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SEULES de tous les animaux, les abeilles élèvent en commun leurs enfans, habitent une cité commune, et vivent tranquilles sous des lois. Seules, elles connaissent une patrie; seules, elles ont des pénates fixes. Prévoyantes de l'hiver qui doit venir, elles travaillent l'été, et mettent en réserve ce qu'elles ont amassé. Chacune a son emploi. Les unes sont chargées du soin des vivres, et vont butiner dans la campagne; les autres, occupées dans l'intérieur de la ruche, élèvent de l'édifice les premiers fondemens, en mêlant aux pleurs du narcisse la gomme onctueuse des arbres, et cimentent ensuite, avec de la cire, les différens étages de leurs cellules. Celles-ci font éclore les jeunes abeilles, espoir de la république; celles-là distillent un miel pur, et de ce doux nectar remplissent les alvéoles. A d'autres est échue la garde des portes: sentinelles vigilantes, elles observent tour-à-tour les signes précurseurs de la pluie et du vent; tantôt elles reçoivent les fardeaux de celles qui arrivent chargées de butin, ou bien elles se réunissent pour chasser de leur demeure le frelon paresseux. Tout s'anime au travail, et l'air est embaumé de l'odeur du thym. On dirait les Cyclopes forgeant à la hâte les foudres de Jupiter. Les uns reçoivent, dans d'énormes soufflets, l'air qu'ils rendent aux fourneaux; les autres plongent dans l'eau l'airain frémissant; l'Etna gémit sous le poids des enclumes. Les Cyclopes soulèvent, avec de grands efforts, leurs bras qui retombent en cadence sur la masse embrasée, que tournent et retournent de fortes tenailles. Telle est, si aux grands objets l'on peut comparer les petits, l'ardeur naturelle qu'ont les abeilles, d'ajouter, chacune dans leur emploi, aux richesses qu'elles ont déjà amassées. Les plus vieilles ont soin

Et munire favos, et dædala fingere tecta.

At fessæ multa referunt se nocte minores,

Crura thymo plenæ; pascuntur et arbuta passim,
Et glaucas salices, casiamque, crocumque rubentem,
Et pinguem tiliam, et ferrugineos hyacinthos.

OMNIBUS una quies operum, labor omnibus unus.
Mane ruunt portis; nusquam mora. Rursus easdem
Vesper ubi e pastu tandem decedere campis
Admonuit, tum tecta petunt, tum corpora curant.
Fit sonitus, mussantque oras et limina circum.
Post, ubi jam thalamis se composuere, siletur
In noctem, fessosque sopor suus occupat artus.
NEC vero a stabulis pluvia impendente recedunt
Longius, aut credunt cœlo adventantibus euris;
Sed circum tutæ sub moenibus urbis aquantur,
Excursusque breves tentant, et sæpe lapillos,
Ut cymba instabiles fluctu jactante saburram,
Tollunt; his sese per inania nubila librant.

ILLUM adeo placuisse apibus mirabere morem,
Quod nec concubitu indulgent, nec corpora segnes
In Venerem solvunt, aut fetus nixibus edunt;
Verum ipsa e foliis natos et suavibus herbis
Ore legunt; ipsæ regem parvosque Quirites
Sufficiunt, aulasque et cerea regna refingunt.

de l'intérieur; ce sont elles encore qui donnent aux rayons leur solidité, et en règlent l'ingénieuse architecture. Les plus jeunes ne rentrent que le soir, bien fatiguées, et les jambes pleines de la poussière du thym; elles vont aussi effleurer l'arbousier, le saule verdâtre, la lavande, le safran éclatant, le tilleul touffu, et le sombre hyacinthe.

Le temps du travail et du repos est le même pour toutes les abeilles. Le matin, les portes s'ouvrent, tout s'élance point de traîneurs; le soir, quand l'astre du berger les avertit de quitter enfin les prairies, elles regagnent leurs demeures pour y réparer leurs forces épuisées. Un bruit se fait entendre, il se prolonge autour des portes et le long des remparts. Mais bientôt chaque abeille est rentrée dans sa cellule; tout se tait; et un sommeil réparateur enchaîne leurs membres fatigués.

