Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

exclus des délibérations dont fouvent dépen doit fon falut, & où par une abfurde inconféquence les Magiftrats étoient privés des droits dont jouïffoient les fimples citoyens.

Au contraire, j'aurois défiré que, pour arrêter les projets intéreffés & mal conçus, & les innovations dangereufes qui perdirent enfin les Athéniens, chacun n'eût pas le pouvoir de propofer de nouvelles Loix à fa fantaifie; que ce droit appartînt aux feuls Magiftrats; qu'ils en ufaffent même avec tant de circonfpection, que le peuple de for côté fût fi réservé à donner fon confentement à ces Loix, & que la promulgation ne pût s'en faire qu'avec tant de folemnité, qu'avant que la conftitution fût ébranlée on eût le tems de fe convaincre que c'eft furtout la grande antiquité des Loix qui les rend faintes & vénérables, que le Peuple méprise bientôt celles qu'il voit changer tous les jours, & qu'en s'accoutumant à né gliger les anciens ufages fous prétexte de faire mieux, on introduit fouvent de grands maux pour-en corriger de moindres.

J'aurois fui fur-tout, comme néceffaire ment mal gouvernée, une République où le peuple croyant pouvoir fe paffer de fes Magiftrats ou ne leur laiffer qu'une autorité précaire, auroit imprudemment gardé l'ad

I

miniftration des affaires civiles & l'exécu tion de fes propres Loix; telle dut être la groffiere conftitution des premiers gouver nemens fortant immédiatement de l'état de Nature, & tel fut encore un des vices qui: perdirent la République d'Athenes.

Mais j'aurois choifi celle où les particuliers fe contentant de donner la fanction aux Loix, & de décider en Corps & fur le rapport des chefs, les plus importantes affaires publiques, établiroient des tribunaux refpectés, en diftingueroient avec foin les divers départemens, éliroient d'année en année les plus capables & les plus integres de leurs concitoyens pour adminiftrer la justice & gouverner l'Etat, & où la vertu des Magiftrats portant ainfi témoignage de la fageffe du peuple, les uns & les autres s'honoreroient mutuellement. De forte que fi jamais de funeftes mal-entendus, venoient à troubler la concordé publique, ces tems mêmes d'aveuglement & d'erreurs fuffent marqués par des témoignages de modération, d'estime réciproque, & d'un commun refpect pour les Loix; préfages & garants d'une récon-liation fincere & perpétuelle.

[ocr errors]

Tels font, MAGNIFIQUES, TRES-HONORE's, ET SOUVERAINS SEIGNEURS, les avantages que j'aurois recherchés dans la Patrie que

je me ferois choifie. Que fi la providence y avoit ajoûté de plus une fituation charman te, un climat tempéré, un pays fertile, & l'afpect le plus délicieux qui foit fous le Ciel, je n'aurois défiré pour combler mon bonheur que de jouir de tous ces biens dans le fein de cette heureuse Patrie, vivant paisiblement dans une douce fociété avec mes concitoyens, exerçant envers eux & à leur exemple, l'humanité, l'amitié & toutes les vertus, & laiffant après moi l'honorable mémoire d'un homme de bien, & d'un honnête & vertueux patriote.

Si, moins heureux ou trop tard fage, je m'étois vû réduit à finir en d'autres climats une infirme & languiffante carriere, regrettant inutilement le repos & la paix dont une jeuneffe imprudente m'auroit privé; j'aurois du-moins nourri dans mon ame ces mêmes fentimens dont je n'aurois pû faire ufage dans mon pays, & pénétré d'une affection tendre & defintéreffée pour mes concitoyens éloignés, je leur aurois adreffé du fond de mon cœur à peu près le difcours fuivant.

Mes chers Concitoyens, ou plutôt mes Freres, puifque les liens du fang ainfi que les Loix nous uniffent prefque tous, il m'est doux de ne pouvoir penfer à vous,›

fans penser en même tems à tous les biens dont vous jouïffez & dont nul de vous peutêtre ne fent mieux le prix que moi qui les ai perdus. Plus je réfléchis fur votre fituation politique & civile, & moins je puis imaginer que la nature des chofes humaines puiffe en comporter une meilleure. Dans tous les autres Gouvernemens, quand il est queftion d'affurer le plus grand bien de l'Etat,, tout fe borne toujours à des projets en idées, & tout au plus à de fimples poffibilités; pour vous, votre bonheur eft tout fait, il ne faut qu'en jouïr, & vous n'avez plus befoin, pour devenir parfaitement heureux, que de favoir vous contenter de l'être. Votre Souveraineté acquife ou recouvrée à la pointe de l'épée, & confervée durant deux Liecles à force de valeur & de fageffe, eft: enfin pleinement & univerfellement reconnue. Des Traités honorables fixent vos limites, affurent vos droits, & affermiffent votre repos. Votre conftitution eft excellente, dictée par la plus fublime raifon, & garantie par des Puiffances amies & refpectables; votre état eft tranquille; vous n'avez ni guerres ni conquerans à craindre ; vous n'avez point d'autres maîtres que de fages loix que vous avez faites, adminiftrées par des Magiftrats integres, qui font de vo

[ocr errors]

tre choix; vous n'êtes ni affez riches pour: vous énerver par la moleffe & perdre dans de vains délices le goût du vrai bonheur & des folides vertus, ni affez pauvres pour avoir befoin de plus de fecours étrangers que ne vous en procure votre industrie; & cette liberté précieufe qu'on ne maintient chez les grandes Nations qu'avec des impôts exhorbitans, ne vous coûte prefque rien à conferver.

Puiffe durer toujours pour le bonheur de fes citoyens & l'exemple des Peuples une République fi fagement & fi heureusement conftituće! Voilà le feul vœu qui vous ref te à faire, & le feul foin qui vous reste à prendre. C'eft à vous feuls déformais, non à faire votre bonheur, vos Ancêtres vous en ont évité la peine, mais à le rendre durable par la fageffe d'en bien ufer, C'eft de votre union perpétuelle, de votre obéïffan. ce aux loix, de votre refpect pour leurs Miniftres que dépend votre confervation. S'il refte parmi vous le moindre germe d'ai-greur ou de défrance, hâtez vous de le dé truire comme un levain funefte d'où réfulteroient tôt ou tard vos malheurs & la ruine de F'Etat. Je vous conjure de rentrer tous aut fond de votre coeur & de confulter la voix fecrette. de votre confcience. Quelqu'un

« ZurückWeiter »