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vaine politesse. Vous ne sauriez mettre trop de grilles, trop de clôtures, trop de formalités gênantes et ennuyeuses entre lui et vous. Non-seulement il ne faut pas craindre de passer pour religieuses; mais il faut craindre de ne passer pas assez pour de vraies religieuses, qui n'aiment que la réforme et l'obscurité, qui oublient le monde jusqu'à lui vouloir déplaire par leur simplicité. Autrement vous vivez tous les jours sur le bord du plus affreux des précipices.

Mais un autre piége que vous devez craindre, c'est votre naissance. Epouses de Jésus-Christ! écoutez et voyez oubliez la maison de votre père. La naissance qui flatte l'orgueil des hommes n'est rien; c'est le mérite de vos ancêtres, qui n'est point le vôtre : c'est se parer des biens d'autrui que de vouloir être estimées par-là. De plus, ce n'est presque jamais qu'un vieux nom oublié dans le monde, et avili par beaucoup de gens sans mérite, qui n'ont pas su le soutenir. La noblesse n'est souvent qu'une pauvreté vaine, ignorante, grossière, oisive, qui se pique de mépriser tout ce qui lui manque. Est-ce là de quoi avoir le cœur si enflé ? Jésus-Christ, sorti de tant de rois, de tant de souverains pontifes de la loi judaïque, de tant de patriarches, à remonter jusqu'à la création du monde; Jésus-Christ, dont la naissance étoit la plus illustre, sans comparaison, qui ait paru dans tout le genre humain, est réduit au métier grossier et pénible de charpentier pour gagner sa vie. Il joint à la plus auguste naissance l'état le plus vil et le plus méprisé, pour confondre la vanité et la mollesse des nobles, pour tourner en ignominie

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ce que la fausse gloire des hommes conserve avec tant de jalousie. Détrompons-nous donc. Il n'y a plus en Jésus-Christ de libre ni d'esclave, de noble ni de roturier. En lui tout est noble par les dons de la foi. En lui tout est anéanti par le renoncement aux vaines distinctions et par le mépris de tout ce que le monde trompeur élève. Soyez noble comme JésusChrist, n'importe, il faut être charpentier avec lui; il faut comme lui travailler à la sueur de son front dans l'obscurité et dans l'obéissance. Vous qui étiez libres, vous ne l'êtes plus; la charité vous a faites esclaves vous n'êtes point ici pour vous-mêmes; vous n'y êtes que les servantes de ces enfans qui sont ceux de Dieu. N'entendez-vous pas l'apôtre qui dit Etant libre, je me suis fait esclave de tous pour les gagner tous? Voilà votre modèle. Cette maison n'est point à vous; ce n'est point pour vous qu'elle a été bâtie et fondée; c'est pour l'éducation de ces jeunes demoiselles qu'on a fait cet établissement. Vous n'y entrez que par rapport à elles, et pour le besoin qu'elles ont de quelqu'un qui les conduise et les forme. Si donc il arrivoit (ô Dieu! ne le souffrez jamais; que plutôt les bâtimens se renversent); si donc il arrivoit jamais que vous négligeassiez votre fonction essentielle; si, oubliant que vous êtes en Jésus-Christ les servantes de cette jeunesse, vous ne songiez plus qu'à jouir en paix des biens consacrés ici ; si l'on ne trouvoit plus dans cette humble école de Jésus-Christ que des dames vaines, fastueuses, éblouies de leur naissance, accoutumées à une hauteur dédaigneuse qui éteint l'esprit de Dieu,

et qui efface l'évangile du fond des cœurs, hélas ! quel scandale! le pur or seroit changé en plomb, l'épouse de Jésus-Christ, sans rides et sans tache, seroit plus noire que des charbons, et il ne la connoîtroit plus.

: Accoutumez-vous donc dès vos commencemens à aimer les fonctions les plus basses, à n'en mépriser aucune, à ne rougir point d'une servitude qui fait votre unique gloire. Aimez ce qui est petit. Goûlez ce qui vous abaisse. Ignorez le monde, et faites qu'il vous ignore. Ne craignez point de devenir grossières à force d'être simples. La vraie, la bonne simplicité fait la parfaite politesse, que le monde, tout poli qu'il est, ne sait pas connoître. Il vaudroit mieux être un peu grossières, pour être plus simples, płus éloignées des manières vaines et affectées du siècle.

