Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Sinon ne permet pas d'oublier Marius, méditant les massacres de Rome dans les marais de Minturne; et l'on ne peut trouver une image plus analogue à la mort de Pompée, que le tableau touchant qu'offrent ces vers sur la fin cruelle du père d'Hector :

.......

... Tot quondam populis terrisque superbum Regnatorem Asia: jacet ingens littore truncus Avulsumque humeris caput et sine nomine corpus.

« Ce potentat, jadis si grand, si vénérable,

>> N'est plus qu'un tronc sanglant, qu'un débris déplorable, » Dans la foule des morts tristement confondu,

» Hélas! et sans honneur sur le sable étendu. »

(DELILLE)

Le phénomène des rayons lumineux que les soldats romains crurent, dans leur enthousiasme, voir briller sur la tête de Lucius Marcius lorsqu'ils le proclamèrent général après la mort des deux Scipions, se présente à la mémoire. en lisant ces vers du huitième livre de l'Eneide, où la même flamme vient, dans l'imagination du poète, couronner le front d'Auguste avant la bataille d'Actium:

Geminas cui tempora flammas,

Læta vomunt patriumque aperitur vertice sidus..

« Deux faisceaux lumineux, présage de victoire,
» L'environnent déjà des rayons de la gloire,
» Et sur son jeune front empreint de majesté,
De l'astre paternel resplendit la clarté. »
(DELILLE)

Les évènements plus récents que Virgile n'avait pu prévoir ne sont pas négligés, il s'en empare à mesure que les circonstances les amènent, et les fait entrer avec tant d'art dans les différents chants de son poëme, qu'ils semblent avoir fait partie de son plan dès l'origine. Telles furent les fêtes qu'Auguste institua sous le nom d'Actiaques, et qu'il ordonna de célébrer chaque année à l'époque de la victoire d'Actium. C'est aux mêmes lieux, au même promontoire d'Actium, que Virgile conduit Énée au cinquième livre de l'Eneide, et qu'il y fait honorer la mémoire d'Anchise par des jeux funéraires, si pareils aux fêtes de son temps, qu'on ne les croirait qu'une imitation de celles que permit aux Troyens la touchante hospitalité d'Aceste. On y revoit les mêmes courses de navires et de jeunes guerriers, les mêmes combats d'adresse et de force, à l'arc et au ceste, les mêmes évolutions de cavalerie, et en un mot le même spectacle que faisait briller à Rome la magnificence d'Auguste.

C'est au premier chant de son poënie que Virgile inséra ces vers mémorables, à l'occasion de la paix universelle qui vint consoler le monde, et qui permit enfin de fermer le temple de Janus:

Aspera tum positis mitescent sæcula bellis;

Cana Fides et Vesta, Remo cum fratre Quirinus,
Jura dabunt : diræ ferro et compagibus arctis

Claudentur belli portæ : Furor impius intus,
Sæva sedens super arma, et centum vinctus ahenis
Post tergum nodis, fremet horridus ore cruento.

Quels beaux jours vont éclore!

» Du métal le plus pur ses jours seront files.
» Je vois la Foi, les Mœurs et les Arts rappelés.
» De cent verroux d'airain les robustes barrières
» Refermeront de Mars les portes meurtrières,
>> La Discorde au dedans, fille affreuse d'enfer,
» Hideuse, y rugira sous cent cables de fer,
» Et sur l'amas rouillé de lances inhumaines,
» De sa bouche sanglante envain mordra ses chaînes. »

(DELILLE.)

