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VÉZELAY EN 1567

Par M. CHAlle.

(Séance du 4 juillet 1869.)

Quand j'ai écrit l'Histoire des Guerres du Calvinisme et de la Ligue dans les divers cantons qui forment aujourd'hui le département de l'Yonne, j'ai eu à rechercher la vérité sur une multitude de faits d'intérêt secondaire, qui se trouvaient allégués dans diverses relations, et que souvent l'erreur ou l'exagération avaient inventés ou dénaturés. De ce nombre était l'occupation de Vézelay par les protestants. Ils avaient surpris cette ville dans leur troisième insurrection, au mois de janvier 1569, et l'occupèrent militairement, afin de faciliter le passage, par cette partie de la contrée, de l'armée que le duc de Deux-Ponts amenait d'Allemagne au secours de Condé et Coligny, qui guerroyaient dans l'ouest, où ils devaient bientôt être vaincus à la bataille de Jarnac, dans laquelle le premier perdit la vie. Cette occupation dura jusqu'à la paix de Saint-Germain, qui fut conclue le 23 mars 1570. Son importance est attestée et par les efforts des catholiques pour reprendre cette place et par l'ardente énergie que mirent les protestants à la défendre dans le long siége qu'ils eurent à soutenir.

Vézelay avait depuis longtemps des réformés dans son

Sc. hist.

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sein; cela est incontestable. Mais jamais, jusqu'au mois de janvier 1569, ils n'avaient été les maîtres de la ville. Elle resta en dehors du rayon où se passèrent les faits de guerre de la première insurrection, celle de 1562. La seconde prise d'armes avait eu lieu à la fin de septembre 1567, et la surprise d'Auxerre avait été un de ses premiers actes. Les efforts du parti protestant s'étaient immédiatement tournés vers Paris. Mais la bataille de Saint-Denis avait déjoué leurs projets. Leur armée s'était alors dirigée, par la Champagne, vers les bords du Rhin, pour faire sa jonction avec les troupes allemandes que lui amenait le duc Jean Casimir. Le duc d'Anjou, qui commandait l'armée royale, n'avait pu empêcher cette jonction, et, forts de ce secours, les protestants étaient revenus vers l'Auxerrois en passant la Seine à Châtillon. Pendant ce temps le duc de Nevers, Ludovic de Gonzague, était arrivé du Piémont avec un corps soldé par le Pape, et ayant réuni les forces catholiques du Dauphiné et quatre mille suisses de nouvelle levée, il était dans notre pays dès le mois de décembre, comme l'attestent deux lettres que lui adressait, le 17 de ce mois, le roi Charles IX (1) et le 18 le duc d'Anjou, qui, de Sézanne, l'appelait à Châlons. Mais il n'avait pu empêcher l'ennemi, aidé par le secours de la garnison d'Auxerre, de traverser la Puisaye au mois de février et de gagner Châtillon-sur-Loing, Orléans et Montargis. La paix avait été signée alors à Longjumeau le 23 mars 4568. La collection de Béthune contient deux lettres du duc de Nevers, l'une datée de Coulommiers le 8 février, et l'autre de Joigny le 44, adressées à ses lieutenants, où il rend compte de ses mouvements et de l'état du pays, et une autre

(1) Collection de Béthune (870, fos 122 et 123).

du 9 du même mois que lui adressait le duc d'Anjou. Dans celle du 14 février il énumère toutes les places restées fidèles à la cause royale et les garnisons qu'il y tient, Mussy, Saulieu, Montbard, Avallon, Semur, Epoisses, Vitteaux, La Charité, Cravant et Vézelay. Il a réparti à Avallon, Vézelay et Cravant les deux compagnies du capitaine Foissy et une compagnie d'Argoulets.

Ainsi Vézelay, comme Avallon et Cravant, était dans cette période demeuré au pouvoir des catholiques, et c'est ce que j'ai exposé dans mon Histoire. Le récit qu'avait fait l'abbé Martin, dans sa Chronique de Vézelay, d'un prétendu siége de cette ville par une armée de 12,000 protestants, partie d'Auxerre sous le commandement des capitaines Sarrazin et Blosset, et de sa surprise par escalade au point du jour, n'est qu'un roman, ou plutôt c'est une confusion évidente avec l'entreprise hardie qui, au mois de mars 1569, dans la troisième prise d'armes des protestants, leur livra cette forte place, surprise alors, en effet, au point du jour. Sarrazin et Blosset n'étaient pas des généraux d'armée, C'étaient des chefs de bande qui, commandant à quelques centaines d'hommes, avaient, dans cette dernière circonstance, occupé Vézelay, et ce sont eux précisément qui le défendirent ensuite contre le général Sansac, dans le long siége qu'il vint mettre devant cette ville et où Sarrazin fut tué sur la brèche. Mézeray et Lebeuf, cités à tort par l'abbé Martin, n'ont raconté que la surprise du mois de mars 1569. Si Lebeuf parle, à la page 179 de son Histoire de la prise d'Auxerre, d'un chanoine de la cathédrale et d'un curé de Bazarnes qui, faits prisonniers par les protestants, furent conduits à Vézelay, il ne raconte ces faits qu'après ceux de l'année 1568, et par conséquent ils se rapportent non à 1567, mais à 1569. Le retour

