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qu'il y a de créé, il dit hardiment, qu'avant d'avoir fait le ciel et la terre, Dieu ne faisait rien. En effet, ce qu'il aurait pu faire auparavant ne saurait être que créature : or, avant qu'il fit ce qui comprend toute créature, il ne s'en faisait aucune. Il ajoute que c'est se tromper que de se figurer un nombre innombrable de siècles avant la création du monde, que Dieu aurait laissé passer sans travailler à ce grand ouvrage. Comment, en effet, se serait-il écoulé un nombre innombrable de siècles, avant que Dieu eût fait le ciel et la terre, puisqu'il est l'auteur et le créateur de tous les siècles, et qu'il n'en avait point encore fait? Pour nous donner une idée de l'éternité, saint Augustin nous dit que toutes les années de Dieu ne sont qu'un seul jour; que ce n'est point une suite de plusieurs jours, mais un aujourd'hui perpétuel, qui ne passe point pour faire place au lendemain, et qui n'a point eu d'hier, à quoi il ait succédé; et que cet aujourd'hui est l'éternité; que c'est pour cela que dans le Psaume deuxième, Dieu dit à son Fils, qu'il engendre de toute l'éternité: Je vous ai engendré aujourd'hui. Ce Père fait ensuite une longue dissertation sur la nature du temps, et convient d'abord, que c'est la chose la plus difficile à expliquer bien que ce soit la plus connue. « Ce que je sais, dit-il, c'est que si rien ne passait, il n'y aurait point de temps passé, et que si rien ne survenait, il n'y aurait point de temps à venir; et qu'à l'égard du présent, s'il était toujours présent, ce ne serait plus un temps, mais l'éternité. » Il donne divers exemples de la manière dont on peut mesurer le temps: cela se fait par l'impression que les choses que nous mesurons font sur notre esprit, lorsqu'elles sont présentes, et qui y subsistent. après même qu'elles sont passées. « Quand j'ai, dit-il. dessein de réciter un psaume que je sais par cœur, il est tout entier dans mon attente jusqu'à ce que j'aie commencé de le prononcer, et alors ce que j'en prononce, et qui n'appartiendra plus qu'au passé lorsqu'il sera prononcé, entre dans ma mémoire à mesure que je le prononce. Ainsi, cette action s'étend, partie dans ma mémoire, à l'égard de ce que j'ai déjà prononcé, et partie dans mon attente, à l'égard de ce qui me reste à prononcer. Cependant, mon attention qui est comme le passage par où ce qui me reste à prononcer de ce psaume doit entrer de l'avenir dans le passé, demeure tou

jours présente; et à mesure que je continue de le prononcer, ce qu'il en restait dans mon attente diminue, et ce qu'il y en avait déjà dans ma mémoire augmente d'autant, jusqu'à ce qu'enfin, toute mon attente se trouve épuisée par l'écoulement entier de toute cette action dans ma mémoire. » Il se sert du même exemple pour nous faire comprendre la différence de la manière dont Dieu connaît le passé et l'avenir, de celle dont les hommes les peuvent connaître. « Lorsque nous récitons, dit-il, ou que nous entendons réciter quelque chose que nous savons, le souvenir de ce qui est déjà prononcé, et l'attente de ce qui reste encore à prononcer, sont autant de mouvements différents, qui partagent notre esprit et notre imagination. Mais la manière dont Dieu voit couler l'avenir dans le passé est toute autre, parce qu'il est tout autre chose que nos esprits, étant immuable et éternel. »

