vu, fera ressortir la folie d'une perfection basée sur le célibat. Le célibat n'est pas proposé à tous, il ne peut l'être, ses partisans les plus enthousiastes ne le veulent pas. Il faut que les générations se succèdent, il faut que le monde dure encore un peu; les moines et leurs amis y consentent, quand ce ne serait, comme le disait je ne sais plus quel Père, quand ce ne serait que pour repeupler les couvents. Eh bien, le soin de renouveler la face du globe, le soin de fournir des novices aux monastères, on le laissera justement au rebut de l'humanité! à ces cœurs assez lâches pour avoir préféré je ne sais quel pis aller terrestre aux sublimes hauteurs de la sainteté spirituelle! à ces âmes assez infimes pour avoir de propos délibéré choisí la médiocrité! Ce seront ces hommes-là, chrétiens au rabais ou mondains perdus, ce seront ceux-là, jusqu'à la fin, qui enfanteront les générations successives; ceux-là qui les élèveront! - Je m'épouvante quand je vois à quelles sources impures la terre va demander sa vie, de quelle progression d'abaissement un tel mode de recrutement menace l'humanité. Je n'appuie pas, j'effleure avec un sourire que je ne puis réprimer, et je passe. En reviendrons-nous jamais au bon sens de l'Ecriture? Ne comprendrons-nous point quelle sublime leçon le Créateur a voulu nous donner, alors qu'aux premiers jours du monde, il nous a fait assister à cette solennelle conférence tenue avec lui-même, à l'enfantement progressif de la perfection telle qu'Il l'a conçue, Lui, l'Eternel! Dieu fait l'homme seul, c'est là pour ainsi dire son début, c'est là comme sa première pensée, comme l'ébauche de son plan. Voilà Adam, roi de la création, se promenant solitaire au jardin d'Eden. L'Eternel fait venir devant lui toutes les bétes des champs et tous les oiseaux des cieux. Adam à chacun d'eux donne un nom; mais voici, il ne se trouvait point d'aide pour Adam qui fût semblable à lui! Quelle scène! quelle grandeur oppressive dans cet isolement au milieu de la souveraineté du monde! quel retour plein de tristesse sur lui-même, alors qu'Adam qui a tout vu, qui a imposé le sceau de son empire sur tout ce qui a vie, se retrouve seul, seul parce qu'au sein de cette création resplendissante de bonheur, où chaque être animé rencontre un autre être selon son espèce, il n'y a point d'aide pour lui, point d'aide qui soit semblable à lui! Mais déjà l'Eternel s'est écrié: Il n'est pas bon que l'homme soit seul! Et Dieu a fait tomber un profond sommeil sur Adam, et Dieu: mystère d'une sublime tendresse! Dieu qui d'un souffle pouvait créer Eve, Dieu la veut tirer du sein d'Adam. Elle est là devant lui, et Adam: A cette fois, celle-ci est os de mes os et chair de má chair! - Cri d'amour, cri de roi, cri si magnifique, si complète expression de la pensée de Dieu, que le Dieu fait homme, Jésus, n'en emploiera point d'autre, six mille ans plus tard, pour dire la sainteté, l'indissolubilité du mariage: ils ne sont plus deux mais une seule chair! Et c'est cet enseignement suprême que nous effaçons! et c'est après que Dieu nous a comme introduits au conseil céleste, c'est quand, nous prenant par la main, il nous a progressivent menés de l'idée primitive, imparfaite, à l'idée définitive, à la perfection; c'est alors que nous, insensés à force d'orgueil, nous renversons la perfection de Dieu pour mettre notre sainteté à la place! Cette initiation ne nous a rien appris. Dieu a vu qu'il n'était pas bon à l'homme d'être seul, mais Dieu s'est trompé, et nous voyons bien, nous, que la solitude lui vaut mieux ! Je m'arrête ici, devant ce gouffre; chacun verra s'il veut s'y jeter ou s'en détourner. On me reprochera d'avoir non-seulement examiné mais fatigué le sujet. J'accepte le reproche. On accuse vite de légèreté les chrétiens qui secouent le joug de la tradition; entre ces deux termes légèreté, minutie, je préfère le dernier. On me reprochera d'avoir abordé une question délicate. Je l'ai abordée à la suite de mon Sauveur; je l'ai fait avec simplicité, avec gravité, avec prière. Si le temps était venu où notre plume ne pût plus écrire les paroles que Jésus a prononcées; si le temps était venu où les discours qu'écoutaient les chastes oreilles des femmes qui suivaient Jésus, fissent éprouver quelque froissement à la délicatesse de nos modernes chrétiens; je dirais que le temps de la fausse modestie est venu, et je m'en affligerais profondément, car l'affectation d'une vertu. - marque le moment de sa décadence. Le cant est aussi loin de la sainteté que le pharisaïsme est opposé à la foi. Il y a encore ici de la tradition, encore de l'esprit monastique: c'est toujours le moucheron coulé. Après tout, est-ce d'une opinion humaine qu'il s'agit? Est-ce un individu qui importe? Oh! non, mille fois non. J'ai cherché pour mon propre compte, je crois avoir trouvé. Que chacun cherche et chacun trouvera. Ce travail n'a pas pour but de substituer l'autorité d'une interprétation individuelle à l'autorité de l'interprétation traditionnelle; il a pour but de faire faire silence à l'homme pour ne plus entendre que Dieu. FIN. |