Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

goût des choses célestes, pour ne pas sentir vivement de semblables beautés; et malgré quelque légère différence dans le degré de l'admiration er dans la manière de l'exprimer, je fais gloire de penser comme l'énergique admirateur de M. de Pompignan, que la postérité regardera ces sublimes poésies comme un des plus beaux monumens de la littérature française.

Les odes profanes de M. de Pompignan ne sont pas indignes de ses odes sacrées. N'étant plus soutenu par les richesses de la poésie hébraïque er par la magnificence du style des prophètes, il a trouvé en lui-même de grandes ressources. Tout le. monde sait cette strophe de l'ode sur la mort de Rousseau, la plus belle de toutes les strophes d'odes connues, dont le cardinal, alors l'abbé Maury, son successeur à l'Académie française, a dit :

"

« Inscrivons-la sur sa tombe, cette strophe à jamais mémorable, comme l'épitaphe la plus digne d'un poète lyrique. »

La voici on ne peut trop la redire :

Le Nil a vu sur ses rivages
De noirs habitans des déserts,
Insulter par leurs cris sauvages
L'astre éclatant de l'Univers.
Cris impuissans! fureurs bizarres !
Tandis que ces monstres barbares

Poussaient d'insolentes clameurs,
Le dieu, poursuivant sa carrière,
Versait des torrens de lumière

Sur ces obscurs blasphémateurs.

Tout le monde, disons-nous, sait cette strophe: seulement, quand on veut se la rappeler, on est quelquefois arrêté au cinquième vers:

Cris impuissans! fureurs bizarres !

On est imperturbable sur tout le reste : c'est que ce vers est le seul qui n'ait pas la même plénitude de sens que les autres, le seul que la critique puisse accuser d'être un peu oiseux. D'ailleurs, cris sauvages, cris impuissans, insolentes clameurs, il y a là une redondance que la suppression de cris impuissans ferait disparaître ou affaiblirait considé

rablement.

Dans l'édition que M. de Pompignan a donnée de ses œuvres en 1784, l'année même de sa mort, on lit :

Crimes impuissans! fureurs bizarres !

C'est évidemment une faute d'impression; la mesure serait rompue; mais le poète voulait-il qu'on lût au singulier ?

Crime impuissant! fureurs bizarres!

Crime serait peut-être une expression un peu forte pour le fait dont il s'agit, mais le mot cri ne serait pas répété :

Au

Au resté, rien de plus beau, rien de plus imposant que cette tranquillité majestueuse avec laquelle le dieu poursuit sa course en inondant de lumière ses imbécilles détracteurs, et rien de plus noblement philosophique que l'allégorie cachée sous cette belle image.

DES hommages publics rendus à la nature dans quelques écrits.

Lorsque M. Thomas, dans l'ode sur le Temsi couronnée à l'Académie française, livra son âme vertueuse à ce beau mouvement:

Que ma mère, long-tems témoin de ma tendresse,
Reçoive mes tributs de respect et d'amour !

des critiques, gens de goût et d'esprit comme ils le sont tous, mais à qui l'Académie, les lettres, les sentimens de la nature, les vertus et les talens de M. Thomas n'avaient pas le bonheur de plaire, firent d'excellentes plaisanteries sur la niaisérie de ce grand enfant', qui parlait au public de sa chère mère. Ils oubliaient à la vérité, ou peut-être ils ignoraient qu'Horace nous a beaucoup entretenus de son père et de la reconnaissance qu'il lui devait, et que cette piété filiale qui anime ses écrits, a fait respecter le père et le fils.

Tome III,

B

Lorsque l'éloquent Rousseau, dans son éloquent discours sur l'origine et les fondemens de l'inégalité parmi les hommes, érigea un monument simple et majestueux à la mémoire de son père, ce mor ceau, qui honorait également son cœur et ses talens, fut blâmé par les mêmes censeurs : il n'avait point alors leur faveur; il n'était pas encore brouillé avec les philosophes. Depuis ce tems, ceux qui avaient d'abord essayé de le rendre ridicule, l'ont déifié; mais on a perdu le droit de rendre hommage au talent quand on a commencé à l'insulter par envie, et qu'on ne le loue qu'en haine de ceux à qui on veut l'opposer.

[ocr errors]

Avant MM. Thomas et Rousseau, M. Gresset avait adressé à sa sœur une fort belle épître, vive expression de tendresse et de reconnaissance.

En 1771, M. Berquin dédiait à sa mère la traduction de l'Élégie du Baron de Cronegk, sur la

mort de la sienne.

Ces exemples d'hommages publics, rendus à la nature, ont produit leur effet; ils ont été imités. Les hommages de ce genre se sont multipliés quand on a cessé dé craindre le ridicule : l'honneur en est dû à ceux qui ont osé le braver, entraînés par un sentiment pur et vrai. On a vu dans ces derniers tems beaucoup de dédicaces à mon Père, à ma Mère, à mon Frère, à ma Sœur, à mon Ami. C'est

surtout en matière de sentimens, qu'il ne faut

imiter:

Le singe est né pour être imitateur,

Mais l'homme doit agir d'après son cœur..

pas

Par une extension et une suite de cet usage, on a été quelque tems à ne plus parler au public que de soi et des siens. Le mon, ma, mes, s'est, emparé de tous les titres d'ouvrages; l'égoïsme a régné partout : c'étaient mes Principes, mes Pensées, mes Loisirs, mon Radotage et celui des autres, ma République, Logique à mon usage, Épître à la maîtresse que j'aurai, mon Discours de réception à la première Académie qui daignera m'adopter, etc. Les dédicaces aux parens et aux amis ne sont du moins qu'un demi-égoïsme, justifié ou excusé par le sentiment. Ces hommages nous seront-ils désormais interdits parce qu'ils ont été rendus avec succès par quelquesuns, et parce que tant d'autres en ont abusé par imitation, par air, par mode, par affectation de sensibilité, la plus ridicule des affectations? Non, il reste toujours un moyen de prouver qu'on a été entraîné par le sentiment et non pas par là mode. C'est de peindre ce sentiment avec vérité, avec simplicité, sans exagération, sans emphase, sans toutes ces fausses chaleurs qui viennent d'une tête exaltée, non d'un cœur touché. Par exemple,

L

« ZurückWeiter »