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On n'a qu'à relire attentivement le morceau que nous ve~ nons de citer. Le cœur est faiblement ému par la première phrase undique totis; il est plus touché de la seconde, en ipse capellas; mais c'est pour la troisième partie de ce petit tableau que le poète réserve ses plus vives couleurs, et le lecteur tout son attendrissement. On suit de l'œil cette chèvre qui se traîne avec peine; on voit les coudriers et la pierre nue sur laquelle elle a mis bas ses petits chevreaux; l'idée d'une mère et de ses deux petits, donne à cette description une couleur plus sentimentale et plus animée,

3) PAGE 78, VERS 6,

Sæpè malum hoc nobis, si mens non læva fuisset,
De cœlo tactas memini prædicere quercus;

(Sæpè sinistra cavâ prædixit ab ilice cornix.)

L'idée de ces vers est bien dans la nature; le malheur est superstitieux. Ces sortes de présages, tirés des phénomènes naturels, sont parfaitement dans le goût pastoral; rien ne peint mieux d'ailleurs l'innocence et la simplicité des bergers, qui ignorent les causes des guerres civiles, et qui doivent être portés à ne voir que les coups d'un incompréhensible destin, dans les ravages causés par l'ambition. Cette résignation religieuse de Mélibée est attendrissante. Elle rappelle quelque chose de cette fatalité dont les anciens ti-. raient leur pathétique le plus touchant dans la tragédie.

PAGE 78, VERS 10.

Urbem quam dicunt Romam, Meliboe, putavi
Stultus ego huic nostræ similem, quò sæpè solemus
Pastores ovium teneros depellere fetus :

Sic canibus catulos similes, sic matribus hædos,
Noram; sic, etc.

Tityre ne parle pas de la ville de Rome, mais de la ville qu'on appelle Rome, quam dicunt Romam; ce détour exprime le respect et la vénération du berger pour la ville, que la muse épique de Virgile appelle la ville éternelle : les comparaisons qui suivent rendent à merveille la surprise qu'un berger a dû éprouver, en voyant pour la première fois la capitale du monde romain. Jamais on ne fit un plus grand éloge de Rome, et cependant le poète n'emploie que des images presque communes. Tout ce morceau respire la naïveté la plus aimable; le style naïf consiste souvent à exprimer les choses les plus élevées par les idées les plus simples.

Marot a traduit en vers cette première églogue; voici comment il a rendu le passage que nous venons de citer :

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Accomparant, d'imprudence surpris,
Chose petite à celle de grand prix;
Car pour certain Romme noble, et civile
Leve son chef par sus toute autre ville,
Ainsi que font les grans et hauts Cyprez

Sur ces buyssons, que tu veois icy près.

Ces vers sont loin, comme on voit, de rendre l'élégance, l'harmonie et même le sens de Virgile. Dans le poète latin, on admire surtout l'art du style; ses beautés ne pouvaient être rendues dans une langue qui n'était pas encore formée.

5) PAGE 80, VERS II.

Mirabar quid mæsta deos, Galatea, vocares;
Cui pendere suâ patereris in arbore poma:
Tityrus hinc aberat. Ipse te, Tityre, pinus,
Ipsi te fontes, ipsa hæc arbusta, vocabant.

Il règne dans ces vers la plus douce mélancolie; les sentiments religieux attribués à Galatée donnent à ce morceau une expression de tendresse dont l'âme du lecteur est touchée. Les idées religieuses s'allient toujours aux sentiments affectueux; le second vers exprime bien la tristesse de la bergère; le mot patereris qui se traîne longuement, offre l'image de la langueur. Les mots ipsi pinus, ipsæ fontes, ipsa arbusta, en frappant l'oreille des mêmes sons, et en égarant la pensée sur plusieurs images à la fois, inspirent une douce rêverie. Rollin cite ces répétitions parmi celles qui sont propres à réveiller les passions et les sentiments.

6) PAGE 82, VERS II.

Fortunate senex! hîc, inter flumina nota
Et fontes sacros, frigus captabis opacum.
Hinc tibi quæ simper vicino ab limite sæpes
Hyblæis apibus florem depasta salicti
Sæpè levi somnum suadebit inire susurro;
Hinc altâ sub rupe canet frondator ad auras:
Nec tamen interea raucæ, tua cura, palumbes.
Nec gemere aëriâ cessabit turtur ab ulmo.

Il serait difficile de trouver quelque chose de plus parfait que ce tableau des plaisirs simples de la vie champêtre; tout y est grâce et harmonie; plus on le relit, plus l'esprit et l'oreille en sont charmés. Nous en indiquerons les principales beautés.

L'épithète nota est fréquemment employée par les poètes latins, et surtout par Virgile; mais il nous semble qu'elle est placée ici plus heureusement que partout ailleurs. Mélibée, qui parle, est exilé de sa patrie; il ne verra plus que des lieux et des fleuves inconnus; le mot nota a dans sa bouche une signification touchante; elle exprime à la fois ses regrets et le bonheur de Tityre. Frigus opacum, pour dire la fraîcheur de l'ombre, est une expression hardie et forte. Rivarol l'a rendue par ces mots : la fraiche obscurité. Les sons inégaux qu'on remarque dans ce vers,

Hyblæis apibus florem depasta salicti,

font voir à la fois le vol incertain des abeilles qui voltigent autour des haies, et le bruit léger qu'elles font, en suçant le calice des fleurs. Dans le vers suivant, l'harmonie est encore plus expressive: Sæpè levi somnum suadebit inire su

surro.

Tibulle, dans sa première élégie, a peint aussi les charmes du Sommeil; mais dans une autre situation.

Quàm juvat immites ventos audire cubantem,

Aut gelidas hybernus aquas cùm fuderit auster,
Securum somnos, imbre juvante, sequi!

Les deux poètes ont exprimé des idées différentes sur le même sujet : le berger de Virgile peint un bonheur qu'il regrette; Tibulle, en parlant de la pluie et de l'orage, qui retentissent autour de lui, sans pouvoir l'atteindre, exprime un sentiment qu'on pourrait appeler le plaisir de la sécurité. Les vers de Tibulle ont quelque chose de doux et de mélancolique; on y retrouve le ton de l'élégie; ceux de Virgile ont plus d'harmonie, et semblent plus appartenir à la poésie descriptive.

Cette harmonie si douce, qui peint à la fois le bourdonnement des abeilles et les charmes d'un sommeil paisible prend une expression plus vive dans le vers qui suit:

Hinc altâ sub rupe canet frondator ad auras.

Le son est gradué; il est moins vif, moins aigu dans les

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