Analyse du douzièlivre,

pag. 209 et

14. Il continue, dans le douzième livre, l'explication du commencement de la Ge- me nèse. Par le ciel que Dieu créa d'a- suiv. bord, il faut entendre les créatures spirituelles et intellectuelles, qui contemplent sans cesse la face du Seigneur; et par la terre, qui fut aussi créée dans le commencement, on doit entendre la matière informe d'où toutes les créatures corporelles ont été formées. Quoique cette interprétation lui semble bonne; néanmoins il convient qu'on peut en donner d'autres qui ne sont pas à rejeter. Comme l'Écriture, en parlant de la création des natures spirituelles, ne fait aucune mention ni du jour ni du temps, saint Augustin croit que la raison en est, que leur mutabilité naturelle étant fixée par le bonheur qu'elles ont de contempler Dieu sans cesse, elles participent par là à son éternité, et ne peuvent par conséquent être mesurées par le temps, qui n'est autre chose que les changements qui arrivent aux choses dont cette terre informe était la matière, et qui font qu'elles passent d'une forme à une autre. Voici à quoi ce Père réduit tout ce qu'il établit dans l'explication qu'il donne des premières paroles de la Genèse : c'est Dieu qui a fait le ciel et la terre, et sa sagesse est le principe par lequel il a fait tout ce qui existe; le ciel et la terre étant les deux principales parties dont ce monde visible est composé, les mots de ciel et de terre comprennent en abrégé toutes les diverses espèces de créatures. Dans tout ce qui est

sujet au changement, il y a quelque chose d'informe, qui est comme la base de sa forme et qui le rend capable de passer d'une forme à une autre. Il n'y a aucune vicissitude, ni conséquemment aucun temps à l'égard des substances spirituelles, parce qu'encore que par leur nature elles soient sujettes au changement, elles ne changent pourtant jamais. Suivant les manières ordinaires de parler des hommes, il est permis de donner à une chose, qui sert de matière à une autre, le nom de cette autre chose qui en doit être tirée; et ainsi, quelle que soit cette matière informe dont le ciel et la terre ont été faits, l'Écriture a pu lui donner les noms de ciel et de terre. Entre toutes les choses qui ont déjà quelque forme, rien n'approche davantage de ce qui n'en a point encore, que ce que nous appelons la terre et l'abîme. Dieu est l'auteur non-seulement de ce qui a déjà sa forme, mais aussi de tout ce qui est capable d'en recevoir quelqu'une; enfin, tout ce qui a été tiré de quelque chose d'informe, était informe lui-même, avant qu'il eût reçu la forme qu'il a présentement. Saint Augustin rapporte après cela différentes explications du premier verset de la Genèse, D'après ce Père, ce qui fait que chacun est attaché au sens qu'il donne aux paroles de l'Écriture, c'est que chacun aime le sentiment qu'il a une fois adopté, non parce qu'il est vrai, mais parce que c'est le sien, au lieu qu'on devrait aimer tout autant celui des autres comme également vrai. Il convient néanmoins, qu'on peut donner aux paroles de l'Écriture plusieurs sens différents, et tous conformes à la vérité : mais il souhaite que la vérité même entretienne la paix et l'union entre ceux qui sont ainsi partagés sur le sens qu'on peut leur donner: « Car, pourquoi, ajoute-t-il, ne croirions-nous pas que Dieu ait tellement conduit la plume de Moïse, que les paroles sacrées qu'il a écrites exprimassent toutes les différentes vérités que chacun y voit? Ce que nous devons donc demander sur l'intelligence de l'Écriture, c'est que nous soyons assez heureux pour rencontrer la pensée de l'écrivain sacré; ou si nous ne la rencontrons pas, du moins de ne dire que ce qu'il aura plu à Dieu de nous dire lui-même par les paroles

Il n'est pas aisé de découvrir ce que D. Ceillier a voulu dire ici. Saint Augustin ne dit point que le Saint-Esprit est notre père, mais qu'il est le don de Dieu; que c'est dans ce don que nous

de cet auteur sacré. En général, on peut regarder comme le vrai sens d'un auteur celui qui l'emporte sur les autres par l'éclat de la vérité et par le fruit que nous en voulons tirer. » Saint Augustin veut que pour entendre aisément ce qui est dit dans le commencement de la Genèse, on distingue quatre sortes de priorités, et il donne un exemple de chacune une priorité d'éternité, comme celle par laquelle Dieu précède toutes choses; une priorité de temps, comme celle par laquelle la fleur précède le fruit; une priorité de préférence et de valeur, comme celle par laquelle le fruit précède la fleur, et une priorité de nature et d'origine, comme celle par laquelle le son précède le chant, à quoi il sert de matière.

