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Je voyais mes brebis sur ces monts répandues,
A ces rochers lointains mes chèvres suspendues.
Troupeau jadis heureux! oubliez à la fois

Et la fleur du cytise, et le saule, et ma voix!

TITYRE.

Mais suspends, tu le peux, un pénible voyage;
Accepte à mes côtés un lit de vert feuillage.
Nous aurons des fruits mûrs, nouvellement cueillis;
Ceux de mon châtaigner sous la cendre amollis;
Du lait, qu'un seul piquant durcit dans mes corbeilles,
Et le miel octueux de mes jeunes abeilles.

La fumée, en tournant, s'élève des hameaux,

Et l'ombre immense au loin descend de nos coteaux.

REMARQUES

SUR L'ÉGLOGUE PREMIÈRE.

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N a donné plusieurs définitions de la poésie pastorale; nous ne les répéterons point ici. Ceux qui ont lu les Églogues de Virgile, connaissent assez ce genre de poésie; il importe peu à ceux qui ne les ont pas lues, de savoir que la poésie bucolique est l'imitation de la vie champêtre.

Le public a daigné accueillir nos remarques sur les derniers livres de l'Eneide; nous tâcherons de rendre ces remarques sur les Églogues également dignes de son suffrage. Nous leur donnerons même plus d'étendue, afin qu'elles soient plus utiles aux jeunes élèves.

La poésie de Virgile, surtout dans les églogues, est comme la nature dont elle offre partout un tableau si fidèle; elle donne sans cesse de nouveaux plaisirs à ceux qui l'étudient dans ses plus petits détails. Nous éviterons cependant l'écueil dans lequel sont tombés la plupart des commentateurs; nous éviterons les répétitions; nous n'aurons point, surtout, la vaine prétention de tout dire dans un sujet si riche; nous n'avons d'autre but que celui de faire aimer Virgile à ceux qui ne le savent pas par cœur ; et ce but ne

serait pas rempli, si nous avions le malheur d'ennuyer en parlant de lui.

C'est la reconnaissance qui inspira au poète latin la première de ses églogues. Le territoire de Mantoue et celui de Crémone avaient été distribués aux soldats d'Antoine et d'Octave. Le père de Virgile possédait une petite terre dans le Mantouan, près d'Andès: cette terre fut donnée au centurion Arius; mais Virgile, aidé de la faveur de Pollion et de Varus, obtint que le champ de ses aïeux serait rendu à sa famille : il l'obtint à cause de ses vers; et c'est la première fois, peut-être, que le génie des Muses l'emporta sur le génie de la guerre civile.

Virgile célèbre dans cette églogue le bienfait d'Auguste, et jamais la reconnaissance ne parla un langage plus noble, plus touchant et plus flatteur. La scène se passe à l'ombre d'un hêtre; le berger Tityre, nonchalamment assis sous l'ombrage, essaie des airs sur son chalumeau; Mélibée, chassé du domaine de ses pères, s'éloigne tristement; la situation des deux bergers offre un contraste plein d'intérêt. Cette églogue est un petit drame champêtre, et les vers suivants en sont l'exposition.

PAGE 56, VERS I.

Tityre, tu patulæ recubans sub tegmine fagi
Silvestrem tenui musam meditaris avenâ;

Nos patriæ fines et dulcia linquimus arva;

Nos patriam fugimus; tu, Tityre, lentus in umbrâ,
Formosam resonare doces Amaryllida silvas.

Pour peindre l'heureux repos de Tityre, le poète prodigue

les épithètes; il semble que sa muse se plaise à ces images. Il est plus laconique, lorsqu'il nous montre les regrets d'un berger malheureux; il n'emploie qu'une seule épithète, dulcia, dont le sens retombe dans l'idée principale, et qui contribue encore à faire aimer les champs dont Tityre n'est point exilé. Pour apprécier cette juste observation des convenances, il faut se rappeler que Virgile avait à remercier Auguste de la conservation de ses terres ; si ce prince était bienfaisant envers Tityre, il était sévère, injuste envers Mélibée; Virgile devait lui parler de ses bienfaits, et ne dire de l'infortune des autres bergers, que ce qui était nécessaire pour faire ressortir sa propre félicité. Mélibée exprime ses regrets sans amertume; il répète deux fois le mot patria. Il pleure sa patrie, et c'est sur cet objet de toutes ses affections, que doivent s'arrêter ses souvenirs. Cette répétition est d'un effet touchant. Le verbe meditaris exprime heureusement le repos et le loisir de Tityre; l'adjectif lentus est adroitement opposé au mot fugimus dans le quatrième vers. Le cinquième est plein de grâce et d'harmonie :

O Melibœe! deus nobis hæc otia fecit:

On trouvera sans doute la flatterie un peu forte, mais on n'était pas si sévère à la cour d'Auguste; la république elle-même suivit l'exemple de Tityre; ces Romains, chez qui la royauté ne put jamais s'introduire, en prenant Auguste pour maître, ne voulurent jamais en faire un roi, mais ils consentirent à en faire un dieu; le sénat donna le titre de divus à Octave.

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Il y a quelque chose de simple et de naïf dans cette expression de Tityre; il ne sait comment exprimer sa reconnaissance, et il fait un dieu de son bienfaiteur. Il est d'ailleurs si frappé de la puissance d'Auguste, qu'il ne peut s'expliquer ce qu'il a vu, ce qu'il a éprouvé, que par l'idée d'une divinité.

PAGE 78, VERS I.

Undique totis

Usque adeo turbatur agris. En ipse capellas
Protenus æger ago: hanc etiam vix, Tityre, duco;
Hic inter densas corylos modò namque gemellos,
Spem gregis, ah! silice in nudâ connixa reliquit.

Mélibée passe légèrement sur le trouble horrible qui règne de toutes parts dans les champs. Les idées générales ne conviennent point à la simplicité des bergers; Mélibée revient à lui et à ses chèvres ; alors ses images deviennent plus précises, et son tableau est bien plus animé. Il en est des tableaux de la poésie comme de ceux des peintres; les perspectives vagues ne laissent aucune impression; il faut un point de vue sur lequel l'attention puisse se reposer : ici les regards s'arrêtent agréablement sur Mélibée et sur son troupeau; bientôt le poète précise encore davantage ses idées; le lecteur oublie le troupeau lui-même, pour ne voir qu'une chèvre qui vient de mettre bas deux petits. Nous pourrions faire ici de savants raisonnements sur la nature de l'art, mais cet exemple suffit pour nous faire entendre.

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