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sans retour ce qui restait en dehors de leur sphère. La preuve en est dans l'infériorité de l'exécution des œuvres des deux derniers siècles comparativement aux siècles précédents. L'architecture surtout qui ne peut se produire qu'à l'aide d'une grande quantité d'ouvriers de tous états, ne présentait plus à la fin du XVIIIe siècle qu'une exécution abâtardie, molle, pauvre et dépourvue de style à ce point de faire regretter les dernières productions du bas-empire. La royauté de Louis XIV, en se mettant à la place de toute chose en France, en voulant être le principe de tout, absorbait sans fruit les forces vives du pays, plus encore peut-être dans les arts que dans la politique; et l'artiste a besoin pour produire de conserver son indépendance. Le pouvoir féodal n'était certainement pas protecteur de la liberté matérielle; les rois, les seigneurs séculiers, comme les évêques et les abbés, ne comprenaient pas et ne pouvaient comprendre ce que nous appelons les droits politiques; on en a mésusé de notre temps, qu'en eût-on fait au XIIe siècle! Mais ces pouvoirs séparés, rivaux même souvent, laissaient à la population intelligente et laborieuse sa liberté d'allure. Les arts appartenaient au peuple, et personne, parmi les classes supérieures, ne songeait à les diriger, à les faire dévier de leur voie. Quand les arts ne furent plus exclusivement pratiqués par le clergé régulier, et qu'ils sortirent des monastères pour se répandre dans cent corporations laïques, il ne semble pas qu'un seul évêque se soit élevé contre ce mouvement naturel; et comment supposer d'ailleurs que des chefs de l'Église, qui avaient si puissamment et avec une si laborieuse persévérance aidé à la civilisation chrétienne, eussent arrêté un mouvement qui indiquait mieux que tout autre symptôme que la civilisation se répandait dans les classes moyennes et inférieures? Mais les arts, en se répandant en dehors des couvents entraînaient avec eux des idées d'émancipation, de liberté intellectuelle qui durent vivement séduire des populations avides d'apprendre, de vivre, d'agir, et d'exprimer leurs goûts et leurs tendances. C'était dorénavant sur la pierre et le bois,

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dans les peintures et les vitraux, que ces populations allaient imprimer leurs désirs, leurs espérances; c'était là que sans contrainte elles pouvaient protester silencieusement contre l'abus de la force. A partir du XIIe siècle cette protestation ne cesse de se produire dans toutes les œuvres d'art qui décorent nos édifices du moyen âge; elle commence gravement, elle s'appuie sur les textes sacrés, elle devient satirique à la fin du XIIIe siècle, et finit au xv par la caricature. Quelle que soit sa forme, elle est toujours franche, libre, crue même parfois. Avec quelle complaisance les artistes de ces époques s'étendent dans leurs œuvres sur le triomphe des faibles, sur la chute des puissants! Quel est l'artiste du temps de Louis XIV qui eût osé placer un roi dans l'enfer à côté d'un avare, d'un homicide; quel est le peintre ou le sculpteur du XIIIe siècle qui ait placé un roi dans les nuées entouré d'une auréole, glorifié comme Dieu, tenant la foudre, et ayant à ses pieds les puissants du siècle? Est-il possible d'admettre, quand on étudie nos grandes cathédrales, nos châteaux et nos habitations du moyen âge qu'une autre volonté que celle de l'artiste ait influé sur la forme de leur architecture, sur le système adopté dans leur décoration ou leur construction? L'unité qui règne dans ces conceptions, la parfaite concordance des détails avec l'ensemble, l'harmonie de toutes les parties ne démontrent-elles pas qu'une seule volonté a présidé à l'érection de ces œuvres d'art? cette volonté peut-elle être autre que celle de l'artiste? Et ne voyons-nous pas, à propos des discussions qui eurent lieu sous Louis XIV, lorsqu'il fut question d'achever le Louvre, le roi, le surintendant des bâtiments, Colbert, et toute la cour donner son avis, s'occuper des ordres, des corniches, et de tout ce qui touche à l'art, et finir par confier l'œuvre à un homme qui n'était pas architecte, et ne sut que faire un dispendieux placage, dont le moindre défaut est de ne se rattacher en aucune façon au monument et de rendre inutile le quart de sa superficie? On jauge une civilisation par ses arts, car les arts sont l'énergique expression des idées d'une époque, et il n'y a pas

