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>> prince sont en cette circonstance une cause nécessaire de » craintes et d'appréhensions réciproques. Mais si ce peuple >> connaissait un homme dont la justice inspirât la confiance » générale, il serait de l'avantage de tous qu'un tel person>>nage voulût accepter le souverain pouvoir. Si vous avez » donc la volonté de continuer, comme vous avez fait jusqu'ici, à administrer la justice avec impartialité, le pou» voir dans vos mains sera sans danger pour vous et utile » à l'univers. >>>

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On tenterait vainement d'accuser Virgile de flatterie dans sa réponse; elle présente le véritable point de vue sous lequel on devait envisager la question à cette époque où les maximes de l'ancienne république n'étaient plus praticables. L'expression des sentiments de Virgile était si juste, et tellement sincère, qu'elle se trouvait consignée d'avance dans le premier livre de l'Enéïde, et qu'au lieu d'exposer son opinion, dans les termes simples et raisonnables qu'on vient de lire, il pouvait la faire connaître en récitant seulement ces beaux vers qui renferment toute l'idée de ses conseils :

Ac veluti magno in populo cùm sæpè coorta est
Seditio, sœvitque animis ignobile vulgus.

Jamque faces et saxa volant, furor arma ministrat.
Tum, pietate gravem ac meritis si fortè virum quem
Conspexere, silent, arrectisque auribus adstant.

« Ainsi dans la chaleur d'une émeute soudaine

D

Quand d'un peuple fougueux la tourbe se déchaîne,

» Les bras s'arment de fer, de cailloux et de feux,
» Et tout dans leur audace est une arme pour eux :
» Mais que dans ce désordre un homme, à leur furie
>> Se présente, unissant la valeur au génie,

» On l'admire..... en silence on l'écoute, et sa voix

» Entraîne tous les cœurs et les range à ses lois. »

Ce rapide ascendant qu'on laisse prendre à la vertu, cet empire naturel dont s'emparent le courage et les talents dès qu'ils se présentent, est une des images les plus sublimes parmi celles que l'on rencontre en foule dans l'Eneide. Il semblait difficile, en trouvant l'occasion de mettre sous nos yeux le même tableau devenu national, de lutter avec avantage contre Virgile et ses plus beaux vers; un tel succès appartient à la prose éloquente de M. de Fontanes, dans un passage admirable de son Eloge de Washington. Ce passage, écrit d'enthousiasme et d'inspiration, et d'un plus grand intérêt pour nous que le sujet principal, est un de ces morceaux pleins d'éclat, de chaleur et de mouvement qui ne peut être oublié par personne, et qui sera classé comme une des plus belles pages de notre langue, dans les recueils de chefs-d'œuvre de nos plus grands maîtres.

Virgile fut lui-même une preuve de ce respect universel que le mérite personnel peut obtenir. Il jouissait d'une si haute considération, que cent mille Romains, comme pour le remercier des conseils qu'il venait de donner à Auguste, se levèrent de leurs sièges en le voyant paraître au théâtre, et lui rendirent les mêmes honneurs qu'à César. Tacite nous

est garant de cette vérité; elle prouve qu'alors on ne supposait point un grand poète au-dessous des conceptions les plus graves, et des intérêts les plus importants. Auguste invitait Horace à l'aider de ses lumières et de ses talents dans la composition des rescripts qui étaient des lois de l'Empire. Il ne fut donc pas étonnant qu'Auguste adınît Virgile dans les secrets de son conseil.

Quand cette conduite n'eût été que l'effet d'un calcul intéressé, pour encourager l'auteur de l'Eneide, dans l'exécution d'un poëme si favorable à l'autorité, une pareille démarche eût été très-politique. On sait effectivement que, depuis cette marque de confiance de son souverain, Virgile continua plus sérieusement ses travaux, et qu'il donna d'abord à son ouvrage le titre de Poëme Impérial ou Histoire Romaine. Ce n'est pas qu'il y suive froidement, comme Lucain, l'ordre chronologique; mais les principaux évènements, et les personnages les plus illustres de Rome, y trouvent leurs places. Il raconte l'histoire d'Italie, depuis Saturne jusqu'au roi Latinus, et depuis la succession d'Énée, au royaume d'Albe, jusqu'à la naissance de Romulus. Il parle ensuite des rois de Rome et de leurs exploits, jusqu'à l'expulsion des Tarquins, et à l'établissement de la république. Il touche légèrement tous les évènements postérieurs, mais il décrit avec complaisance toutes les particularités de la vie d'Auguste; ses exploits militaires, sa conduite politique, son origine fabuleuse, ses courses lointaines, rien n'est oublié. Le sixième livre de l'Eneide est une allusion pleine d'adresse à son voyage en Égypte, qu'il rangea

:

sous sa domination et réduisit en province romaine. Junon, déesse impérieuse, a tous les traits de l'impératrice Livie ; on reconnaît Lépide au caractère faible de Latinus, et le présomptueux Turnus est Antoine lui-même. Le héros du poëme, le pieux Énée, représente Auguste toujours attentif à conserver la dignité de grand pontife; Virgile, soigneux de lui plaire, sait le flatter jusques dans son attachement pour son médecin fidèle, Antonius Musa, qu'il désigne sous le nom d'lapis, et qu'il nomme le premier parmi les disciples chéris d'Esculape et d'Apollon:

Jamque aderat phœbo ante alios dilectus Iapis.

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Tapis d'Apollon le disciple fidèle. » ( Delille. )

Le rapprochement des vers suivants est également trop pour n'être senti :

direct

pas

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» Menaçaient la cité, leur remit sa puissance,
» Et sur eux de l'état reposait la défense. »
(DELILLE.)

Il est impossible de ne pas y reconnaître Agrippa et Mécène, revêtus par Auguste d'une telle autorité, lorsqu'il s'éloignait de Rome, qu'ils avaient le droit d'ouvrir les lettres qu'il adressait à des particuliers, comme au sénat, d'y changer ce qu'ils jugeaient convenable, de publier même des

édits, et que pour leur donner la forme la plus authentique, l'empereur leur avait laissé le cachet si renommé par la figure du Sphinx qu'il représentait.

Les évènements historiques ou fabuleux qui se trouvent liés à l'histoire de Rome, fournissent à Virgile des allusions du plus grand intérêt pour les Romains de son temps. La lance de Romulus, qui prit racine et poussa des bourgeons, lui inspira ces vers sur Polydore.

Nam Polydorus ego hic confixum ferrea texit
Telorum seges et jaculis increvit acutis.

<< Polydore est mon nom; ces arbustes sanglants
» Furent autant de traits qui percèrent mes flancs.
» La terre me reçut, et dans mon sein plongée
>> Leur moisson homicide en arbre s'est changée. »
( Delille. )

La métamorphose des vaisseaux en nymphes, rappelle le stratagème des Troyens, qui firent couler à fond leur flotte pour empêcher les peuples du Latium de s'en emparer.

Le trait courageux d'Horatius Coclès, qui traversa le Tibre à la nage quand le pont qu'il défendait fut rompu, est célébré par l'action de Turnus qui se précipite tout armé dans le même fleuve, et se rend ainsi dans la ville d'Ardée. Sinon, caché dans un marais, et disant aux Troyens dont il prépare la ruine :

Limosoque lacu per noctem obscurus in ulva
Delitui, dum vela darent :

« Et caché dans les joncs d'un fangeux marécage,
» J'attendis que la Grèce eût quitté ce rivage. »

(DELILLE.).

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