à Vézelay de la bande protestante qui avait pris et saccagé Chablis, dont il parle à la page 191, n'est que du mois d'avril 1570. Cette date est constatée par un procès-verbal d'information du 14 de ce mois, que j'ai cité à la page 268 de mon premier volume. A la vérité, Lebeuf parle, d'après Viole, d'un prêtre qui, après la prise d'assaut d'Irancy, le 7 février 4568, était mené à Vézelay, mais s'échappa en route pendant la nuit. Ce n'est là qu'une vague tradition, racontée cent ans après l'événement par Viole, qui ne tite à son appui aucun document contemporain, mais elle ne peut, en ce qui concerne Vézelay, prévaloir sur les lettres si précises du duc de Nevers, du lendemain 8 et du 14 du même mois, où est constatée la garde paisible de cette ville à cette date par une garnison catholique.

On trouve dans les Mémoires de Claude Haton (p. 435) qu'en 1567, après leur tentative d'enlever le roi auprès de Meaux, les chefs protestants coururent surprendre diverses villes, au nombre desquelles il cite La Charité, Sancerre et Vézelay. Ceux qui ont lu les curieux mémoires de ce bon curé des environs de Provins savent que, s'il est inappréciable pour ses détails sur les mœurs et l'esprit du temps et pour ceux des événements accomplis à sa portée, il n'offre souvent pour les faits lointains que des traditions confuses, des rumeurs hasardées et de grossières erreurs. La Charité ne fut en 1557 ni surprise ni même attaquée. La lettre du duc de Nevers du 8 février constate qu'elle était restée aux catholiques. Georges Viole, qui avait sous les yeux la relation d'un moine de cette ville, appelé Noël Coquille, l'atteste aussi, et Lebeuf le répète après lui à la page 221 de son Histoire de la Prise d'Auxerre. On sait enfin qu'au mois de mars 1559, leduc de Deux-Ponts fut obligé de l'assiéger et de la

prendre d'assaut pour faire passer la Loire à son armée. Quelle valeur peut donc avoir ce que dit de Vézelay, dont il écrit le nom à côté de celui de la Charité, ce bon curé de campagne, qui écrivait plusieurs années après les événements et qui, comme son savant éditeur l'a remarqué, brouillait souvent, dans le récit des événements généraux, les faits, les noms et les dates?

Cependant, M. Chérest, dans le chapitre VIII de la deuxième partie de son Etude sur Vézelay, a émis des doutes. sur l'exactitude de mes assertions en ce qui concerne le maintien de cette ville au pouvoir du roi en 1567, qu'il ne croit pas à l'abri d'une juste critique, et il les fonde sur ce que la lettre du duc, quoique datée du 14 février 1568 (il dit à tort du 12), doit être de 1569, selon notre supputation d'aujourd'hui, l'année, selon lui, ne commençant pas encore à cette époque au 1er janvier. Il s'est trompé. L'ordonnance de Charles IX, dite de Roussillon, qui, par son article 39, a modifié le calendrier, en rapportant au 1er janvier l'année qui auparavant datait du jour de Pâques, est du 3 janvier 1563 (1), et il y avait par conséquent cinq ans qu'elle était en vigueur en 1568. Aucun doute n'est d'ailleurs possible sur la date, à raison des faits auxquels la lettre se rapporte. C'est en novembre 1567 qu'avait commencé la campagne du duc de Nevers, et elle se termina pour lui en mars 1568, époque où il était mis hors de combat par un coup de feu qu'il reçut au genou et dont, après en avoir été longtemps malade, il resta estropié toute sa vie. Il ne prit pour cette cause aucune part à la campagne suivante. Le duc d'Anjou qui, le 18 décembre 1567, lui transmettait de Sézanne l'ordre

(1) Voir Isambert, Recueil des lois de l'ancienne monarchie.

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