mon plus pur laitage, jamais à la maison je ne revenais les mains chargées d'argent. MÉLIBÉE. Et je m'étonnais si, toujours triste, Amaryllis, tu invoquais les dieux! si tu laissais pendre à l'arbre les fruits mûrs depuis long-temps! Tityre était absent. Ces pins, ces fontaines, ces arbrisseaux, c'est toi, Tityre, qu'ils redemandaient. TITYRE. Que faire ? Pour me tirer d'esclavage, je n'avais pas d'autre moyen, et je ne pouvais espérer ailleurs des dieux aussi favorables. C'est là que je l'ai vu, ô Mélibée! ce jeune héros pour qui chaque année, douze fois sur nos autels, fume l'encens; là, qu'à ma prière il a répondu : « Bergers, comme auparavant, faites paître vos génisses; au joug soumettez vos jeunes taureaux. » MÉLIBÉE. Heureux vieillard! ainsi tes champs, tu les conserveras! ils te suffisent, bien que resserrés d'un côté par un rocher stérile, de l'autre par un marais fangeux et couvert de joncs. Tes brebis pleines ne feront point l'essai dangereux d'un nouveau pâturage, et devenues mères, elles ne craindront pas d'un troupeau voisin le mal contagieux. Heureux vieillard! ici, sur la rive du fleuve accoutumé, près des fontaines sacrées, tu respireras la fraîche obscurité. Tantôt, sur cette haie qui borde ton héritage, l'abeille du mont Ida viendra sucer la fleur du saule, et, par son doux murmure, t'inviter au sommeil; tantôt, du haut de cette roche, la voix du bûcheron Hinc alta sub rupe canet frondator ad auras. TITYRUS. Ante leves ergo pascentur in æthere cervi, MELIBOE US. At nos hinc alii sitientes ibimus Afros; Pars Scythiam, et rapidum Cretæ veniemus Oaxem, En umquam patrios longo post tempore fines. Carmina nulla canam. Non, me pascente, capellæ, TITYRUS. Hic tamen hac mecum poteras requiescere nocte montera dans les airs; tandis que les ramiers, tes amours, ne cesseront de roucouler, et la tourterelle de gémir sur les ormes à la cime aérienne. TITYRE. Aussi l'on verra dans les plaines de l'air paître les cerfs légers, la mer abandonner les poissons à sec sur le rivage; et, changeant de pays, le Parthe exilé, boire les eaux de la Saône, et le Germain celles du Tigre, avant que de mon cœur s'efface son image. MÉLIBÉE. Mais nous, exilés de ces lieux, nous irons les uns chez l'Africain brûlé par le soleil, les autres dans la Scythie, ou en Crète, sur les bords de l'Oaxe rapide, ou chez les Bretons, séparés du reste de l'univers. Oh! jamais après un long exil, ne reverrai-je les champs paternels, et ma pauvre cabane, et mon toit couvert de chaume, jamais cet humble héritage qui formait mon empire? Un soldat impie possèdera ces champs cultivés avec tant de soin? un Barbare, ces moissons? Voilà, malheureux citoyens, le fruit de vos discordes ! voilà pour qui nous avons ensemencé nos terres! Va maintenant, Mélibée, greffer tes poiriers, aligner tes ceps. Et vous, troupeau jadis heureux, allez, mes chèvres, allez! étendu dans un antre verdoyant, je ne vous verrai plus suspendues aux flancs d'une roche buissonneuse. Désormais plus de chants. Non, vous n'irez plus, conduits par ma houlette, brouter le saule amer et le cytise fleuri. TITYRE. Cependant cette nuit, tu peux encore la passer avec |