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dit le mausolée de ce fameux Romain existoit encore, que et qu'on y lisoit même le mot patria, seul reste de cette inscription qu'on prétend y avoir été gravée : Ingrate, patrie, tu n'auras pas mes os. Je me suis rendu à Patria, l'ancienne Literne; je n'ai point trouvé le tombeau, mais j'ai erré sur les ruines de la maison que le plus grand et le plus aimable des hommes habita dans son exil. Il me sembloit voir le vainqueur d'Annibal se promener au bord de la mer sur la côte opposée à celle de Carthage, se consolant de l'injustice de Rome, par les charmes de l'amitié et le souvenir de ses vertus (1).

(1) Non seulement on m'avoit dit que ce tombeau existoit, mais j'avois lu les circonstances que je rapporte ici, dans je ne sais plus quel voyageur. Cependant les raisons suivantes me font douter un peu de la vérité des faits.

1o. Il me paroît que Scipion, malgré les justes raisons de plainte qu'il avoit contre Rome, aimoit cependant trop sa patrie, pour avoir voulu qu'on gravât cette inscription sur son tombeau: cela semble contraire à tout ce que nous connoissons du génie des anciens.

2o. I.'inscription rapportée est conçue presque littéralement dans les termes de l'imprécation que Tite-Live fait prononcer à Scipion en sortant de Rome : ne seroit-ce pas là la source de l'erreur?

3o. Plutarque raconte que l'on trouva près de Gaïete une urne de bronze dans un tombeau de marbre, où les cendres de Scipion devoient avoir été renfermées, et qui portoit une inscription très-différente de celle dont il s'agit ici.

L'ancienne Literne ayant pris le nom de Patria, cela a pu donner naissance à ce qu'on a dit du mot patria, resté seul de toute l'inscription du tombeau. Ne seroit-ce pas, en effet, un hasard fort singulier que le lieu se nommât Patria, et que le

Quant aux Romains modernes, mon cher ami, Duclosme semble avoir de l'humeur lorsqu'il les appelle les Italiens de Rome. Je crois qu'il y a encore chez eux le fond d'une nation peu commune. On peut découvrir aisément parmi ce peuple trop sévèrement jugé, un grand sens, du courage, de la patience, du génie, des traces

mot patria se trouvât aussi sur le monument de Scipion! à moins que l'on suppose que l'un a pris son nom de l'autre.

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Il se peut faire toutefois que des auteurs que je ne connois pas aient parlé de cette inscription de manière à ne laisser aucun doute il y a même une phrase dans Plutarque, qui semble favorable à l'opinion que je combats. Un homme du plus grand mérite, et qui m'est d'autant plus cher qu'il est fort malheureux, a fait, presqu'en même temps que moi, le voyage de Patria. Nous avons souvent causé ensemble de ce lieu célèbre; mais je ne suis pas bien sûr qu'il m'ait dit avoir vu lui-même le tombeau et le mot (ce qui trancheroit la difficulté), ou s'il m'a seulement raconté la tradition populaire. Quant à moi, je n'ai point trouvé le monument, et je n'ai vu que les ruines de la villa, qui sont très-peu de chose.

Plutarque parle de l'opinion de ceux qui vouloient que le tombeau de Scipion fût auprès de Rome. Mais ils confondoient évidemment le tombeau des Scipion et le tombeau de Scipion. Tite-Live affirme que celui-ci étoit à Literne, qu'il étoit surmonté d'une statue qui fut abattue par une tempête, et qu'il avoit vu lui-même cette statue. On savoit d'ailleurs par Sénèque, Cicéron et Pline, que l'autre tombeau, c'est-à-dire celui des Scipion, avoit existé en effet à une des portes de Rome. Il a été découvert sous Pie VI; on en a transporté les inscriptions au musée du Vatican : parmi les noms des membres de la famille des Scipion, trouvés dans le monument, celui de l'Africain manque.

profondes de ses anciennes mœurs, je ne sais quel air de souverain, et quels nobles usages qui sentent encore la royauté. Avant de condamner cette opinion, qui peut vous paroître bizarre, il faudroit entendre mes raisons, et je n'ai pas le temps de vous les rapporter.

Que de choses me resteroient à vous dire sur la littérature italienne! Savez-vous que je n'ai vu qu'une seule fois le comte Alfieri dans ma vie, et devineriez-vous dans quelle circonstance? je l'ai vu mettre dans le cercueil ! On me dit qu'il n'étoit presque pas changé; sa physionomie me parut noble et grave; la mort y ajoutoit sans doute une nouvelle sévérité. Je tiens de la bonté d'une personne qui lui fut bien chère, et de la politesse d'un ami du comte Alfieri à Florence, des notes curieuses sur les ouvrages posthumes et les opinions de cet homme célèbre. La plupart des papiers publics, en France, ne vous ont donné sur cela que des renseignemens tronqués et incertains. En attendant que je puisse vous communiquer mes notes, je vous envoie l'épitaphe que le comte Alfieri avoit faite, en même temps que la sienne, pour sa noble amie.

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Genere. formá, moribus.

Incomparabili. animi, candore.
Præclarissima.
A. Victorio. Alferio.

Justà. quem. sarcophago. uno. (1)
Tumulata. est.

Annorum. 26. spatio.

Ultra res. omnes. dilecta.
Et. quasi. mortale. numen.
Ab ipso. constanter. habita.
Et. observata.

Vixit annos... menses... dies...
Hannoniæ. Montibus, nata.

Obiit... die... mensis...

Anno Domini. M. D. CCC... (2)

(1) Sic inscribendum, me, ut opinor et opto, præmoriente : sed, aliter jubente Deo, aliter inscribendum :

Qui. Juxta. eam. sarcophago, uno.

Conditus erit quamprimùm.

(2) « Ici repose Héloïse E. St. comtesse d'Al., illustre par ses » aïeux, célèbre par les grâces de sa personne, par les agrémens » de son esprit, et par la candeur incomparable de son âme. » Inhumée près de Victor Alfieri, dans un même tombeau (*); il » la préféra, pendant vingt-six ans, à toutes les choses de la » terre. Mortelle, elle fut constamment suivie et honorée par lui, » comme si elle eût été une Divinité.

» Née à Mons; elle vécut....... et mourut le..... »

(*) Ainsi j'ai écrit, espérant, désirant mourir le premier; mais s'il plaît à Dieu d'en ordonner autrement, il faudra autrement écrire :

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« Inhumée par la volonté de Victor Alfieri, qui sera bientôt enseveli près d'elle dans un même tombeau. »

La simplicité de cette épitaphe, et surtout la note qui l'accompagne, me semblent extrêmement touchantes.

Pour cette fois, j'ai fini; je vous envoie ce monceau de ruines, faites-en tout ce qu'il vous plaira. Dans la description des divers objets dont je vous ai parlé, je crois n'avoir omis aucune circonstance remarquable, si ce n'est que le Tibre est toujours le flavus Tiberinus de Virgile. On prétend qu'il doit sa couleur limoneuse aux pluies qui tombent dans les montagnes d'où il descend. Souvent, par le temps le plus serein, en regardant couler ses flots décolorés, je me suis représenté une vie commencée au milieu des orages : le reste de son cours passe en vain sous un ciel pur; le fleuve demeure teint des eaux de la tempête, qui l'ont troublé dans sa source. CHATEAUBRIAND,

FIN DES NOTES DU TROISIÈME VOLUME,

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