Avec quel génie, Virgile oppose à cette heureuse peinture de la félicité publique, la sombre image du signal des combats et des cérémonies imposantes qui se pratiquaient alors, en ouvrant ce même temple d'où s'échappaient la guerre et la victoire. C'est dans ce tableau sublime que Virgile, d'un seul coup de pinceau, fait ressortir un des évènements les plus glorieux de l'empire, le retour des aigles romaines enlevées aux légions de Crassus dans sa défaite, et renvoyées à Auguste par le roi des Parthes. Les louanges ne manquent pas aux souverains, mais l'encens qu'on leur prodigue est souvent si fade, et la fumée en est si lourde, que l'idole même en est fatiguée. Ils devraient se souvenir qu'Alexandre ne permettait qu'au ciseau de Lysipe de reproduire son image. Auguste n'eut qu'à se défendre de la séduction des hommages de Virgile. Quelle adresse dans la tournure indirecte de ce dernier éloge offert dans un cadre si magnifique.

Cum prima movent in prælia Martem
Sive Getis inferre manu lacrymabile bellum,

Hyrcanisve, Arabisve parant, seu tendere ad Indos
Auroramque sequi, Parthosque reposcere signa.
Sunt geminæ belli portæ, sic nomine dicunt,
Relligione sacræ, et sævi formidine Martis :
Centum ærei claudunt vectes, æternaque ferri
Robora, nec custos absistit limine Janus.
Has, ubi certa sedet patribus sententia pugnæ,
Ipse Quirinali trabeâ cinctuque Gabino
Insignis, reserat stridentia limina consul;
Ipse vocat pugnas: sequitur tum cætera pubes,
Æreaque assensu conspirant cornua rauco.

<< Lorsqu'en ces murs puissants, la guerre est près d'éclore, >> Soit qu'on porte l'alarme aux Arabes errants, » Soit que de nos soldats les rapides torrents » Menacent l'Hyrcanie où les Gètes sauvages, » Soit que de l'Orient inondant les rivages, >> Ils volent ressaisir sur leurs fiers ennemis » Nos étendards captifs et nos aigles soumis; >> Deux portes qu'on nomma les portes de la guerre, >> Se rouvrant, se fermant, font le sort de la terre. » Janus en est la garde, et Mars le souverain : » De cent barres de fer, de cent verroux d'airain, » L'invincible barrière, et plus encor la Crainte, » Du temple redouté garde à jamais l'enceinte. » Ainsi, dès que de Mars provoquant la fureur, » Le décret du sénat porte au loin la terreur, » Sous les pans bigarrés de la toge romaine » Le consul, renouant la robe Gabienne, » Des portes qui de Rome annoncent le courroux, >> Fait tomber les barreaux et crier les verroux.

» Sur leurs vieux gonds rouillés aussitôt elles s'ouvrent,

Et du temple de Mars les voûtes se découvrent;
» Lui-même sur le seuil appelle les combats;
» La jeunesse à sa voix joint ses bruyants éclats,
» Par ses accents guerriers le clairon les seconde,
» Et sonne le réveil de la reine du monde. »>

(DELILLE.)

Si Virgile sut rendre son poëme intéressant par tous les souvenirs qu'il y rappelle, il ne prouva pas moins combien il possédait l'art des convenances, et son silence à l'égard d'une foule de personnages illustres, encore chers peut-être aux Romains, est une preuve de cette connaissance des ménagements et des égards qui le distinguent particulièrement; s'il parle de Catilina, c'est pour le peindre enchaîné dans le Tartare et sans cesse environné des supplices dont sa mort courageuse l'a délivré. Scévola se dévouant à l'assassinat d'un roi, Brutus qui n'accomplit que trop ce que l'autre n'avait que projeté, sont oubliés à dessein dans l'Éneïde. L'implacable ennemi de Jules César, Caton d'Utique, n'y vient point d'une manière positive choquer de son grand nom l'oreille d'Auguste. Ce vers si connu, et l'objet de tant de commentaires, His dantem jura Catonem, est enveloppé d'incertitudes. Est-ce un projet, est-ce un hasard? Ce vers, désignait-il Caton le censeur auprès d'Auguste? s'appliquait-il à l'indomtable républicain d'Utique, auprès de ceux à qui sa mémoire était encore sacrée ? Ce double sens est-il un double hommage à la puissance et à l'opinion publique ? Ce vers est-il au nombre de ceux que

« ZurückWeiter »