels où je plonge ma main, >> Tels ces deux souverains entourés de leur cour, » Par de communs serments s'engageaient tour à tour. » (DELILLE.) Enfin il a le droit que lui donne le mariage qui l'unit à l'héritière unique du monarque des Latins. Depuis Énée, jusqu'à Romulus, une suite continuelle de rois a dû conserver le même titre à leurs descendants. Ce n'est que sous leur empire que les Romains doivent trouver la gloire et le bonheur; le seul rejeton de cette race antique et royale a reparu dans César. Julius, a magno demissum nomen Iülo. « Jules prendra son nom du fils de votre Énée. (DELILLE.) Auguste est le digne héritier de César, c'est par lui seul que doivent se réaliser les promesses des dieux, et si les Romains veulent devenir les maîtres du monde, ils doivent reconnaître le nouveau pouvoir sous lequel s'accompliront ces glorieux oracles révélés par Jupiter même à Vénus, et qu'elle a fait connaître à son fils : Veniet lustris labentibus ætas Cum domus Assaraci Phtiam, clarasque Mycenas, « Un jour, un jour viendra qu'en tous lieux triomphant, >> Le sang d'Assaracus imposera des chaînes, » Aux enfants des vainqueurs commanderont un jour. (DELILLE.) Il est aisé de concevoir combien le plan d'un pareil ou vrage répondait aux vues de Mécène et de son maître, et dans quelle faveur il dut élever auprès d'eux leur poète. Virgile avait donc à peine achevé le premier chant de l'Eneide, quand il eut part à une des affaires les plus importantes que l'on eût jamais traitées depuis la perte de la liberté romaine. Soit que l'empereur fût rassasié de gloire, ou qu'il redoutât le sort de son prédécesseur, soit qu'il voulût se donner dans l'esprit du peuple le mérite d'une généreuse modération, ou qu'enfin il cherchât seulement à connaître l'opinion de Rome et celle de ses amis, Auguste mit en question, s'il conserverait le souverain pouvoir, ou s'il rétablirait la république. Agrippa, vaillant guerrier, mais peu courtisan, et privé de toutes conceptions politiques, opina pour le dernier parti. Mécène, dont les yeux pénétrants avaient étudié les plus secrets replis de l'âme de son maître, et qui jugeait mieux les intérêts présents de Rome, soutint l'avis contraire par un discours très-éloquent. Auguste se trouvait alors dans la même position où Cromwel se plaça depuis ; mais il ne se laissa pas envelopper comme lui dans le piège de sa propre dissimulation. Pour décider l'avis partagé de son conseil, il n'hésita pas d'appeler celui qui s'occupait d'un poëme si favorable aux intérêts de sa puissance. Virgile eut donc à prononcer entre le gendre de César et son favori, et ce fut dans ces termes qu'il développa son opinion; Le passage du gouvernement populaire à un gouver»›nement absolu, a eu jusqu'à présent de funestes consé»quences, parce que la haine du peuple et l'injustice du |