Analy du treizi livre

page 225.

15. Après avoir fait remarquer combien la bonté de Dieu se fait admirer, soit dans me la production, soit dans la perfection de toutes les créatures qu'il a tirées du néant sans en avoir besoin pour sa gloire ni pour sa béatitude, il fait voir que l'on trouve les trois personnes de la sainte Trinité dans les premiers versets de la Genèse; le Père toutpuissant qui a créé le ciel et la terre; le Fils qui est le principe ou le commencement dans lequel ou par lequel le Père fait toutes choses; et le Saint-Esprit qui était porté sur les eaux. En expliquant cette élévation ou cette suspension du Saint-Esprit au-dessus des eaux, il veut que nous éloignions toute image corporelle; elle doit ne s'entendre que de la suréminence de la divinité au-dessus de toutes les choses sujettes au changement. S'il est dit seulement du Saint-Esprit, qu'il était porté sur les eaux, c'est que lui seul en particulier est appelé notre père' et qu'il nous retire par la charité dont il nous remplit, de l'abime où le poids de notre corps nous avait précipités, pour nous élever vers Dieu. Il explique des anges les paroles suivantes : Que la lumière soit faite; a c'est par la force de cette parole, ajoute-t-il, que ces bienheureux esprits sont devenus lumière. » Comme il trouvait de grandes difficultés à faire comprendre comment il y a un Dieu en trois personnes, il fait voir qu'il y a quelque chose dans l'homme qui peut lui donner une idée de ce mystère, savoir l'être le connaître et le vouloir. « Je suis, je connais,

trouvons notre repos, et que dans la bonne volonté qu'il forme en nous, se trouve notre paix Apparemment D. Ceillier a voulu dire notre paix (L'éditeur.)

et je veux. Je suis cette même chose qui connaît et qui veut; je connais que je suis et que je veux; et je veux être et connaître. Tout cela se rencontre dans une seule substance vivante, dans une seule âme, dans une seule essence; et quelque réelle que soit la différence qu'il y a entre ces trois choses, elles sont absolument inséparables. >> Ensuite saint Augustin entreprend de montrer qu'en expliquant le commencement de la Genèse dans un sens allégorique, on y trouve toute l'économie de l'établissement de l'Église, et de la sanctification de l'homme, qui est la fin à laquelle tous les ouvrages de Dieu se rapportent. Par le firmament il entend nos saintes Écritures, qui surpassent en vertu toutes les autres. « Ce sont elles qui nous établissent et qui nous affermissent dans la vérité : et il n'y a aucun livre qui soit capable comme ceux-là de détruire l'orgueil et d'abattre les ennemis de Dieu; c'est-à-dire, ceux qui voudraient s'excuser dans leurs péchés, et qui par là ne font qu'éloigner leur réconciliation avec Dieu. Ce sont ces livres saints qui nous font plier sous le joug du Seigneur, qui nous portent à confesser nos misères, et qui nous apprennent à servir Dieu d'un culte tout gratuit. » Par les eaux qui sont au-dessus du firmament il croit qu'on peut entendre les anges qui sont au-dessus de nous; et dit qu'ils n'ont pas besoin comme nous de s'instruire par la lecture des livres saints, puisqu'ils voient à découvert la lumière ineffable de Dieu; et que ce livre qui n'est point composé de paroles et de syllabes, étant sans cesse ouvert devant eux, ils y lisent ce que la volonté éternelle demande d'eux. Il explique des désirs déréglés des hommes, ce qui est dit des eaux ramassées en un seul endroit, en sorte qu'elles ne peuvent s'étendre que jusqu'à un certain point. Ses autres explications sont dans le même goût : il les termine par ce qui est dit du repos du septième jour, « qui marque, dit-il, l'éternité, » et ajoute en s'adressant à Dieu : « Vous vous reposerez alors en nous, de la même manière que vous opérez maintenant en nous; et ce repos dont nous jouirons, sera votre repos, parce que vous nous en ferez jouir, comme les bonnes œuvres que nous faisons présentement sont vos œuvres, parce que c'est vous qui nous les faites accomplir. »>

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§ III.

