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lange de ce que l'ordre gothique a de hardi, et de ce que les ordres grecs ont de simple et de gracieux.

Ce dôme, qui se change en clocher dans la plupart de nos églises, donne à nos hameaux et à nos villes un caractère moral, que ne pouvoient avoir les cités antiques. Les yeux du voyageur viennent d'abord s'attacher sur cette flèche religieuse, dont l'aspect réveille une foule de sentimens et de souvenirs : c'est la pyramide funèbre autour de laquelle dorment les aïeux; c'est le monument de joie où l'airain sacré annonce la vie du fidèle; c'est là que les époux s'unissent; c'est là que les chrétiens se prosternent au pied des autels, le foible pour prier le Dieu de force, le coupable pour implorer le Dieu de miséricorde, l'innocent pour chanter le Dieu de bonté. Un paysage paroît-il nu, triste, désert, placez-y un clocher champêtre; à l'instant tout va s'animer les douces idées de pasteur et de troupeau, d'asile pour le voyageur, d'aumône pour le pèlerin, d'hospitalité et de fraternité chrétienne, vont naître de toutes parts.

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Plus les âges qui ont élevé nos monumens ont eu de piété et de foi, plus ces monumens

ont été frappans par la grandeur et la noblesse de leur caractère. On en voit un exemple remarquable dans l'hôtel des Invalides et dans l'Ecole militaire : on diroit que le premier a fait monter ses voûtes dans le ciel, à la voix du siècle religieux, et que le second s'est abaissé vers la terre, à la parole du siècle athée.

Trois corps-de-logis, formant avec l'église un carré long, composent l'édifice des Invalides. Mais quel goût dans cette simplicité! quelle beauté dans cette cour, qui n'est pourtant qu'un cloître militaire où l'art a mêlé les idées guerrières aux idées religieuses, et marié l'image d'un d'un camp de vieux soldats, aux souvenirs attendrissans d'un hospice! C'est à la fois le monument du Dieu des armées, et du Dieu de l'Evangile. La rouille des siècles qui commence à le couvrir, lui donne de nobles rapports avec ces vétérans, ruines animées, qui se promènent sous ses vieux portiques. Dans les avant-cours, tout retrace l'idée des combats: fossés, glacis, remparts, canons, tentes, sentinelles. Pénétrez-vous plus avant, le bruit s'affoiblit par degrés, et va se perdre à l'église, où règne un profond silence. Ce

bâtiment religieux est placé derrière les bâtimens militaires, comme l'image du repos et de l'espérance, au fond d'une vie pleine de troubles et de périls.

Le siècle de Louis XIV est peut-être le seul qui ait bien connu ces convenances morales, et qui ait toujours fait dans les arts ce qu'il falloit faire, rien de moins, rien de plus. L'or du commerce a élevé les fastueuses colonnades de l'hôpital de Greenwich, en Angleterre; mais il y a quelque chose de plus fier et de plus imposant dans la masse des Incalides. On sent qu'une nation qui bâtit de tels palais pour la vieillesse de ses armées, a reçu la puissance du glaive, ainsi que le sceptre des arts.

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La peinture, l'architecture, la poésic et la grande éloquence ont toujours dégénéré dans les siècles philosophiques. C'est que l'esprit raisonneur, en détruisant l'imagination, sape les fondemens des beaux-arts. On croit être plus habile, parce qu'on redresse quelques erreurs de physique (qu'on remplace par toutes les erreurs de la raison); et l'on rétrograde cr effet, puisqu'on perd une des plus belles facultés de l'esprit.

C'est dans Versailles que les pompes de l'âge religieux de la France s'étoient réunies. Un siècle s'est à peine écoulé, et ces bosquets, qui retentissoient du bruit des fêtes, ne sont plus animés que par la voix de la cigale et du rossignol. Ce palais, qui lui seul est comme une grande ville, ces escaliers de marbre qui semblent monter dans les nues, ces statues, ces bassins, ces bois, sont maintenant ou

ni

croulans, ou couverts de mousse, ou desséchés, ou abattus, et pourtant cette demeure des rois n'a jamais paru ni plus pompeuse, moins solitaire. Tout étoit vide autrefois dans ces lieux; la petitesse de la dernière Cour (avant que cette Cour eût pour elle la grandeur de son infortune) sembloit trop à l'aise dans les vastes réduits de Louis XIV.

Quand le temps a porté un coup aux Empires, quelque grand nom s'attache à leurs débris, et les couvre. Si la noble misère du guerrier succède aujourd'hui dans Versailles à la magnificence des cours, si des tableaux de miracles et de martyres y remplacent de profanes peintures, pourquoi l'ombre de Louis XIV s'en offenseroit-elle? Il rendit illustres la religion, les arts et l'armée, il est beau que les ruines de son palais servent d'abri aux ruines de l'armée, des arts et de la religion.

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