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pourroit se prolonger, elle doit être longue encore pour une foule de jeunes ministres du sanctuaire; mais notre but s'éloigneroit de nous avec nos années, nous aurions la douleur de survivre à notre foi, et de nous survivre en quelque sorte à nous-mêmes, puisque, pour le vrai croyant, la foi s'identifie avec tout son être, avec toutes ses affections. Le clergé, jeté comme par hasard au sein d'une société qui auroit persévéré à lui refuser l'appui, les lois, les institutions qu'il réclame, finiroit par se trouver étranger dans sa propre patrie; et déjà même, ne voyons-nous pas souvent de jeunes Français, sans religion, sans principes, se montrer étonnés, lorsqu'ils trouvent par hasard sur leur passage un de ces ministres du Seigneur, revêtu des habits du prêtre, comme si les successeurs des Vincent de Paul et des Fénélon étoient aujourd'hui parmi nous des êtres bizarres et singu liers, venus de loin pour nous raconter des choses extraor dinaires. Déjà, dans ces contrées privées de toute instruction religieuse, dans ces cercles même où brille le luxe, accompagné de l'ignorance sur les vérités les plus nécessaires à l'ordre social, le prêtre français, malgré ses lumières, ses mœurs conciliantes et sa civilisation, est obligé de s'écrier comme le poète romain exilé chez des peuples grossiers et àdemi sauvages: Barbarus hic ego sum, quia non intelligor

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On l'a dit mille fois : la civilisation n'est pas dans l'opulence et dans les arts, elle est dans les mœurs. Quelle civi lisation plus imparfaite que celle de ces peuples anciens qui, avec leurs trophées, avec leurs chefs-d'œuvre, retenoient dans un odieux esclavage une si grande portion de l'humanité? Il y a plus de véritable civilisation dans la seule épître de St. Paul à Philémon, que dans tous les brillans souvenirs, dans tous les monumens fameux de Rome et d'Athènes. Or, cette civilisation, ou, si l'on veut, ce perfectionnement de l'état civil de l'homme, qui peut l'assurer parmi nous et prévenir sa ruine en empêchant son affoiblissement progressif, si ce n'est la religion, si ce n'est ce principe vivifiant qui a renouvelé la face de la terre; ce feu sacré qui s'est allumé comme une foible étincelle, au milieu des plus épaisses ténèbres, pour éclairer le monde et pour le sauver?

Le clergé est dépositaire de ce feu divin, qui nulle part n'a répandu plus d'éclat que parmi nous. Que demande-t-il, å Fexemple d'un Dieu législateur, si non que ce feu soit allu

mé, et qu'il répande sur une nation, qui est la nôtre, son influence salutaire ? Il demande que les moyens que le Sauveur a confiés à son Eglise pour le bonheur des peuples ne soient point annihilés par l'insouciance, par l'indifférence d'un siècle ingrat, par la prolongation indéterminée de me sures antisociales, triste et funeste monument d'une persécution philosophique. Il demande que la discipline, qui fait sa force, soit réglée et protégée, afin que les hommes sachent mieux révérer et pratiquer les doctrines qu'il enseigne, et apprécier les espérances dont il est dépositaire. Il demande, enfin, que s'il ne lui est plus donné aujourd'hui d'occuper la place qui lui appartenoit dans l'ordre politique, au moins celle que Dieu lui a donnée dans la religion lui appartienne toute entière, et que l'esprit du siècle, qui se félicite de l'avoir dépouillé de ses biens, n'ait point à se félici ter d'avoir entamé et enchaîné son pouvoir.

Les apôtres, les papes, les conciles œcuméniques, les princes chrétiens, les pères de l'Église, les profonds politiques qui ont régi les empires, sous l'influence du christianisme, ont voulu que son sacerdoce fût fort, puissant, considéré. C'est ainsi que pensoient ceux qui étoient véritablement grands et éclairés; l'opinion contraire n'a jamais été que l'attribut de la foiblesse et de l'ignorance.

W.

QUELQUES RÉFLEXIONS MORALES SUR CERTAINS

ÉLOGES.

