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Puisque je suis forcé d'être sincère,

On ne se cache point quand on a de quoi plaire.

Il présente la même idée, mais avec quelles précautions! Avec quelles restrictions et avec quels correctifs! Comme on voit toujours un amant qui craint d'offenser ce qu'il aime!

Zénéide se fâche de ce qu'Olinde s'obstine à la croire belle, et cette colère où Olinde n'entend rien, est bien dans la situation de Zénéide, à cause de la menace d'Urgande dont elle est instruite, et qu'Olinde ne peut savoir.

Votre obstination m'excède:
Je me connais apparemment,
Et je vous dis que je suis laide;

Plus de dispute..... ou je me fâcherai.

Ce ton d'humeur et d'autorité, ce ton d'enfant gâté, n'est point du tout ce qui convient. L'obstination d'Olinde n'a rien d'excédant; elle est obligeante. Il y a bien plus de finesse et de raison dans cette autre expression de la même impatience.

Ne voilà-t-il pas qu'il me croit la plus belle personne du monde! Et point du tout; vous ne savez rien de ce que vous dires. Pourquoi parler comme un étourdi, sans connaître

sans.....

OLINDE

Mais

que voulez-vous vous-même me faire entendre, aimable Zénéide! Oh! si vous sentiez tout ce que je sens,

Vous sauriez que le coeur devine et devine bien plus sûrement, bien plus promptement que les yeux ne peuvent appercevoir. Est-ce que Vous ne vous êtes pas apperçue, à mes regards, qu'on s'entend sans se parler, qu'on répond à ce qui n'a pas encore été prononcé, et qu'on ne se trompe jamais quand les sentimens sont d'accord? Hélas! pourquoi ne nous comprenons-nous plus depuis quelques momens?

Au lieu de cette éloquence amoureuse, de ce langage passionné, on ne trouve dans la copie, que cette petite phrase, sèche et commune en comparaison de l'autre.

Non, je ne vous crois pas ;

Mon cœur me parle, il me peint vos appas,
Et c'est lui seul que j'en veux croire.

Mais c'est surtout dans le monologue d'Olinde; que les deux auteurs sont le plus différens, et que le traducteur n'a pas même eu le mérite de sentir celui de l'original.

Olinde croit Zénéide laide, et il s'arrange sur ce pied-là.

Eh bien ! elle aura quelque petite difformité, à la bonne heure..... D'abord ses yeux sont très-beaux : je ne puis en douter, je les ai bien vus, et le masque ne les cache point du tout..... Le tour de visage encore le plus agréable du monde..... Pour la bouche..... Ah! je n'en sais rien; mais elle ne saurait être difforme, à en juger par les sons si doux et si intéressans de sa voix. Le reste..... Oh! le reste est si peu de chose! et puis, dans ce reste encore ne faut-il pas

compter tout ce qui plaît dans son maintien, ce qui enchante dans ce qu'elle dit, sa taille, sa démarche, ses joies mains, ses jolis pieds. Oh ! la part de la laideur doit être bien petite.

Voilà, s'il est permis de s'exprimer ainsi, du vrai comique de sentiment; voilà ce que Térence appelle cum ratione insénire. Rien n'est mieux dans la nature de l'amour, et dans le ton de la comédie noble et délicate. Cela est d'un goût exquis. Comment se prive-t-on d'un pareil morceau quand on a le bonheur de le trouver dans l'original? C'est pourtant ce qu'a fait le traducteur. Voici à quoi il réduit le tout :

Est-il bien vrai qu'elle ait dit son secret ?
Serait-elle laide en effet?

Qu'importe après tout? Je l'adore.

Il importait beaucoup de ne pas rejeter avec si peu de discernement le plus joli trait de cette jolie pièce. Le fond en était si charmant, qu'il a bien fallu qu'elle réussît malgré les mal-adresses du traducteur; mais l'inventeur a bien fait de nous la donner telle qu'il l'avait composée, et les gens de goût la préféreront hautement à la copie, malgré le petit fard de la versification, car pour la poésie, elle est ici du côté de la prose.

La Maison de campagne à la mode, ou la Comédie d'après nature, est encore de M. Watelet, et cette maison était la sienne; c'était ce Moulin-Joli

dont

dont on trouve une si charmante description dans

le Poëme des Jardins.

L'onde rajeunit l'arbre, et l'arbre orne son cours.....
Sachez donc les unir, ou si dans de beaux lieux
La nature sans vous fit cet hymen heureux,
Respectez-la. Malheur à qui ferait mieux qu'elle! :
Tel est, cher Watelet, mon cœur me le rappelle,
Tel est l'heureux asyle où, suspendant son cours,
Pure comme tes mœurs, libre comme tes jours,
En canaux ombragés la Seine se partage,
Et visite en secret la retraite d'un sage.
Ton art la seconda, non cet art imposteur
Des lieux qu'il croit orner hardi profanateur;
Digne de voir, d'aimer, de sentir la nature,
Tu traitas sa beauté comme une vierge pure,
Qui rougit d'être nue et craint les ornemens.
Je crois voir le faux goût gâter ces lieux charmans:
Ce moulin, dont le bruit nourrit la rêverie,
N'est qu'un son importun, qu'une meule qui crie:
On l'écarte. Ces bords doucement contournés,
Par le fleuve lui-même en roulant façonnés,
S'alignent tristement. Au lieu de la verdure
Qui renferme le fleuve en sa molle ceinture,
L'eau dans des quais de pierre accuse sa prison;
Le marbre fastueux outrage le gazon,

Et des arbres tondus la famille captive,
Sur ces saules vieillis ose usurper la rive.....
Barbares, arrêtez, et respectez ces lieux!
Et vous, fleuve charmant, vous, bois délicieux,
Si j'ai peint vos beautés, si, dès mon premier âge,
Je me plus à chanter les prés, l'onde et l'ombrage,
Tome III.

H

Beaux lieux, offrez long-tems à votre possesseur,
L'image de la paix qui règne dans son cœur!

Ce vœu que tous les cœurs partageaient et répétaient, est exprimé d'une manière attendrissante jusqu'aux larmes pour ceux qui pour ceux qui ont connu M. Watelet. Plusieurs personnes peuvent se rappeler qu'au commencement du règne de Louis XVI, la reine ayant eu la curiosité de voir le Moulin-Joli, et ayant goûté ce lieu, tout le monde crut lui faire sa cour en venant aussi le visiter; ce qui pendant quelque tems y attira un concours nombreux de gens qui se croyaient curieux et qui n'étaient qu'imitateurs et qu'entraînés par la mode. Le paisible et modeste Watelet eut à soutenir tout ce grand éclat et tout le torrent des exagérations des courtisans. Il s'en vengea doucement, selon son caractère, par cette petite pièce composée de ce qu'on appelle scènes à tiroir, dont l'avantage est d'offrir une grande variété de caractères, sans qu'on soit obligé de mettre entre eux les mêmes rapports et les mêmes contrastes que dans les pièces ou d'intrigue ou de caractère. Elle est animée par un intérêt d'amour assez piquant, et par un grand danger que court la personne aimée; elle en est préservée par l'amour. Son amant, qui n'osait aspirer à elle, acquiert par-là des droits qui le font triompher de ses

rivaux.

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