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elle possède alors les deux conditions essentielles à l'harmonie : le beau et le mystérieux. Le chant nous vient des anges, et la source des concerts est dans le ciel.

C'est la religion qui fait gémir, au milieu de la nuit, la vestale sous ses dômes tranquilles; c'est la religion qui chante si doucement au bord du lit de l'infortuné. Jérémie lui dut ses lamentations, et David ses pénitences sublimes. Plus fière sous l'ancienne alliance, elle ne peignit que des douleurs de monarques et de prophètes; plus modeste, et non moins royale, sous la nouvelle loi, ses soupirs conviennent également aux puissans et aux foibles, parce qu'elle a trouvé dans Jésus-Christ l'humilité unie à la grandeur. Ajoutons que la religion chrétienne est essentiellement mélodieuse , par la seule raison qu'elle aime la solitude. Ce n'est pas qu'elle soit ennemie du monde, elle s'y montre au contraire très-aimable; mais cette céleste Philomèle préfère les retraites ignorées. Elle est un peu étrangère sous les toits des hommes; elle aime mieux les forêts, qui sont les palais de son père et son ancienne patrie. C'est là qu'elle élève

la voix vers le firmament, au milieu des concerts de la nature la nature publie sans cesse les louanges du Créateur, et il n'y a rien de plus religieux que les cantiques chantent, avec les vents, les chênes et les roseaux du désert.

que

Ainsi le musicien qui veut suivre la religion dans ses rapports, est obligé d'apprendre l'imitation des harmonies de la solitude. Il faut qu'il connoisse les sons que rendent les arbres et les eaux; il faut qu'il ait entendu le bruit du vent dans les cloîtres, et ces murmures qui règnent dans les temples gothiques, dans l'herbe des cimetières, et dans les souterrains des

morts.

Le chrisfianisme a inventé l'orgue, et donné des soupirs à l'airain même. Il a sauvé la musique dans les siècles barbares; là où il a placé son trône, là s'est formé un peuple qui chante naturellement comme les oiseaux. Quand il a civilisé les sauvages, ce n'a été que par des cantiques, et l'Iroquois qui n'avoit point cédé à ses dogmes, a cédé à ses concerts. Religion de paix! vous n'avez pas, comme les autres cultes, dicté aux humains des préceptes dehaine et de discorde,

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Si l'histoire ne prouvoit pas que le chant Grégorien est le reste de cette musique antique dont on raconte tant de miracles, il suffiroit d'examiner son échelle, pour se convaincre de sa haute origine. Avant GuiArétin, elle ne s'élevoit pas au-dessus de la quinte, en commençant par l'ut : ut, ré, mi, fa, sol. Ces cinq tons sont la gamme naturelle de la voix, et donnent une phrase musicale pleine et agréable.

M. Burette nous a conservé quelques airs grecs. En les comparant au plain-chant, on y reconnoît le même système. La plupart des psaumes sont sublimes de gravité, particulièrement le Dixit Dominus Domino meo, le Confitebor tibi, et le Laudate, pueri. L'In exitu, arrangé par Rameau, est d'un caractère moins ancien; il est peut-être du temps de l'Ut queant laxis, c'est-à-dire, du siècle de Charlemagne.

Le christianisme est sérieux comme l'homme, et son sourire même est grave. Rien n'est beau comme les soupirs que nos maux arrachent à la religion. L'office des morts est un chef-d'œuvre; on croit entendre les sourds retentissemens du tombeau. Si l'on en croit une ancienne tradition, le chant qui délivre les morts, comme l'appelle un de nos meilleurs poëtes, est celui-là même que l'on chantoit aux pompes funèbres des Athéniens, vers le temps de Périclès.

Dans l'office de la semaine sainte, on remarque la passion de saint Matthieu. Le récitatif de l'historien, les cris de la populace juive, la noblesse des réponses de Jésus, forment un drame pathétique.

Pergolèze a déployé dans le Stabat Mater, la richesse de son art; mais a-t-il surpassé le simple chant de l'Eglise? Il a varié la musique sur chaque strophe; et pourtant le caractère essentiel de la tristesse consiste dans la répétition du même sentiment, et, pour ainsi dire dans la monotonie de la douleur. Diverses raisons peuvent faire couler les larmes; mais les larmes ont toujours une semblable amertume d'ailleurs, il est rare qu'on pleure à la fois pour une foule de

maux ; et quand les blessures sont multipliées, il y en a toujours une plus cuisante que les autres, qui finit par absorber les moindres peines. Telle est la raison du charme de nos vieilles romances françaises. Ce chant pareil, qui revient à chaque couplet sur des paroles variées, imite parfaitement la nature : l'homme qui souffre, promène ainsi ses pensées sur différentes images, tandis que le fond de ses chagrins reste le même.

Pergolèze a donc méconnu cette vérité, qui tient à la théorie des passions, lorsqu'il a voulu que pas un soupir de l'âme ne ressemblât au soupir qui l'avoit précédé. Partout où il y a variété, il y a distraction, et partout où il y a distraction, il n'y a plus de tristesse : tant l'unité est nécessaire au sentiment; tant l'homme est foible dans cette partie même où gît toute sa force, nous voulons dire dans la douleur.

La leçon des lamentations de Jérémie porte un caractère particulier elle peut avoir été retouchée par les modernes, mais le fond nous en paroît hébraïque; car il ne ressemble point aux airs grecs du plainchant Le Pentateuque se chantoit à Jéru

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