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PARALLÈLE

De la Gabrielle de Vergy de M. de Belloi, et du Percy de miss Hannah Moore.

L'ÉLOGE de cette tragédie de Percy, qui n'aurait pas été faite sans celle de Gabrielle de Vergy, pouvait se passer de la critique de Gabrielle de Vergy.

On ne s'embellit point en blâmant sa rivale.

On ne s'honore point en battant sa nourrice. Il est vrai que cette critique n'est pas l'effet d'une jalousie d'auteur, mais d'un zèle de traducteur.

L'auteur s'est chargé seulement de corriger, à sa manière, la pièce de M. de Belloi; le traducteur, de justifier ces corrections et d'en prouver la nécessité.

Le sujet et la manière de le traiter sont en général absolument les mêmes. Percy est Coucy, Douglas est Fayel, Elvine est Gabrielle, Harcourt est l'écuyer Monlac, le comte Raby est Vergy, père de Gabrielle; Raby paraît dans la pièce, au lieu que Vergy ne paraît point dans Gabrielle, premier changement d'où il résulte quelques beautés propres à la pièce anglaise, mais d'où il résulte quel

que

diminution d'un des principaux mérites de la pièce française, la simplicité.

Les deux premiers actes ne se passent plus uniquement entre le mari et la femme; ce qui, par un tour de force assez singulier, avait suffi à l'intérêt de Gabrielle.

Quant au changement des noms, je ne vois pas trop quel est le mérite de traiter sous des noms britanniques, un sujet essentiellement français; je pas non plus que ce soit un défaut : rien de plus indifférent.

ne vois

Mais voici les deux changemens vraiment considérables.

1o. Coucy aime une femme qu'il sait mariée; Percy revient de la Terre-Sainte, croyant trouver son amante encore fille, et n'ayant aucun soupçon de son mariage. Le traducteur croit que cette différence rend Percy beaucoup plus intéressant que Coucy, parce que sa passion est innocente; moi, je crois cette circonstance très-indifférente, car lorsque Percy, dans son entrevue avec Elvine, apprend qu'elle est mariée, il ne cesse pas de l'aimer. Poar quoi donc Coucy, acccoutumé dès l'enfance à aimer Gabrielle, n'aurait-il pas de même continué de l'aimer depuis le mariage? Tout ce qu'il lui devait d'après les bienséances théâtrales, était de s'interdire l'espérance injurieuse et le desir coupable

de la rendre infidelle, et sa passion ȧ, comme celle de Percy, toute la pureté, toute l'innocence qu'elle doit avoir.

De plus, d'après l'Histoire, d'après les anecdotes de la cour de Philippe Auguste, d'après la romance de M. le duc de la Vallière, etc. l'amour de Raoul de Coucy et de Gabrielle de Vergy est un sujet consacré comme celui de Phèdre, femme de Thésée, pour Hippolyte son beau-fils, ou celui de Sténobée, femme de Prætus, pour Bellerophon. Or, dans ce sujet, c'est d'une femme mariée que Coucy est amoureux, et le changement fait à cet égard, dans la pièce anglaise, dénature en quelque sorte le sujet.

2o. On en peut dire autant de l'autre changement concernant le cœur que Coucy envoyait à Gabrielle, et qui inspire à Fayel l'idée de présenter ce cœur à sa femme. Miss Hannah Moore substitue à ce cœur une écharpe qu'Elvinè avait donnée à Percy avant son départ pour la Terre-Sainte, que Douglas croit qu'elle lui a donnée depuis son retour, qu'il regarde par conséquent comme une preuve. d'infidélité de la part d'Elvine, et qu'il lui rapporte comme un témoignage de sa victoire et de la mort de Percy.

L'idée de cette écharpe est heureuse sans doute; c'est un grand adoucissement de la dureté du sujet,

mais aussi ce n'est plus le même sujet, ce n'est plus le sujet de Raoul de Coucy et de Gabrielle de Vergy; le mari n'est plus qu'un jaloux ordinaire, qui a tué son rival et qui en triomphe aux yeux de sa femme; ce mari n'est plus Fayel. On était libre sans doute de s'éloigner d'un sujet qu'on trouvait trop dur; mais M. de Belloi était le maître aussi de traiter dans toute sa dureté un sujet qu'il trouvait consacré, et de faire cette expérience sur le cœur humain : l'expérience a réussi.

Il serait seulement remarquable que ce fût en Angleterre que ce sujet eût paru trop dur si la tragédie de Percy n'était pas d'une femme.

Le zélé traducteur se récrie beaucoup sur la dureté du sujet, tel qu'il a été traité par M. de Belloi.

"De Belloi, dit-il, prenait-il les Français pour » des cannibales, pour des anthropophages?..... » Toutes les femmes ont éprouvé des convulsions; plusieurs sont tombées en défaillance, etc. »

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Les femmes se sont accoutumées à la dureté de ce spectacle, et quoi qu'en dise le traducteur, les représentations de Gabrielle de Vergy ne sont point abandonnées, même des femmes.

M. de Belloi, dit encore le traducteur, semble » se féliciter, dans sa préface, de n'avoir

» manger le cœur de Coucy.»

pas fair

Non, il ne s'en félicite pas, car il est trop évi

dent que ce dégoûtant et abominable repas ne pouvait pas être mis sous les yeux du spectateur, et que le sujet ne pouvait pas être suivi jusque-là.

Non humana palàm coquat exta nefarius Atreus.

Il le dit seulement, parce qu'il faut rendre compte au public de son travail, voilà tout; mais il aurait pu se féliciter de l'adresse avec laquelle, obligé de supprimer cet affreux repas, il ne l'a cependant pas entiérement passé sous silence, parce que c'est surtout la partie consacrée et caractéristique du sujet; il jette en passant quelques traits de ce tableau cruel au milieu du délire de Gabrielle, seule manière dont il fût possible de les présenter; encore retranche-t-on le plus souvent ces traits à la repré

sentation.

« Cet événement, poursuit le traducteur, est d'au» tant plus abominable, qu'il n'a jamais existé; c'est » une fable.

Une fable! cela est bientôt dit. En examinant un peu plus attentivement, dans les dissertations de M. de Belloi, les preuves de la réalité de ce fait, le traducteur changerait peut-être d'avis; mais le fait fût-il faux, il n'en est pas moins consacré; ce qui suffit pour le théâtre.

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M. de Belloi prétend que les spectateurs ne » voient point le cœur de Coucy,mais ne le voient

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