Des livres de saint Augustin contre les Académiciens.

2

1

En quel temps ces

ont

été composés.

1. Saint Augustin retiré à la campagne quelque temps après sa conversion, c'est- livres à-dire, en 386, s'y occupait avec ses amis et ses disciples de diverses matières, et avait soin de faire tout rédiger par écrit afin de ne rien laisser perdre de ce qu'on y avait dit de bon. C'est de ces conférences que sont venus la plupart des ouvrages qu'il fit vers ce temps-là. Le premier de tous ceux qui nous reste est intitulé: Des Académiciens. Ces philosophes ne voulaient pas qu'un homme sage se laissât persuader d'aucune chose comme certaine et évidente; mais, au contraire, que tout lui parut obscur et douteux ce qui était cause que beaucoup de personnes à qui ils avaient inspiré leurs sentiments, désespéraient de pouvoir jamais trouver la vérité. Saint Augustin était de ce nombre, et l'impression que les académiciens avaient faite sur son esprit par leurs raisonnements n'en était pas entièrement effacée seulement, tandis que ces philosophes soutenaient qu'il était plus probable qu'on ne pouvait trouver la vérité, il croyait plus probable qu'on pouvait la trouver. La question était d'une extrême importance pour le salut, et c'est ce qui engagea saint Augustin à combattre le sentiment de ces philosophes par toutes les raisons que son esprit put lui fournir, voyant bien qu'en lui ôtant l'espérance de pouvoir jamais trouver la vérité, ils lui fermaient la porte de la vérité. Mais avant de rien écrire sur cette matière, il l'examina beaucoup seul et avec ses amis, et il en fit même le sujet d'une dispute entre deux de ses disciples qu'il avait amenés avec lui à Cassiaque ou Cassisiaque, et qui étaient tous deux de Tagaste, Trigétius et Licentius. Le dernier soutenait le parti des académiciens, et l'autre le combattait. Cette dispute à laquelle saint Augustin, son frère Navigius, et saint Alypius étaient présents avec quelques autres, commença vers le neuf ou le dix de novembre de l'an 386, et continua les deux jours suivants, quoiqu'Alypius eut été obligé de s'absenter pour quelque voyage.

6

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Analyse du premier livre contre

les Académiciens, p. 249.

2. Ce qui fut dit dans cette conférence fait la matière des trois livres contre les académiciens. Ils sont adressés à Romanien, ce riche bourgeois de Tagaste, qui logea chez lui saint Augustin et qui l'entrelint de tout à Carthage, lorsqu'il y étudiait l'éloquence. Ces trois livres sont écrits, en forme de dialogues, à l'imitation de ceux de Cicéron. La dispute commence par Licentius, fils de ce Romanien et Trigétius, après quoi saint Alypius et saint Augustin prennent la parole. Dans le premier dialogue, Augustin, après avoir fait remarquer à Romanien que ni les honneurs, ni les richesses, ni tout ce qu'on appelle biens de la fortune ne peuvent rendre les hommes heureux, à cause de leur fragilité, de leur inconstance, et que ces biens sont toujours mêlés de beaucoup d'adversité, il l'exhorte à se donner tout entier à l'étude de la sagesse, pour laquelle il savait qu'il avait de l'amour, et dont il avait déjà goûté les douceurs. Ensuite il lui fait un détail des trois conférences ou disputes que Licentius et Trigétius avaient eues sur la nature de la béatitude. Le premier soutenait, avec les académiciens, que pour être heureux il suffit de chercher la vérité, et appuyait son sentiment de l'autorité des plus illustres philosophes de cette secte, et en particulier de Carnéades et de Cicéron, qui non-seulement devaient être regardés comme des gens qui avaient été heureux, mais qui avaient encore fait consister la vraie béatitude dans la recherche seule de la vérité. Le second prétendait, au traire, que pour être véritablement heureux, il ne suffisait pas de rechercher la vérité, mais qu'il fallait aussi la connaitre parfaitement. Comme ils convenaient néanmoins tous deux que la sagesse est ce qui fait le bonheur de l'homme, la dispute tomba sur la définition de la sagesse. Trigétius en rapporta plusieurs, et une entre autres, où il disait qu'elle était le droit chemin qui conduit à la vérité. Licentius les rejeta toutes et soutint que la sagesse consistait dans la science et dans la recherche de la vérité, disant que celui-là est sage qui la recherche, et que dès qu'il est sage, il est heureux. Saint Augustin, après les avoir ouïs l'un et l'autre, dit qu'il eut pu terminer leur différend en peu de paroles, s'il n'eût eu principalement en vue de les exercer, et de voir leurs inclinations et la