Il me semble que je vous entends dire: Puisque nous sommes destinées à l'instruction, ne faut-il pas que nous soyons exactement instruites ? Oui, sans doute, des choses dont vous devez instruire ces enfans. Vous devez savoir les vérités de la religion, les maximes d'une conduite sage, modeste et laborieuse; car vous devez former des filles ou pour des cloîtres, ou pour vivre dans les familles de campagne, où le capital est la sagesse des mœurs, l'application à l'économie, et l'amour d'une piété simple. Apprenez leur à se taire, à se cacher, à travailler, à souffrir, à obéir et à épargner. Voilà ce qu'elles auront besoin de savoir, supposé même qu'elles se marient. Mais fuyez comme un poison toutes les curiosités, tous les amusemens d'esprit: car les femmes n'ont pas moins de

penchant à être vaines par leur esprit que dans leur corps. Souvent les lectures qu'elles font avec tant d'empressement se tournent en parures vaines et en ajuste. mens immodestes de leur esprit. Souvent elles lisent par vanité comme elles se coiffent. Il faut faire de l'esprit comme du corps. Tout superflu doit être retranché, tout doit sentir la simplicité et l'oubli de soi-même. O quel amusement pernicieux dans ce qu'on appelle lectures les plus solides! on veut tout savoir, juger de tout, parler de tout, se faire valoir sur tout: rien ne ra mène tant le monde vain et faux dans les solitudes que cette vaine curiosité des livres. Si vous lisez simplement pour vous nourrir des paroles de la foi, vous lirez peu, vous méditerez beaucoup ce que vous aurez lu. Pour bien lire, il faut digérer sa lecture et la convertir en sa propre substance. Il n'est pas question d'avoir compris un grand nombre de vérités lumineuses : il est question d'aimer beaucoup chaque vérité, d'en laisser pénétrer peu à peu son cœur, de s'y reposer, de regarder long-temps de suite le même objet, de s'y unir moins par les réflexions subtiles que par le sentiment du cœur. Aimez, aimez, vous saurez beaucoup, en apprenant peu; car l'onction intérieure vous enseignera toutes choses. O qu'une simplicité ignorante qui ne sait qu'aimer Dieu sans s'aimer soimême est au-dessus de tous les docteurs ! L'esprit lui suggère toutes les vérités sans les lire en détail; car il lui fait sentir par une lumière intime et profonde, une lumière de vérité, d'expérience et de sentiment, qu'elle n'est rien, et que Dieu est tout. Qui sait cela, sait tout. Voilà la science de Jésus-Christ, en compa

raison de laquelle toute la sagesse mondaine n'est que perte et ordure, selon saint Paul.

Par cette simplicité vous parviendrez, mesdames, à instruire le monde sans avoir aucun commerce dangereux avec lui. Vous arroserez, vous redresserez, vous ferez croître et fleurir ces jeunes plantes, dont les fruits se répandront ensuite dans tout le royaume. Vous formerez de saintes vierges, qui répandront dans les cloîtres les doux parfums de Jésus-Christ. Vous formerez de pieuses mères de famille qui seront des sources de bénédictions pour leurs enfans, et qui renouvelleront l'église. Par elles le nom de Dieu sera connu de tous ceux qui le blasphèment, et son royaume s'établira. Vous ne verrez point le monde; mais le monde se changera par vos travaux. Voilà à quoi vous êtes appelées. Seigneur, répandez votre esprit sur cette maison qui est la vôtre; couvrez-la de la vertu de votre ombre; protégez-la du bouclier de votre amour; soyez tout autour d'elle comme un rempart de feu pour la défendre de tant d'ennemis, tandis que votre gloire habitera au milicu comme dans son sanctuaire. Ne souffrez pas, Seigneur, que la lumière se change en ténèbres, ni que le sel de la terre s'affadisse et soit foulé aux pieds. Donnez des cœurs selon le vôtre, l'horreur du monde, le mépris de soi-même, le renoncement à tout intérêt propre, sur toutes choses votre amour qui est l'âme de toutes les véritables vertus. O amour si ignoré, mais si nécessaire; amour dont ceux mêmes qui en parlent et qui le désirent, ne comprennent point l'étendue qui est sans bornes ; amour sans lequel toutes les vertus

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