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viennent à crouler, il ne reste que des débris isolés, entre lesquels l'oeil découvre au haut et au loin les astres, les nues, les montagnes, les fleuves et les forêts. Alors, par un jeu de l'optique, l'horizon recule, et les galeries suspendues en l'air, se découpent sur les fonds du ciel et de la terre. Ces effets n'ont pas été inconnus des anciens; ils élevoient des cirques sans masses pleines, pour laisser un libre accès aux illusions de la perspective.

Les ruines ont ensuite des harmonies particulières avec leurs déserts, selon le style de leur architecture, les lieux où elles sont placées, et les règnes de la nature au méridien qu'elles occupent.

Dans les pays chauds, peu favorables aux herbes et aux mousses, elles sont privées de ces graminées, qui décorent nos châteaux gothiques et nos vieilles tours; mais aussi de plus grands végétaux se marient aux plus grandes formes de leur architecture. A Palmyre, le dattier fend les têtes d'hommes et de lions, qui soutiennent les chapiteaux du temple du Soleil; le palmier remplace par sa colonne, la colonne tombée, et le pêcher que les anciens consacroient à Harpocrate, s'élève dans la demeure du silence. On y

voit encore une espèce d'arbres, dont le feuillage échevelé. et les fruits en cristaux, forment, avec les débris pendans, de beaux accords de tristesse. Quelquefois une caravane, arrêtée dans ces déserts, y multiplie les effets pittoresques : le costume oriental allie bien sa noblesse à la noblesse de ces ruines, et les chameaux semblent en accroître les dimensions, lorsque, couchés entre des fragmens de maçonnerie, ils ne laissent voir que leurs têtes fauves et leurs dos bossus.

Les ruines changent de caractère en Egypte; souvent elles offrent dans un petit espace diverses sortes d'architectures et de souvenirs. Les colonnes du vieux style égyptien s'élèvent auprès de la colonne corinthienne; un morceau d'ordre toscan s'unit à une tour arabe, un monument du peuple pasteur à un monument des Romains. Des Sphinx, des Anubis, des statues brisées, des obélisques rompus, sont roulés dans le Nil, enterrés dans le sol, cachés dans des rizières, des champs de fèves et des plaines de trèfles. Quelquefois, dans les débordemens du fleuve, ces ruines ressemblent sur les eaux à une grande flotte; quelquefois

des nuages, jetés en onde sur les flanc des pyramides, les partagent en deux moitiés. Le chakal, monté sur un piédestal vide, allonge son museau de loup derrière le buste d'un Pan à tête de belier; la gazelle, l'autruche, l'ibis, la gerboise, sautent parmi les décombres, tandis que la poule-sultane se tient immobile sur quelque débris, comme un oiseau hiéroglyphique de granit et de porphyre.

La vallée de Tempé, les bois de l'Olympe, les côtes de l'Attique et du Péloponèse, étalent les ruines de la Grèce. Là, commencent à paroître les mousses, les plantes grimpantes, et les fleurs saxatiles. Une guirlande vagabonde de jasmin embrasse une Vénus, comme pour lui rendre sa ceinture; une barbe de mousse blanche descend du menton d'une Hébé, le pavot croît sur les feuillets du livre de Mnémosyne; symbole de la renommée passée, et de l'oubli présent de ces lieux. Les flots de l'Egée, qui viennent expirer sous de croulans portiques, Philomèle qui se plaint, Alcyon qui gémit, Cadmus qui roule ses anneaux autour d'un autel, le cigne qui fait son nid dans le sein de quelque Léda, mille

accidens, produits comme par les Grâces, enchantent ces poétiques débris on diroit qu'un souffle divin anime encore la poussière des temples d'Apollon et des Muses, et le paysage entier, baigné par la mer, ressemble à un tableau d'Apelles, consacré à Neptune et suspendu à ses rivages (*).

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CHAPITRE V.

Ruines des Monumens chrétiens.

LES ruines des monumens chrétiens n'ont pas la même élégance que les ruines des monumens de Rome et de la Grèce; mais, sous d'autres rapports, elles peuvent supporter le parallèle. Les plus belles que l'on connoisse dans ce genre, sont celles que l'on voit en Angleterre, au bord des lacs du Cumberland, dans les montagnes d'Ecosse, et jusque dans les Orcades. Les bas côtés du choeur, les arcs des fenêtres, les ouvrages ciselés des voussures, les pilastres

(*) Voyez la note O à la fin du volume.

des cloîtres, et quelques pans de la tour des cloches, sont en général les parties qui ont le plus résisté aux efforts du temps.

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Dans les ordres grecs, les voûtes et les cintres suivent parallèlement les arcs du ciel; de sorte que, sur la tenture grise des nuages ou sur un paysage obscur, ils se perdent dans les fonds dans l'ordre gothique au contraire, les pointes contrastent avec les arrondissemens des cieux et les courbures de l'horizon. Le gothique étant tout composé de vides, se décore ensuite plus aisément d'herbes et de fleurs, que les pleins des ordres grecs. Les filets redoublés des pilastres, les dômes découpés en feuillage ou creusés en forme de cueilloir, deviennent autant de corbeilles où les vents portent, avec la poussière, les semences des végétaux. La joubarbe se cramponne dans le ciment, les mousses emballent d'inégaux décombres dans leur bourre élastique, la ronce fait sortir ses cercles bruns de l'embrasure d'une fenêtre, et le lierre, se traînant le long des cloîtres septentrionaux, retombe en festons dans les arcades.

Il n'est aucune ruine d'un effet plus pitto

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