August., lib. II Cont. Acad., cap. IX.

force de leur esprit, et il conclut de tout ce qu'ils avaient dit que, puisque nous ne pouvons être heureux qu'en connaissant ou qu'en cherchant la vérité, nous devons mépriser tout le reste pour nous appliquer uniquement à la rechercher.

3. Vers le dix-huitième ou le dix-neuvième du même mois de novembre de l'an 386, saint Augustin reprit ses conférences sur les académiciens. Licentius y défendit quelque temps le sentiment de ces philosophes contre Trigétius et contre saint Augustin même; mais cédant la place à saint Alypius, saint Augustin traita avec lui cette matière avec beaucoup d'exactitude 1, et l'obligea de convenir que l'opinion des académiciens n'était point soutenable. Cette dispute, qui dura trois jours de suite, fait le sujet du second livre. Ce saint Docteur y exhorte encore Romanien à l'étude de la philosophie, témoignant qu'il ne pouvait mieux que par-là reconnaître la générosité extraordinaire dont il avait usé envers lui, en fournissant à tous ses besoins depuis la mort de son père. Ensuite il rapporte les trois autres conférences dans lesquelles Licentius et Alypius exposent les sentiments des anciens, et ce en quoi ils diffèrent des nouveaux académiciens. Comme ceux-ci soutenaient que malgré l'impossibilité de connaître la vérité, il y avait toutefois des choses que l'on pouvait croire comme vraisemblables, saint Augustin fait voir le ridicule de cette opinion, par l'impossibilité de connaitre si une chose est semblable à la vérité, sans connaître la vérité même; et il demande que l'on recherche avec plus de soin ce que c'est que vraisemblance et probabilité, suivant les principes de ces philosophes; s'ils ont eu un sentiment certain touchant la connaissance de la vérité, ou s'ils n'ont pas encore voulu le faire connaître.

4. Saint Augustin fait dans le troisième livre le récit de ce qui se passa dans deux autres conférences tenues vers le 21 ou le 22 du même mois. Il commence ce livre par diverses réflexions sur ce qu'on appelle fortur, et par montrer que quoiqu'elle puisse aider un homme dans la recherche de la vérité, elle n'est pas néanmoins nécessaire au sage; et qu'il en est à peu près des biens de la fortune comme des mamelles à l'égard des petits enfants dont ils se passent dans un âge plus avancé. Il montre à cette occasion qu'il y a cette différence entre le sage