d'art sans l'indépendance de l'artiste. L'étude des arts du moyen âge est une mine inépuisable, pleine d'idées originales, hardies, tenant l'imagination éveillée, cette étude oblige à chercher sans cesse, et par conséquent elle développe puissamment l'intelligence de l'artiste. L'architecture, depuis le XII siècle jusqu'à la renaissance, ne se laisse pas vaincre par les difficultés, elle les aborde toutes franchement; n'étant jamais à bout de ressources, elle ne va cependant les puiser que dans un principe vrai. Elle abuse même trop souvent de cette habitude de surmonter des difficultés parmi lesquelles elle aime à se mouvoir. Ce défaut! pouvons-nous le lui reprocher? Il tient à la nature d'esprit de notre pays, à ses progrès et ses conquêtes, dont nous profitons, au milieu dans lequel cet esprit se développait. Il dénote les efforts intellectuels d'où la civilisation moderne est sortie, et la civilisation moderne est loin d'être simple; si nous la comparons à la civilisation païenne, de combien de rouages nouveaux ne la trouverons-nous pas surchargée; pourquoi donc vouloir revenir dans les arts à des formes simples quand notre civilisation, dont ces arts ne sont que l'empreinte, est si complexe? Tout admirable que soit l'art grec, ses lacunes sont trop nombreuses pour que dans la pratique il puisse être appliqué à nos mœurs. Le principe qui l'a dirigé est trop étranger à la civilisation moderne pour inspirer et soutenir nos artistes modernes. Pourquoi donc ne pas habituer nos esprits à ces fertiles labeurs des siècles d'où nous sommes sortis? Nous l'avons vu trop souvent, ce qui manque surtout aux conceptions modernes en architecture, c'est la souplesse, cette aisance d'un art qui vit dans une société qu'il connaît; notre architecture gêne ou est gênée, en dehors de son siècle, ou complaisante jusqu'à la bassesse, jusqu'au mépris du bon sens. Si donc nous recommandons l'étude des arts des siècles passés avant l'époque où ils ont quitté leur voie naturelle, ce n'est pas que nous désirions voir élever chez nous aujourd'hui des maisons et des palais du XIII* siècle, c'est que nous regardons cette étude comme pouvant

rendre aux architectes cette souplesse, cette habitude d'appliquer à toute chose un principe vrai, cette originalité native et cette indépendance qui tiennent au génie de notre pays. N'aurionsnous que fait naître le désir chez nos lecteurs d'approfondir un art trop longtemps oublié, aurions-nous contribué seulement à faire aimer et respecter des œuvres qui sont la vivante expression de nos progrès pendant plusieurs siècles, que nous croirions. notre tâche remplie; et si faibles que soient les résultats de nos efforts, ils feront connaître, nous l'espérons du moins, qu'entre l'antiquité et notre siècle, il s'est fait un travail immense dont nous pouvons profiter, si nous savons en recueillir et choisir les fruits.

VIOLLET-LE - DUC.

DICTIONNAIRE RAISONNÉ

DE

L'ARCHITECTURE

FRANÇAISE

DU XI AU XVI SIÈCLE

ABAQUE, s. m. ( TAILLOIR.) Tablette qui couronne le chapiteau de

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la colonne. Ce membre d'archi

tecture joue un grand rôle dans les constructions du moyen âge; le chapiteau recevant directement les naissances des arcs, forme un encorbellement destiné à équilibrer le porte-à-faux du sommier sur la colonne, le tailloir ajoute donc à la saillie du chapiteau en lui donnant une plus grande résistance; biseauté généralement dans les chapiteaux de l'époque romane primitive (1), il affecte en projection horizontale, la forme carrée suivant le lit inférieur du sommier de l'arc qu'il supporte; il est quelquefois décoré de moulures simples et d'ornements, particulièrement pendant le xir siècle, dans l'Ile-de-France, la Normandie, la Champagne, la Bourgogne et les provinces méridio

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nales (2). Son plan reste carré pendant la première moitié du XIe siècle,

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