Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

APPENDICE.

DU CELIBAT RELIGIEUX.

INTERPRÉTATION TRADITIONNELLE DE QUELQUES PASSAGES.

«Eh quoi! toujours le célibat, toujours le mariage! Laissons un peu reposer les questions, occupons-nous de notre édification mutuelle, que chacun fasse son salut à sa manière pourvu qu'il le fasse, et remettons dans leur étui les opinions controversées! >>>

Il y avait un temps où l'on disait : «Eh quoi! toujours la grâce, toujours les œuvres! » Bientôt il ne manquera pas de gens qui diront: «Eh quoi! toujours l'inspiration, toujours la théopneustie! >>

Les dormeurs détestent qu'on remue les idées; mais c'est grâce au silence autant qu'aux obscurités de la nuit que le mal se fait; le watchman aurait beau se promener par les rues sa lanterne à la main, s'il ne crie pas à la rencontre des voleurs il est un homme inutile, et de plus, il est un homme perdu. Je vais done crier, quitte à me faire maudire si je réveille, maudire encore si je ne réveille pas.

Avant tout, il faut nettement définir ma pensée.
C'est du célibat religieux que je vais parler.

C'est contre un certain célibat que je veux travailler.

Je laisse tout exprès de côté les applications modernes de l'idée que je combats; je ne veux avoir affaire qu'à la pensée abstraite elle en vaut la peine.

Il ne s'agit donc ici, ni d'établissements de frères, ni de maisons de sœurs, ni de couvents, ni de corporation : il s'agit du célibat religieux.

(( Du célibat! ah! vous condamnez le célibat! »

Non. Il y a un célibat que j'admets pleinement comme tout ce qui est du fait direct de Dieu : c'est le célibat par circonstances. Un homme, une femme n'ont pas trouvé cet aide semblable à eux que l'Eternel créa pour Adam, peut-être se sontils trompés, peut-être fallait-il moins d'exigence, mais enfin les voilà seuls sur le chemin de la vie; ce célibat excite ma tendre sympathie, si la foi le réchauffe il m'inspire un respect plein de joie, ce n'est pas celui-là que je condamne.

Il y a un autre célibat digne de tout honneur : le célibat par fidélité aux lois de Dieu. Un homme, une femme out renoncé aux douceurs, je dis plus aux développements, à la plénitude de la vie conjugale; ils y ont renoncé, parce qu'entre eux et elle il y avait une désobéissance, parce qu'il fallait pour y entrer braver la parole qui nous défend de porter un même joug avec les mondains, parce qu'il fallait renoncer à l'accomplissement d'un devoir impérieux, scripturaire; ils l'ont fait sans parti pris d'avance contre le mariage, sans vocation arrêtée dans leur esprit pour le célibat, ils l'ont fait parce que Dieu le voulait ainsi dans le moment présent, tout prêts à faire demain le contraire si demain Dieu veut le contraire; ce célibat me commande la vénération, et cette vénération a quelque chose d'ému; je me sens en présence d'un sacrifice vivant et vrai, je m'incline, je m'incline et je passe, ce n'est pas ce célibat que j'attaque.

Mais en voici un autre, voici mon ennemi; voici le célibat religieux, voici le célibat recherché pour lui-même, envisagé comme un état plus parfait, plus pur, plus saint que tout autre état; le voilà, c'est bien lui, et c'est bien à lui, c'est bien à cette idée monastique qu'on cherche à réintégrer chez nous, que je veux m'attaquer aujourd'hui. Je m'y attaquerai l'Evangile à la main.

« Vous vous moquez! personne dans l'Eglise protestaute

((

ne prêche un tel célibat; ce sont fantômes d'un esprit préoccupé, ce sont moulins à vent! Le célibat religieux ! monastique!... bon! tout au plus le célibat utilitaire, et encore! >>

Le célibat utilitaire, j'en ai parlé ailleurs; il rentre dans les applications positives de l'idée, sa place n'est pas ici. Le célibat religieux, oui.

Personne n'en veut, dites-vous, personne ne s'y arrête, personne ne s'y complaît! Vous vous trompez beaucoup. Le célibat religieux est généralement envisagé comme un don qui dit don, dit chose excellente. Et ce ne sont pas les partisans de l'idée, qui le qualifient ainsi, ce sont ses plus rudes adversaires, c'est M. De Sanctis par exemple, qui écrit contre le célibat, qui le rapetisse, qui le foudroie, et qui tout en le foudroyant, ne peut s'empêcher de payer sa dette à l'opinion commune et de le déclarer don, don de Dieu 1.