S'IL est dans la société une classe d'hommes qui doive se montrer supérieure à ce besoin d'éloges que l'on remarque partout aujourd'hui, c'est, sans contredit, celle des ministres du Seigneur. Les enfans du siècle, qui leur prodiguent publiquement le tribut de louanges dont le siècle est si avide, semblent par là les rabaisser au niveau de autres humains, et supposer qu'ils sont et doivent être, comme le vulgaire, esclaves de la vanité, de toutes les petites passions, de tous les préjugés qui exercent un si grand pouvoir dans le monde. La lettre suivante, qui nous est adres sée, nous fournit à ce sujet des faits et des observations qu'il ne sera peut-être pas inutile de rendre publiques :

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Messieurs, ce n'est pas sans quelque regret que je remarque depuis quelque temps qu'on se sert d'un langage nouveau et inusité par rapport aux ecclésiastiques et autres

personnes qui traitent des sujets de religion, On a publié, il y a deux ans, un livre d'office fort joli, et on lit, dans le titre de cet ouvrage, que la traduction des psaumes est de M. de Genoude, et les prières de MM. de la Mennais et Letourneur. A Dieu ne plaise que je veuille rien ôter à la juste réputation que ces messieurs se sont acquise par leurs talens et par leurs vertus ; mais je ne crains pas d'avancer que jamais, avant la révolution, on n'avoit annoncé à la tête d'aucun livre d'office, une traduction de l'Ecriture Sainte qui ne fût pas avouée et reconnue par l'Eglise; ou plutôt, jamais les versions les plus accréditées de l'Ecriture n'étoient mentionnées dans les livres d'office, et il n'en est aucun où on lise: Traduction de Sacy, traduction du P. Carrière, traduction de Legros, etc. On se servoit du travail de ces auteurs, sans les citer; l'autorité ecclésiastiqué se contentoit d'en permettre l'impression dans les livres d'office et de prières à l'usage des fidèles. Quant aux prières de MM. de la Mennais et Letourneur, on peut les réciter, puisque l'autorité les approuve; mais on ne devoit pas, ce me semble, inscrire les noms de ces auteurs sur le frontispice d'un livre d'office. Je crois que cela ne peut convenir que pour un père de l'Eglise, un Saint Ambroise, un Saint Augustin, un Saint Bernard, ou pour un écrivain décédé depuis long-temps, avec la réputation d'une grande science et d'une grande vertu. Je désire bien que ces messieurs diffèrent le plus long-temps possible l'exercice du droit qu'ils auront sans doute, d'être cités et nommés jusqu'aux pieds des saints autels, parmi nos bons auteurs ascétiques; en attendant, ils pourront bien réclamer contre cette sorte d'anticipation qui est toujours fort honorable, mais qu'on né peut pas avouer pour l'ordinaire.

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» J'ai eu le mois dernier une autre occasion de remarquer jusqu'où peut aller l'abus de l'éloge. Les fidèles étoient invités à te réunir dans la chapelle d'un hospice, pour y en tendre un prélat éloquent, accoutumé au plus brillant succès; c'étoit un appât bien louable offert à la charité;' convenoit-il de dire, dans le billet d'annonce, que le prélat devoit prononcer son admirable panégyrique de St. Vincent de Paul? Ce langage ne se sent-il pas un peu trop du temps présent? n'est-il pas un peu déplacé? ne rappelle-t-il pas celui dont se servent certains personnages qu'on ne peut citer, quand on vient de nommer un illustre pontife de l'Eglise de France?

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» Un autre prélat, dont le zèle et la piété sont au-dessus de tout éloge, est allé, il y a quelque temps, porter à une dame, distinguée par son rang et par ses vertus, les sacremens et les dernières consolations de la religion. Il étoit, a dit un journal, accompagné du vertueux abbé de G..... Estce que le prélat pourroit jamais se faire accompagner par un ecclésiastique qui ne seroit pas vertueux? ou, a-t-on voulu dire que celui qui avoit cet honneur doit être appelé vertueux plus que les autres, et que cette qualification lui convient, de préférence à qui que ce soit ? Un prêtre fait une belle action, une bonne œuvre; on lui donne l'épithète de vertueux; rien de plus simple; mais l'action d'accompagner un prélat qui administre un malade, n'a rien d'extraordinaire, et ne mérite aucun éloge particulier.

