demeure. Ainsi, au retour du printemps, quand les nouveaux rois sortiront à la tête de leurs essaims, et que cette vive jeunesse s'ébattra hors de la ruche, la rive voisine leur offrira un abri contre la chaleur, et l'arbre un repos sous son feuillage hospitalier. Que l'eau soit stagnante, ou qu'elle coule, jette-s-y, en travers, de grosses pierres, ou des troncs de saules, comme autant de ponts où les abeilles se puissent reposer, et étendre leurs ailes aux rayons d'un soleil d'été, si la pluie les a surprises ou dispersées, ou si le vent les a précipitées dans l'onde. Près de là fleuriront la verte lavande, le serpolet odoriférant, et le thym à l'odeur forte; la violette s'y abreuvera d'une eau toujours fraîche. QUANT aux ruches elles-mêmes, formées d'écorces creuses, ou tissues d'un flexible osier, elles ne doivent avoir qu'une étroite ouverture: car le miel se gèle l'hiver, et se fond aux chaleurs de l'été : deux inconvéniens également à craindre pour les abeilles; aussi ont-elles la précaution de boucher avec de la cire jusqu'aux moindres fentes de leurs maisons, d'en enduire les bords avec le suc des plantes et des fleurs, et de mettre en réserve, pour cet emploi, une gomme plus onctueuse que la glu et que la poix du mont Ida. Souvent même, dit-on, elles se sont creusé des demeures souterraines, et l'on en a trouvé logées dans les trous des pierres-ponces, et au sein des arbres minés par le temps. QUE ton art se joigne à leurs soins; enduis tout autour leur frêle habitation d'une couche de terre grasse, et couvre-la de quelques feuillages. Ne souffre point d'ifs dans leur voisinage; n'y fais pas, sur le charbon, Ure foco cancros; altæ neu crede paludi, Aut ubi odor cœni gravis, aut ubi concava pulsu QUOD Superest, ubi pulsam hiemem sol aureus egit HINC, ubi jam emissum caveis ad sidera cœli Intima more suo sese in cunabula condent. SIN autem ad pugnam exierint, nam sæpe duobus Regibus incessit magno discordia motu; Continuoque animos vulgi et trepidantia bello Corda licet longe præsciscere: namque morantes Martius ille æris rauci canor increpat, et vox Auditur fractos sonitus imitata tubarum. rougir d'écrevisses. Crains pour elles un marais profond, l'odeur d'un bourbier fangeux, et ces roches sonores, où l'écho répond avec éclat à la voix qui l'appelle. MAIS l'hiver a fui devant le soleil qui l'a relegué sous la terre, et au ciel brille la sérénité des beaux jours. Soudain, l'abeille s'élance, elle parcourt et les bois et les plaines, recueille le parfum des fleurs, et, légère, effleure la surface des eaux. Transportée alors d'une joie nouvelle, elle revient soigner avec plus d'ardeur et sa cellule et sa future famille de là ces palais de cire bâtis avec tant d'art, et cet amas de miel qui les doit remplir. BIENTÔT, échappé de son berceau, dans un beau jour de printemps, tu verras un jeune essaim flotter dans les airs, et, comme un nuage obscur, se traîner sur l'aile des vents. Suis-le: il va chercher une onde pure et un toit de feuillage. Répands, dans ces lieux, les odeurs chéries des abeilles que la mélisse broyée se mêle au mélinet; fais-y retentir l'airain, et de Cybèle les cymbales bruyantes. D'elles-mêmes, les abeilles viendront se fixer dans ces demeures parfumées, et reprendre, au fond de leurs ruches, leurs travaux accoutumés. MAIS si elles volent au combat, car souvent, entre deux rois, s'élèvent de terribles discordes, l'on peut tout d'abord prévoir ces dispositions du peuple, et ces fiers courages animés à la guerre. Le bruit belliqueux de l'airain semble hâter leur marche, et leur bourdonnement imite les sons brisés du clairon. Alors, elles s'assemblent en tumulte, agitent leurs ailes, aiguisent leurs dards, préparent leurs bras, et, rangées autour de Tum trepidæ inter se coeunt, pennisque coruscant, leur roi, aux portes de sa tente pressées, elles appellent à grands cris l'ennemi au combat. ENFIN, un beau jour a lui, et leur a ouvert un libre champ soudain, les barrières sont franchies, la bataille s'engage, et l'air en retentit; les combattans se mêlent, s'agitent en un rapide tourbillon, et tombent précipités sur la terre. La grêle fond moins serrée pendant un orage, le gland tombe moins nombreux du chêne que l'on secoue. Au milieu des rangs, les rois eux-mêmes, remarquables à l'éclat de leurs ailes, déploient, dans un faible corps, un grand courage, obstinés qu'ils sont à ne point céder, jusqu'à ce que la victoire ait forcé un des deux rivaux à plier et à fuir. Mais, ces courages émus, ces terribles combats, jette en l'air un peu de poussière, et ils s'apaiseront à l'instant. Lorsque tu auras ainsi rappelé les deux rivaux du champ de bataille, livre au trépas celui qui aura montré le moins de valeur : il serait pour l'état un fardeau inutile. Que le plus brave règne seul désormais. L'un, car ce sont deux espèces, se reconnaît à l'éclat de sa tête, aux écailles brillantes de sa cuirasse, aux taches d'or répandues sur ses anneaux; c'est là le vainqueur; l'autre, à sa figure hideuse, à sa démarche paresseuse, au ventre ignoble qu'il traîne pesamment. Ainsi que les deux rois, les deux nations se distinguent à des oppositions marquées. Sombres et hideuses, les unes ressemblent à la salive épaisse que chasse de son gosier altéré le voyageur qui vient de marcher dans des chemins poudreux; les autres sont propres, brillantes, |