Don! c'est déjà beaucoup, c'est trop, car ce n'est pas scripturaire dans le sens qu'on veut dire; mais on va plus loin. Le célibat, pris en lui-même, recherché pour lui-même, abstraction faite des questions de soumission, de devoir, de sacrifice que j'ai signalées en passant, le célibat religieux en un mot, est considéré comme une perfection, il est presque conseillé! ((— Par qui? »

Eh! par beaucoup de gens à leur insu, par d'autres ex professo, par des chrétiens éminents, par un chrétien que nous chérissons tous, que nous respectons tous, que nous pleurerons tous jusqu'au moment où il nous tendra la main au séjour de l'éternelle vérité par M. Vinet.

Ai-je besoin de le dire, je n'apporte pas ici son opinion pour m'en prendre directement à elle d'une erreur funeste. Lorsque la vérité sur un point quelconque est en péril, je reconnais le devoir de lutter même contre un frère, même contre une autorité tendrement aimée; il y a dans cette obligation douloureuse quelque chose qui rappelle de loin l'ordre terrible: « Quand ton frère, fils de ta mère, ou ton fils, ou ta fille, ou ta femme bien-aimée, ou ton intime ami que tu chéris comme ton àme te voudra séduire, n'aie point de complaisance pour lui, et ne l'écoute point 2. »

1 Il celibato dei preti, riflessioni storico-dommatiche di L. De Sanctis. 2 Deut. XIII.

Ici, rien de semblable; les idées de M. Vinet sur le célibat ne sont qu'un symptôme significatif de notre mal naissant : l'ascétisme, le mysticisme. Interrogées comme un diapason, elles donnent le ton juste des esprits; c'est à ce titre, à ce titre seul que je les fais figurer dans mon travail; c'est parce qu'elles le motivent, et que le motivant elles le justifient.

M. Vinet, dans un livre où abondent les pensées, pose le celibat religieux comme constituant un degré de perfection supérieur à celui des autres conditions. Il veut que le célibat soit recherché en vue de lui-même, comme vocation positive; il n'est bon que comme cela, dit-il; il regrette que si peu de ministres se sentent de la disposition pour cet état, et s'il convient qu'à prendre les hommes tels qu'ils sont, le pasteur marié est plus utile que le pasteur célibataire, le célibat tel qu'il l'a défini, c'est-à-dire le célibat qui n'est ni par circonstances, ni par fidélité, mais qui est un célibat de vocation, ne lui en paraît pas moins avoir quelque chose de pur et d'angélique.

Je cite. Le célibat est une perfection. « Ce n'est pas tomber en contradiction avec soi-même, écrit M. Vinet à propos des avis de saint Paul sur le célibat, que de donner des conseils de perfection dont la réalisation universelle serait incompatible avec l'existence de la société, parce qu'alors, tout simplement, la société de la terre deviendrait la société du ciel. » — Je passe sur cette idée d'une perfection qui ne serait conseillée qu'à quelques-uns, je passe sur cette autre idée que la société d'hommes célibataires et chrétiens serait la société du ciel, et je m'arrête sur ce fait que le conseil de célibat donné par saint Paul, est appelé par M. Vinet conseil de perfection. Citons encore: «Mais comment, dit M. Vinet, un conseil de perfection ne regarderait-il pas dans l'Eglise les pasteurs surtout?» Et s'enhardissant: « Hors du domaine religieux (pourquoi excepter le domaine religieux, puisque c'est du domaine religieux justement qu'il s'agit?) hors du domaine religieux, les hommes qui ont fait de très grandes choses ont vécu dans le célibat, ou dans un état de mariage trop peu différent du célibat. » Je ne comprends pas très bien cette dernière pensée, et je demande la permission de citer en courant quelques noms d'hommes mariés qui ont fait d'assez grandes choses: saint Pierre, Luther, Calvin, Alexandre, César, Charlemagne, Napoléon.

Le célibat doit être recherché pour lui-même :

[ocr errors]

« Le célibat

« ZurückWeiter »