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Qu'on ne me croie pas un plus grand courage que je ne l'ai. Je ne suis pas stoïque. Ce n'est pas avec un cœur tranquille par froideur, ce n'est pas avec une âme forte par fierté que je reprends le débat. Je vais paraître odieux à mes adversaires, je vais être fatiguant à mes amis; je ne m'y résigne point sans douleur. Je sais ce que je possédais, et je sais ce que j'ai perdu.

Plaire, n'est-ce pas la grande séduction? et plus lumineuses sont les affections, plus triste n'en est-elle pas l'éclipse!

Doux courants sympathiques, unité d'idées, préventions aimables, aromes charmants qui parfument les régions où s'épanouit l'affection chrétienne, nul ne vous a mieux aimés que moi; pourtant, si je vous sacrifie mes convictions, je deviens indigne de vous. Pour vous posséder dans l'éternité, il faut vous perdre dans le temps. Je m'y résigne, je vous dis adieu, mais c'est en vous pleurant.

Hélas! je suis fort accoutumé à déplaire, je n'en suis. pas consolé. Je ne m'y habituerai point; toutefois, encore moins m'habituerai-je à plaire au détriment de ma foi.

Il y a des choses qui doivent être dites et qui le seront, dût-on se boucher les oreilles pour ne les entendre pas.

Non, il n'arrivera point qu'en plein dix-neuvième siècle, au milieu du réveil des Eglises protestantes, une reculade effrayante s'opère vers le catholicisme romain

sans que du sein de ces mêmes Eglises partent d'énergiques protestations. Si nos enfants doivent assister au triomphe d'une telle erreur, il faut qu'à côté ils voient l'invincible résistance des esclaves de la vérité. Ce n'est pas pour rien que sur la route de plus en plus ténébreuse de la chrétienté aux premiers siècles, Dieu plaçait des Vigilance pour lui servir de témoins d'âge en âge. S'ils n'ont rien empêché, ils ont constaté que la vérité n'était pas morte.

Il existe un prétendu bon ton, je le sais, qui consiste à ne prendre feu ni pour ni contre, surtout à ne point prendre feu du tout. Ce bon ton-là veut qu'on laisse dormir les questions, qu'on ne se mêle point aux querelles, qu'on les regarde, s'il faut les regarder, du haut d'un orgueilleux peut-être ! Le fond de cette élégance de l'esprit, c'est un scepticisme universel. Il y en a plus qu'on ne croit dans le christianisme tant soit peu raffiné de nos jours. Je ne le possède pas, et je ne regrette point de ne pas l'avoir. Bien plus, ce que je crois, je le voudrais croire mille fois davantage. Je ne me soucie point de faire du bon goût au mépris de ma conscience; nous ne sommes pas ici-bas pour nous promener sous les oliviers de l'Académie, rivalisant de bien dire et jouissant d'autant mieux des murmures du Céphise qu'au loin grondent les orages de la tribune athénienne; nous sommes ici pour nous décider et pour agir conséquemment à notre décision.

D'accord me dit-on, mais pour une petite divergence d'idées, pour une tache légère qui dépare les

de l'œuvre dans les diverses parties de sa marche, ce travail n'est ni pensé ni exécuté à la légère. Le plan comme les détails, tout en a été élaboré avec soin. L'auteur n'a pas coutume de faire autrement lorsqu'il présente ses pensées au public. Il y aura des chapitres longs et il y en aura de courts, il y aura forcément des retours vers les mêmes pensées amenés par l'analogie des sujets. Il me semble que l'importance de la question veut qu'on supporte ces inconvénients.

L'auteur prie humblement les lecteurs de vouloir bien suivre l'ordonnance de ses idées à lui, au lieu de s'attacher au plan mieux combiné sans doute de leurs idées à eux. Désordre est bien vite dit lorsqu'il s'agit de l'ouvrage d'un autre. L'auteur en sait quelque chose; il le sait, et s'étant demandé plus d'une fois d'où venait qu'un dessin très net à ses yeux, dont toutes les lignes avaient été arrêtées d'avance, n'apparaissait à quelques-uns de ses lecteurs que sous la forme d'un amalgame assez incohérent, il a pensé qu'il lui arrivait ce qui arrive tous les jours à beaucoup d'autres, meilleurs écrivains que lui; c'est que les lecteurs en question, arrivant devant le livre avec leur ordre de bataille tout fait, sentant à rencontrer d'autres dispositions quelque surprise, s'attachent mal à comprendre l'intention de l'auteur et ne pardonnent que difficilement au livre d'avoir été conçu sur un plan différent du leur.

Au moment d'entrer dans le débat, je déclare ici

qu'adversaire déclaré des institutions monastiques dans le protestantisme, je ne le suis à aucun titre ni de leurs fondateurs ni de leurs partisans. Les uns et les autres pourront m'en vouloir beaucoup, ils me permettront bien de leur dire que je reconnais pleinement l'intégrité de leurs intentions, que je les respecte tous comme chrétiens, sans compter ceux que je distingue comme frères plus particulièrement aimés. Ils pourront affecter de faire cause commune avec leur œuvre, de confondre leurs personnes avec leurs congrégations, je les en sépare absolument. La liberté de discuter, de condamner quand il le faut les idées, n'est qu'à la condition de sauvegarder les sentiments avec les personnes. De grand cœur je m'humilie devant ceux que je vais contredire. Si la sanctification décidait les questions, ils auraient vite gagné celle-ci contre moi. Si je tiens haut ma bannière, je ne m'en considère pas moins comme un chétif soldat. Surtout je désire constamment être animé de charité. Il est très facile, aux ardents plus qu'à d'autres, de blesser l'homme tout en visant l'idée, quand l'homme tient l'idée pressée sur son cœur. Il est très facile de passer de la haine d'une erreur à l'aigreur contre qui la favorise. Dieu me garde d'un péché dans lequel je tomberais certainement sans son secours. Grégoire le Grand, avec qui je n'ai pas trop coutume de m'entendre, tenait à ce sujet un discours que je voudrais graver en mon âme': « L'homme est l'ouvrage de Dieu, mais le péché est celui de l'homme. Il ne faut pas confondre

1 Epitre à Euloge, évêque d'Alexandrie.

ces deux ouvrages au contraire, il faut bien discerner ce que Dieu a fait et ce que l'homme a fait et comme il faut bien prendre garde de ne pas haïr l'homme à cause de son péché, il ne faut pas aussi aimer le péché à cause de l'homme. »>

Point de faiblesse pour le mal par amour du chrétien, point d'irritation contre le chrétien par horreur du mal; voilà, c'est là, mon Dieu, ce que j'implore de toi.

Et maintenant, en avant. En avant au travers des angoisses de la pensée, au travers des souffrances de la désapprobation. En avant, jusqu'à l'heure où ma nef querellée par les flots, entrera dans les eaux de l'éternelle vérité.

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