MÉLANGES LITTÉRAIRES, PHILOLOGIQUES, CRITIQUES ET HISTORIQUES. DES détails géographiques en vers. UN traducteur d'Homère en vers français, et Dieu sait quels vers! n'avait traduit qu'en prose, à la fin du second chant de l'Iliade, le dénombrement des vaisseaux des Grecs et des guerriers qu'ils amenaient devant Troye, ayant regardé, dit-il, ce morceau comme une espèce de table géographique, peu susceptible de l'harmonie des vers. Je ne crois pas qu'on puisse avancer une hérésie plus forte en poésie. La géographie est au contraire une des sources les plus fécondes des vers harmonieux et des richesses poétiques. A la description des lieux, de leur nature, de leur position, de leur aspect, de leurs distances, de leurs rapports, de leurs contrastes tant physiques que poétiques, du caractère des habitans, de leurs mœurs, de leurs intérêts, elle joint ces souvenirs, ou touchans ou agréables, attachés à de certains Tome III. A lieux, ces traits, ces monumens consacrés Nonne vides croceos ut Tmolus odores, Le Tmole est parfumé d'un safran précieux; Le Pont s'enorgueillit de ses mines fécondes; Voilà , pour l'observer en passant, un de ces endroits où le traducteur est comme forcé d'être supérieur à l'original pour les autres endroits où il sera forcé de lui être inférieur. Virgile, par le choix du mot mittit, qui s'applique indistinctement à tous les objets dont il parle, a pu être aussi concis qu'il l'a voulu, et semble avoir cherché principalement ce mérite. Le traducteur, peut-être faute d'un mot semblable et assez poétique, a été obligé de varier et d'enrichir son énumération. Le Tmole est parfumé de safran ; à Saba, l'encens croît pour les dieux ; l'Euxin voit le castor se jouer ; le Pont s'enorgueillit de ses mines; l'Inde produit l'ivoire; l'Épire exerce ses coursiers. Pas deux traits semblables; variété riche comme celle de la nature dont il s'agissait en effet de peindre la variété dans les différens terrains et dans leurs différentes productions: certainement le poète, qui en pareil cas varie le plus ses tours et ses expressions, est celui qui remporte le prix. Phasimque Lycumque, Et caput undè altus primùm se erumpit Enipeus, De là partent le Phase et le vaste Lycus, Si le traducteur n'a pas rendu gemina auratus Taurino cornua vultu, il a bien dédommagé le lecteur par les beautés qu'il lui a données en échange; il a enrichi le Caïcus; il a surtout beaucoup orné l'Énipée, le Tibre, l'Hypanis, et le rapprochement rend plus sensible le contraste de l'Anio paisible et de l'Éridan fougueux. Même richesse dans les détails suivans, soit de l'original, soit de la traduction. Aspice et extremis domitum cultoribus Orbem, Et gens illa quidem sumptis non tarda pharetris..... Fluctibus et fremitu assurgens, Benace, marino..... De l'aurore au couchant parcourons l'Univers : |