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et celui qui désire de l'être, que le premier est du moins instruit de la science et qu'on ne peut donner le nom de sage à celui qui ne sait rien. Mais il soutient qu'on ne peut, sans le secours de Dieu, connaitre la vérité. Alypius, qui jusque-là avait soutenu le parti des académiciens, l'ayant abandonné sur ce qu'Augustin avait dit pour le réfuter, le Saint en continua la réfutation dans un fort long discours qui termina toute cette dispute. Il y fit voir contre Cicéron et les autres académiciens, qu'il était absurde de dire qu'on ne connaissait rien et qu'il ne fallait rien affirmer c'étaient deux de leurs axiomes; et montra par des exemples sensibles qu'il y avait des choses dont nous étions assurés, comme de l'existence d'un monde et de plusieurs autres choses semblables, sur lesquelles nos sens, quelque faibles qu'ils soient, ne peuvent nous tromper: qu'il y a aussi plusieurs vérités incontestables dans la dialectique, telles que sont celles-ci: L'âme ne peut mourir et être immortelle; l'homme ne peut pas être en même temps heureux et malheureux; ainsi de toutes les propositions disjonctives dont l'une est vraie et l'autre fausse que du moins on ne peut disconvenir que le sage ne connaisse la sagesse, et qu'en la concevant, il ne donne son consentement à ce qu'elle lui propose. Il combat après cela la pernicieuse maxime de ceux qui assuraient qu'on ne péchait point en suivant une opinion probable, et dit qu'elle ouvre la porte aux adultères, aux parricides, aux sacriléges et à toutes sortes de crimes que les juges ne laisseraient pas de punir sévèrement, sans avoir égard aux sentiments des philosophes sur ce point. Il tâche de montrer que ni les académiciens anciens, ni même Cicéron, n'ont autorisé cette maxime, et que leurs véritables sentiments n'étaient pas de croire qu'on ne put connaître la vérité; que, quoiqu'ils la connussent, ils ont affecté de passer comme pour ne l'avoir pas connue, afin que leurs successeurs la cherchassent comme un trésor caché, et que probable et vraisemblable était la même chose dans leurs sentiments. Il remarque que de son temps, toutes les diverses sectes des philosophes étaient réduites en une, ayant un système composé des sentiments de Platon et d'Aristote, excepté quelques cyni

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ques que l'amour du libertinage et la licence retenaient encore dans leurs anciennes opinions. Saint Augustin' attribue à la miséricorde de Dieu l'avantage qu'il eut de confondre dans cette conférence les partisans des académiciens, celui de se convaincre luimême qu'il pouvait trouver la vérité, et d'avoir reconnu que l'autorité et la raison étant les deux sources de nos connaissances, il devait s'attacher inséparablement à l'autorité de Jésus-Christ comme à la plus forte de toutes, et chercher dans Platon des vérités conformes à la doctrine des auteurs sacrés, avec l'espérance même de les approfondir par la lumière de l'intelligence. C'est par cette dernière réflexion qu'il finit ses livres contre les académiciens. Lorsqu'il en fit la revue, il se condamna d'y avoir donné trop d'éloges à Platon et à ses disciples, de s'y être servi trop souvent du terme de fortune, quoique par-là il n'eût entendu aucune divinité, mais seulement l'événement fortuit des choses de la vie, soit pour le bien, soit pour le mal, et d'y avoir dit que le souverain bien de l'homme consiste dans l'âme, au lieu de le mettre dans Dieu, qui seul rend l'âme heureuse lorsqu'elle jouit de lui comme du souverain bien. Il y reprend encore quelques autres manières de parler qui lui étaient pardonnables dans un ouvrage purement philosophique, et écrit dans un temps où il était moins instruit des vérités de la religion. Un de ses amis, nommé Hermogénien, ayant vu ces trois livres, lui écrivit qu'il avait vaincu les académiciens. Cette approbation fit d'autant plus de plaisir à saint Augustin, qu'il croyait Hermogénien plus capable que personne d'en juger, et son amitié sans déguisement. C'est pourquoi il le pria, en répondant à sa lettre, d'examiner avec plus d'attention ce qu'il y disait du véritable sentiment des académiciens et de lui marquer ce qu'il en pensait. It cite lui-même ces livres dans son Manuel à Laurent 3, et dans son quinzième livre de la Trinité, où il dit que ceux qui les liront ne seront point ébranlés par le grand nombre des arguments dont les académiciens appuient leurs opinions. Ils sont écrits avec toute la justesse et toute l'élégance possible, et les matières y sont traitées avec beaucoup de méthode et de netteté.

Enchirid, cap. xx.

Lib. XV de Trinit, cap. XII.

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