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CHAPITRE V.

Que l'incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie.

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que nous avons dit jusqu'ici a pu conduire le lecteur à cette réflexion : Que l'incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. Quand on ne crut plus rien à Athènes et à Rome, les talens disparurent avec les Dieux, et les Muses livrèrent à la barbarie ceux qui n'avoient plus de foi en elles.

Dans un siècle de lumières, on ne sauroit croire jusqu'à quel point les bonnes mœurs sont dépendantes du bon goût, et le bon goût des bonnes mœurs. Les ouvrages de Racine, devenant toujours plus purs à mesure que l'auteur devient plus religieux, se terminent enfin à Athalie. Remarquez, au contraire, comment l'impiété et le génie de Voltaire se décèlent à la fois dans ses écrits, par un mélange de choses exquises et de choses odieuses. Le mauvais goût, quand il est incorrigible, est une fausseté de jugement,

un biais naturel dans les idées; or, comme l'esprit agit sur le cœur, il est difficile que les voies du second soient droites, quand celles du premier ne le sont pas. Celui qui aime la laideur, dans un temps où mille chefs-d'œuvre peuvent avertir et redresser son goût, n'est pas loin d'aimer le vice; quiconque est insensible à la beauté, pourroit bien méconnoître la vertu.

Un écrivain qui refuse de croire en un Dieu, auteur de l'univers, et juge des hommes dont il a fait l'âme immortelle, bannit d'abord l'infini de ses ouvrages. Il renferme sa pensée dans un cercle de boue, dont il ne peut plus sortir. Il ne voit rien de noble dans la nature; tout s'y opère par d'impurs moyens de corruption et de régénération. L'abîme n'est qu'un peu d'eau bitumineuse; les montagnes sont des protubérances de pierres calcaires ou vitrescibles, et le ciel, où le jour prépare une immense solitude, comme pour servir de camp à l'armée des astres que la nuit y amène en silence, le ciel, disons-nous, n'est plus qu'une étroite voûte momentanément suspendue par la main capricieuse du Hasard. Si l'incrédule se trouve ainsi borné dans

les choses de la nature, comment peindra-t-il l'homme avec éloquence? Les mots pour lui manquent de richesse, et les trésors de l'expression lui sont fermés. Contemplez, au fond de ce tombeau, ce cadavre enseveli, cette statue du néant, voilée d'un linceul : c'est l'homme de l'athée! Fétus né du corps impur de la femme, au dessous des animaux pour l'instinct, poudre comme eux, et retournant comme eux en poudre, n'ayant point de passions, mais des appétits, n'obéissant point à des lois morales, mais à des ressorts physiques, voyant devant lui, pour toute fin, le sépulcre et des vers tel est cet être qui se disoit animé d'un souffle immortel! Ne nous parlez plus des mystères de l'âme, du charme secret de la vertu; grâces de l'enfance, amours de la jeunesse, noble amitié, élévation de pensées, charmes des tombeaux et de la patrie, vos enchanmens sont détruits!

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Nécessairement encore l'incrédulité introduit l'esprit raisonneur, les définitions abstraites, le style scientifique, et avec lui le néologisme, choses mortelles au goût et à l'éloquence.

Il est possible que la somme de talens dé

partie aux auteurs du dix-huitième siècle, soit égale à celle qu'avoient reçue les écrivains du dix-septième (1). Pourquoi donc le second siècle est-il au dessons du premier? Car il n'est plus temps de le dissimuler, les écrivains de notre âge ont été, en général, placés trop haut. S'il y a tant de choses à reprendre, comme on en convient, dans les ouvrages de Rousseau et de Voltaire, que dire de ceux de Raynal et de Diderot (*)? On a vanté, sans doute avec raison, la méthode de nos derniers métaphysiciens. Toutefois on auroit dû remarquer qu'il y a deux sortes de › clartés l'une tient à un ordre vulgaire d'idées (un lieu commun s'explique nettement); l'autre vient d'une admirable faculté de concevoir et d'exprimer clairement une pensée forte et composée. Des cailloux, au fond d'un ruisseau, se voient sans peine, parce l'eau n'est pas profonde; mais l'ambre,

que

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(1) Nous accordons ceci pour la force de l'argument; mais nous sommes bien loin de le croire. Pascal et Bossuet, Molière et La Fontaine sont quatre hommes toutà-fait incomparables, et qu'on ne retrouvera plus. Si nous ne mettons pas Racine de ce nombre, c'est qu'il a un rival dans Virgile.

(*) Voyez la note I à la fin du volume.

le corail et les perles appellent l'œil du plongeur à des profondeurs immenses, sous les flots transparens de l'abîme.

Or, si notre siècle littéraire est inférieur à celui de Louis XIV, n'en cherchons d'autre cause que notre irréligion. Nous avons déjà montré combien Voltaire eût gagné à être chrétien; il disputeroit aujourd'hui la palme des Muses à Racine. Ses ouvrages auroient pris cette teinte morale, sans laquelle rien n'est parfait; on y trouveroit aussi ces souvenirs du vieux temps, dont l'absence y forme un si grand vide. Celui qui renie le Dieu de son pays, est presque toujours un homme sans respect pour la mémoire de ses pères; les tombeaux sont sans intérêt pour lui, les institutions de ses aïeux ne lui semblent que des coutumes barbares; il n'a aucun plaisir à se rappeler les sentences, sagesse et les goûts de sa mère.

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Cependant, il est vrai que la majeure partie du génie se compose de cette espèce de souvenirs. Les plus belles choses qu'un auteur puisse mettre dans un livre, sont les sentimens qui lui viennent par réminiscence, des premiers jours de sa jeunesse. Voltaire a bien péché contre ces règles critiques

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