JAMAIS, quand la pluie menace, elles ne s'éloignent de leurs ruches, jamais, à l'approche d'un grand vent, elles ne s'aventurent dans les airs. Cantonnées alors autour de leurs murailles, elles vont puiser de l'eau à la source voisine: là se bornent leurs excursions. Quelquefois, elles enlèvent avec elles un grain de sable pour leur servir de lest, comme le gravier à une barque légère, et elles se balancent ainsi sans crainte au sein des nuages.

MOEURS admirables des abeilles ! elles ne connaissent point les caresses de l'hymen; elles n'affaiblissent point leur corps aux plaisirs de l'amour; elles ignorent les douleurs de l'enfantement. C'est sur les fleurs, sur les plantes les plus suaves, qu'elles recueillent, avec leur trompe, une jeune postérité; là qu'elles retrouvent un roi et de nouveaux citoyens, pour qui elles réparent et leur ville et leur palais de cire.

SÆPE etiam duris errando in cotibus alas

Attrivere, ultroque animam sub fasce dedere.
Tantus amor florum, et generandi gloria mellis!
Ergo ipsas quamvis angusti terminus ævi
Excipiat, neque enim plus septima ducitur æstas;
At genus immortale manet, multosque per annos
Stat fortuna domus, et avi numerantur avorum.
Præterea regem non sic Ægyptus, et ingens
Lydia, nec populi Parthorum, aut Medus Hydaspes
Observant. Rege incolumi mens omnibus una est;
Amisso rupere fidem, constructaque mella
Diripuere ipsæ, et crates solvere favorum.

Ille operum custos; illum admirantur, et omnes
Circumstant fremitu denso, stipantque frequentes,
Et sæpe attollunt humeris, et corpora bello
Objectant, pulchramque petunt per vulnera mortem.

His quidam signis, atque hæc exempla secuti,
Esse apibus partem divinæ mentis et haustus
Ætherios dixere. Deum namque ire per omnes
Terrasque, tractusque maris, cœlumque profundum;
Hinc pecudes, armenta, viros, genus omne ferarum,
Quemque sibi tenues nascentem arcessere vitas.
Scilicet huc reddi deinde ac resoluta referri
Omnia; nec morti esse locum, sed viva volare

Sideris in numerum, atque alto succedere cœlo.

SOUVENT, il leur arrive, dans leurs courses, de briser leurs ailes au tranchant d'un caillou, et d'expirer, victimes généreuses, sous leur fardeau. Tant est vive en elles la passion des fleurs, et l'ardeur de produire le miel! Aussi, bien que leur vie soit renfermée en des bornes étroites (elle ne va guère au delà du septième été), la race est immortelle; la fortune d'une famille se soutient florissante pendant une longue suite d'années, et compte les aïeux de ses aïeux. Autre trait caractéristique l'Égypte, la Lydie, les nations des Parthes, le Mède habitant des bords de l'Hydaspe, ont pour leur roi moins de vénération. Tant que vit le roi, toutes n'ont qu'un même esprit le roi est-il mort, tout pacte est rompu; elles-mêmes pillent les magasins, et brisent les rayons. C'est le roi qui protège les travaux ; il est l'objet de leur admiration; elles l'entourent avec un bourdonnement flatteur, et lui forment une escorte nombreuse. Souvent elles le portent en triomphe sur leurs ailes, lui font à la guerre un rempart de leur corps, et bravent les blessures pour mourir avec gloire sous ses yeux.

A CES signes, à ce merveilleux instinct, quelques sages ont cru reconnaître dans les abeilles une étincelle de la divine intelligence, une émanation du ciel. Dieu, selon ces philosophes, remplit l'immensité de la terre, les abîmes de la mer, les profondeurs du ciel. C'est de lui que l'homme et les diverses espèces d'animaux empruntent, en naissant, le souffle léger qui les anime; c'est à lui que retournent, après leur dissolution, tous les êtres. Ainsi, rien ne meurt les substances vivantes vont se réunir aux astres, et, lumières nouvelles, peupler la voûte des

cieux.

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