Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

veut que nous le priions? Cependant cette confiance filiale (ne faut-il pas l'avouer? ) manque presqué à toutes nos prières. La prière n'est notre ressource qu'après que toutes les autres nous ont manqué.

Sinous sondons bien notre cœur, nous trouverons que nous demandons à Dieu les secours dont nous avons besoin, comme si nous n'en avions jamais reçu aucun de lui; et qu'un certain fonds d'infidélité secrète et injurieuse à la bonté de Dieu nous rend indignes d'en recevoir des marques. Craignons que Jésus-Christ ne nous fasse, dans son jugement, le même reproche qu'il fit à saint Pierre: Homme de peu de foi, nous dira-t-il, pourquoi avez vous douté (1) ? Pouviez-vous demander des marques plus fortes de ma bonté, pour vous en convaincre, que celles que vous avez tant de fois ressenties? Pourquoi donc arrêter le cours des grâces que je vous préparois, en refusant de les espérer ? il ne falloit que les attendre pour les recevoir. Pourquoi vous défier de moi, après que je me suis moi-même fié sans réserve à vous dans mes sacremens? Ame défiante et ingrate, pourquoi avez-vous douté ?

Il faut joindre l'humilité à la confiance. Grand Dieu, dit Daniel, lorsque nous nous prosternons à vos pieds, nous fondons nos espérances pour le succès de nos prières, non sur votre justice, mais sur votre miséricorde (2). Sans cette disposition de notre cœur, toutes les autres, quelque pieuses qu'elles

(1) Matth. 14.

(2) Dan. 9.

soient, ne peuvent plaire à Dieu. Le malheur de saint Pierre, comme saint Augustin l'a remarqué, ne vint pas de ce que son zèle pour Jésus-Christ n'étoit pas sincère. Saint Pierre aimoit son maître de bonne foi, de bonne foi il vouloit mourir plutôt que de l'abandonner; mais son erreur consistoit en ce qu'il comptoit sur ses propres forces pour faire ce qu'il sentoit qu'il désiroit: c'est pourquoi, dit saint Augustin, il ne suffit pas d'avoir reçu de Dieu un esprit droit, une connoissance exacte de la loi, un désir sincère de l'accomplir; il faut encore à tout moment renouveler ses connoissances et ses désirs, il faut puiser sans cesse dans la fontaine de la lumière pure et éternelle.

La prière du premier homme, selon ce père, étoit une action de louange à Dieu. Pendant qu'il demeuroit dans cet heureux séjour que la main de Dieu même lui avoit préparé, il n'avoit pas besoin de gémir, parce qu'il étoit dans un état d'union et de jouissance; mais maintenant ses enfans chassés de cette terre délicieuse doivent pousser des cris vers le ciel, afin que Dieu daigne se rapprocher d'eux à cause de leur humilité, comme il avoit abandonné leur père à cause de son orgueil.

C'est la préparation de notre cœur, selon le terme de l'écriture, qui engage Dieu à nous écouter. Cette préparation doit être sans doute un abaissement intérieur, un aveu sincère de notre néant à la vue des grandeurs de Dieu (1). C'est ce cœur contrit et hu

(1) Psaume 5e.

milié que Dieu ne méprise jamais; mais quelque effort que le superbe fasse pour fléchir Dieu, Dieu, selon sa parole, résiste toujours aù superbe. Prenez donc garde, dit saint Augustin, que si vous n'êtes pas dans un état de pauvreté, c'est-à-dire, si vous ne sentez pas votre foiblesse et votre indigence, si vous n'êtes pas vil et méprisable à vos propres yeux, vous ne serez point exaucé : car cette pauvreté intérieure est votre seul titre pour obtenir.

Souvenez-vous de la différence que l'évangile nous fait remarquer entre la prière du pharisien superbe et présomptueux, et celle du publicain humble et pénitent (1). L'un raconte ses vertus, l'autre déplore ses foiblesses; l'un remercie Dieu des bonnes œuvres qu'il a faites, l'autre s'accuse des fautes qu'il a commises; la justice de l'un se trouve confondue, tandis que l'autre est justifié.