>> Mille pardons, messieurs, si je vous fais part de ces remarques ; je pense qu'elles peuvent convenir à vos Tablettes, dont je suis un fidèle abonné. Mon intention n'est pas d'offenser personne. J'aime à dire hautement la vérité; c'est une chose qu'il faut pardonner à mon âge. J'ai passé une partie de ma vie dans l'exercice de fonctions pénibles et honorables. Ni moi, ni mes dignes confrères n'avons jamais eu le moindre petit mot de compliment dans un journal. Nous pensions qu'on pouvoit bien s'en passer ; je conseille à mes successeurs de faire de même; mais je n'ai pas de conseil à donner aux illustres personnages dont je parle dans cette lettre. Je suis avec respect, Messieurs, etc. »

Paris, 14 décembre 1822.

M***, ancien Curé.

ANALYSE DE DIFFÉRENS OUVRAGES.

OEuvres completes de l'abbé Proyart (1).

L'ABBÉ Proyart avoit exercé long-temps avant la révolution les fonctions honorables d'instituteur dans le premier college de la capitale. Ce collège étoit l'ancien collége de Clermont, où avoient enseigné les plus célèbres maîtres de la compagnie de Jésus, les Rapin, les Commire, les Larue, les Porée. Il devint college de Louis-le-Grand,

(1) 17 vol. in-8°; prix : 50 fr. A Paris, chez Méquignon-Junior, rue des Grands-Augustins, n° 9, ci-devant rue de la Harpe; et au Bureau des Tablettes,

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lors de la suppression de cet ordre; puis il fut prytanée, puis lycée; enfin il a repris, après la restauration, le nom qu'il avoit eu sous la monarchie. Lorsque l'abbé Proyart étoit, dans cet établissement, chargé spécialement de former la jeunesse à la religion, il s'y trouvoit encore des maîtres qui, ayant été élevés par les jésuites, avoient conservé cet esprit de piété que ces pères savoient inspirer à leurs disciples; et ceux-ci l'avoient transmis, à leur tour, à leurs nouveaux élèves. A une époque qui paroît si rapprochée de nous, si l'on ne considère que le nombre des années, mais qui est si éloignée de nos jours, si l'on compare ensemble les mœurs et l'état de la société; à cette époque, qui avoit déjà vu de grands changemens et des innovations dangereuses, on remarquoit encore, parmi la génération naissante, une noble émulation de vertu et de piété, comme on rémárque, parmi celle d'aujourd'hui, une émulation de talens et une rivalité de moyens et de succès qu'on ne peut blâmer sans doute, mais qui n'ont pas pour les familles, pour la paix et le bonheur public, des résultats aussi avantageux, qui souvent même produisent des troubles et des désordres, en exaltant toutes les passions dangereuses, sans leur donner aucun contrepoids. L'abbé Proyart remplissoit un devoir bien doux pour une âme aussi fervente, aussi zélée que la sienne; il formoit à la vertu une jeunesse en laquelle se trouvoient les plus heureuses dispositions, cette jeunesse qu'il est si facile de conduire, lorsqu'elle a conservé le principe qui fait la base de toute l'existence d'un être moral et pensant, je veux dire, le principe religieux.

Ce fut pour de tels élèves que l'abbé Proyart composa son Ecolier vertueux, qu'on doit regarder, sans balancer," comme l'un des livres les meilleurs qu'on puisse encore aujourd'hui mettre entre les mains des enfans, en supposant que l'enfance ne se trouve pas privée, presque partout, du plus bel attribut de son âge, l'innocence et la piété. Quel est, parmi les derniers élèves de l'ancienne université de Paris, l'homme véritablement chrétien qui n'ait pas lu et relu avec intérêt l'Ecolier vertueux, dans ces temps heureux de ferveur et de foi, qui caractérisent les premiers ans de l'enfant bien né, et qui l'accompagnent surtout lorsqu'il est initié aux plus sublimes mystères? La conclusion de ce petit ouvrage est une exhortation touchante à la vertu. Elle termine d'une manière bien utile la vie de Décalogne, en suggérant aux jeunes étudians les sentimens et les résolu

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