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prise. Mais je doute qu'ils atteignent leur but, parce qu'enfin, quelque opinion particulière que l'on ait sur Pascal, il faut convenir au moins que, dans les Pensées, telles qu'elles nous sont parvenues, la misère de la condition humaine et les motifs de désespoir sont marqués d'un trait bien autrement fort, bien autrement original et saisissant que la félicité des élus. Si j'avais à choisir, parmi les fragments de Pascal, un fragment qui pût servir d'épigraphe au livre des Pensées et qui le résumât tout entier, je prendrais celui-ci : « Il faut savoir douter où il faut, se soumettre où il faut, croire où il faut. » Mais on ne peut s'empêcher d'avouer que les raisons de croire, c'est à peine si Pascal a pu les indiquer, tandis que les raisons de ne pas se soumettre et les raisons de douter, pas un moraliste peut-être ne les a fait plus éloquemment ressortir.

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Si cependant on persiste et que l'on veuille à tout prix refaire ou retrouver son Apologie, alors il n'y a pas deux partis à prendre ni deux routes à suivre : il faut en revenir à l'édition de Port-Royal et s'y tenir. On aura beau répéter contre ce pauvre duc de Roannez les imprécations éloquentes de Victor Cousin, cela ne fera pas que le duc de Roannez encore qu'il n'eût pas inventé l'éclectisme ne fût un peu plus avant que Victor Cousin lui-même dans la confidence du secret de Pascal et, si je puis dire, de la pensée de ses Pensées. Acceptons donc toutes les corrections, toutes les mutilations, tous les retranchements, tous les adoucissements que Port-Royal a fait subir au texte, sans compter les additions: Port-Royal avait ses raisons, et son édition nous doit faire loi. Rien ne

nous autorise à supposer

pas même cette perspec

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tive de l'histoire qui passe pour mettre toutes les choses à leur vrai point, mais qui ne laisse pas toutefois d'altérer souvent aussi les justes proportions des choses et leurs rapports réels que nous discernions mieux, dans notre siècle de rationalisme, que PortRoyal en 1670, le vrai sens des intentions de Pascal. Et qu'avons-nous à faire, en pareil cas, du manuscrit autographe?

Mais au contraire, si, plus curieux que vraiment chrétiens, et médiocrement soucieux de demander à Pascal des motifs d'édification, nous décidons de ne voir en lui qu'un grand esprit et qu'un grand écrivain, c'est une autre question. L'édition de M. Ernest Havet marque alors pour nous le terme de ce que l'on peut faire subir d'arrangements aux Pensées de Pascal. Alors nous demandons qu'on nous donne tout Pascal, et ses ratures, et ses surcharges, et ses corrections, et jusqu'aux moindres mots échappés de sa plume, et jusqu'à ces fragments qu'il a barrés de sa main, tout Pascal, mais rien que Pascal, c'est-à-dire qu'une fois pour toutes on renonce à le restituer. C'est une autre manière de concevoir une édition des Pensées; c'est la plus prudente; il se pourrait aussi que ce fût la meilleure. Il y a des ruines auxquelles il faut savoir ne pas toucher. Au surplus, le dirai-je? mais je ne sais si le monument de Pascal eût produit sur nous cette forte impression que produit l'ouvrage inachevé. Peut-être le Pascal de l'Apologie, que nous n'avons pas, eût-il égalé le Pascal des Provinciales; mais le Pascal des Pensées, telles que nous les avons, était le seul qui pût le surpasser. Sainte-Beuve l'a

dit d'un mot : « Pascal, admirable écrivain quand il achève, est peut-être encore plus grand là où il fut interrompu »; et ce mot, selon nous, a tranché le problème.

Septembre 1879,

LES DERNIÈRES RECHERCHES

SUR LA VIE DE MOLIÈRE'

I

D'autres sont Romains, comme le 'vieux Corneille, et d'autres, comme Racine, seraient Grecs, s'il fallait leur chercher des ancêtres. Molière est Gaulois; c'est le secret de sa popularité: Gaulois de race, qui va droit et d'instinct aux sources, un peu dédaignées par ses contemporains, de l'antique malice et de la gaberie traditionnelle; Gaulois de tempérament, qui n'aime pas à perdre terre, également éloigné du romanesque, en dépit de Mélicerte, et de l'héroïque, en dépit de Don Garcie de Navarre, somme toute ne s'élevant jamais au-dessus d'un certain niveau moral; Gaulois d'allure, qui ne s'effarouche ni d'une parole franche ou même crue, ni d'un geste hardi, pour ne pas dire libertin; je parle de l'œuvre et non de l'homme, puisque ce grand moqueur vécut triste et mourut hypocondriaque. On se lasse donc parfois, même en France, non pas sans quelques remords, il est vrai,

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1. J. Loiseleur, Les points obscurs de la vie de Molière. 1 vol. in-8°. Paris, 1877. Liseux.

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