Il en sera de même d'une infinité de chrétiens. Les pécheurs humiliés à la vue de leurs propres déréglemens seront des objets dignes de la miséricorde de Dieu, tandis que certaines personnes, qui auront fait profession de piété, seront condamnées rigoureusement pour l'orgueil et la présomption qui auront infecté toutes leurs œuvres.

Parce que ces personnes s'adonnent à de bonnes euvres, elles disent dans leurs cœurs à Dieu : Seigneur, je ne suis pas comme le reste des fidèles. Elles s'imaginent être des âmes privilégiées; elles se complaisent vainement dans la haute idée qu'elles

(1) Luc, 18,

se forment d'elles-mêmes; elles prétendent que c'est à elles seules de pénétrer les mystères du royaume de Dieu; elles s'en font une science et une langue chimérique; elles croient que tout est permis à leur zèle, et ne craignent rien de ce qu'il faut craindre. Leur genre de vie régulier en apparence ne sert alors qu'à favoriser leur vanité; hors de là, elles sont indociles, inquiètes, indiscrètes, délicates, sensibles, incapables de se mortifier pour remplir leurs devoirs. En un mot, en allant à la prière avec ce fonds d'orgueil et de présomption, elles n'en rapportent qu'un esprit gâté, plein d'illusion sur elles-mêmes, et presque incurable.

Malheur à ceux qui prient de la sorte! malheur à nous, si nos prières ne nous rendent plus humbles, plus soumis, plus vigilans sur nos défauts, plus disposés à vivre dans l'obscurité et dans la dépendance!

Il faut que nous priions avec amour. C'est par l'amour, dit saint Augustin, qu'on demande, qu'on cherche, qu'on frappe, qu'on trouve, et qu'on demeure ferme dans ce qu'on a trouvé. C'est pourquoi, dit-il dans un autre endroit, vous cesserez de prier Dieu, dès que vous cesserez de l'aimer et d'avoir soif de la justice. Le refroidissement de la charité est le silence de notre cœur à l'égard de Dieu.

Sans cela vous pourrez prononcer des prières, mais vous ne prierez point véritablement. Car d'où nous pourroit venir, dit encore saint Augustin, la véritable application à méditer la loi de Dieu, si elle ne nous est donnée par l'amour de celui-là même

qui nous a imposé cette loi? Aimons donc, et nous prierons. Heureux, à la vérité, dit ce père, de penser sérieusement aux vérités de la religion! mais mille fois plus heureux encore de les goûter et de les aimer !

ou par

Au reste, dit-il, il faut que ce soit une douleur sincère de n'être pas assez fidèle à Dieu, et non pas le dégoût naturel que les créatures vous donnent d'elles, qui tourne votre cœur du côté de Dieu, qui vous fasse prier et gémir. Il faut désirer ardemment que Dieu vous accorde les biens spirituels, et que l'ardeur de votre désir vous rende dignes d'être exaucés: car si vous ne priez que par coutume, foiblesse, dans le temps de la tribulation; si vous n'honorez Dieu que des lèvres, pendant que votre cœur est éloigné de lui; si vous ne sentez point en vous d'affection et d'empressement pour le succès de vos prières; si vous demeurez toujours dans une indifférence et dans une froideur mortelle en approchant de ce Dieu qui est un feu consumant; si vous n'excitez point en vous le zèle de sa gloire, la haine du péché, l'amour de votre propre perfection; n'attendez pas que des prières si languissantes puissent être efficaces. Le cœur de Dieu ne se laissera jamais toucher que par l'amour qui s'allumera dans le vôtre.

Il faut prier avec persévérance. Saint Bernard dit qu'il est indigne de cette haute majesté de se laisser trouver, à moins qu'on ne la cherche avec un cœur parfait. Le cœur parfait est celui qui ne se lasse jamais de chercher Dieu. Aussi saint Augustin nous assure-t-il qu'on ne peut mériter d'obtenir dans la

« ZurückWeiter »