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timité dans le commerce de la vie ; vous regrettez, qu'à l'intéressante bonhomie, à l'antique franchise de nos pères, ait succédé une politesse froide, mesurée, pleine de réserve. Sous l'appareil mensonger de vos fausses jouissances, l'instinct de la nature vous parle encore; toujours mécontens parmi les vains amusemens qui vous occupent, les distractions tumultueuses qui vous entraînent, vous soupirez en secret, après des biens plus réels, des plaisirs plus véritables; votre cœur, que dévore une activité inquiète, cherche, à travers les situations tourmentées qui lui sont offertes, une situation qui le repose. Il a besoin de se nourrir d'affections vives, de sentimens profonds, de s'attacher par des habitudes durables; et, dans le tourbillon d'intérêts opposés, qui le pressent de toutes parts, rien n'apaise, rien n'assouvit ce besoin importun. Etrangers les uns aux autres, obéissant chacun à des systèmes différens, vous disputant le bonheur, comme des ennemis acharnés se disputent une proie; ne pouvant plus être heureux, parce que la nature a placé le bonheur pour vous, dans la communauté des mêmes affections ; parce que vous ne pouvez être heureux qu'en vous aimant, et que vous ne savez pas, que vous n'osez pas vous aimer, vous n'existez ensemble qu'en vous environnant de toutes les précautions de la crainte, de tous les tourmens de la jalousie, vous ne connoissez plus ces mouvemens libres et décidés d'une sensibilité qui s'abandonne, ces émotions si touchantes et si vives, qui font tant de bien à l'àme qui s'y livre. Vous portez tous, au dedans de vous, une affreuse solitude; malgré l'éclat et le

bruit qui accompagnent vos jouissances, toutes vos âmes se taisent; et l'insupportable ennui, et la tristesse vague et sans motif, finissent toujours par en absorber les vaines agitations, et par en éteindre tous les mouve→

mens.

Oh! voulez-vous apprendre pourquoi vous êtes si loin aujourd'hui de la route que la nature vous avoit tracée ? Voulez-vous découvrir où vont se former tous les fleaux qui vous désolent, s'engendrer tous les vices qui vous travaillent? rentrez de nouveau avec moi dans l'intérieur de vos maisons; comment vivent entr'eux les pères, les époux, ses enfans, qu'une mème habitation réunit? Que d'antipathies secrètes parmi tous ces êtres, appelés à supporter ensemble la même destinée ! Avec quelle indifférence ils s'abordent; avec quelle impatience ils se fuient; avec quel dégoût mal déguisé ils demeurent! Et quand a commencé le désordre dont vous apercevez ici des traces si funestes? Je viens de vous le dire; et il faut le répéter encore. A l'instant où l'épouse fut infidèle ; à l'instant où l'époux a cessé d'aimer son épouse. Alors, vous l'avez vu, la confiance mutuelle s'est éteinte; alors, aux douces habitudes ont succédé les froides bienséances; alors plus d'abandon, plus de plaisir; l'époux et l'épouse ont né– gligé des devoirs qu'ils ne pouvoient remplir qu'en commun; les enfans ne se sont développés que dans un état de gêne, et loin des affections paisibles qui auroient dû les environner dès le berceau, ils n'ont vécu que pour connoître toutes les passions tristes, qui, en isolant l'homme de ses semblables, le rendent partout méchant et malheureux.

le

Or maintenant, faites sortir de leurs foyers les pères, cès enfans, ces époux, qui n'ont fait ensemble que cruel apprentissage de dissimuler et de haïr; assemblez en société tous ces membres épars: où voulez-vous trouver les vertus que vous regrettez ? Comment seroit-il possible que se formassent, parmi tous ces êtres déjà corrompus, les habitudes nécessaires à votre bonheur?

Aussi, pour le dire en passant, la plupart des législa— teurs, religieux et politiques, ont-ils regardé l'adultère comme rompant essentiellement le mariage. Aussi le divorce a-t-il été et demeure-t-il en usage chez tous les peuples où l'on s'est spécialement occupé du maintien des mœurs, et de la conservation des premiers principes de la société.

(BERGASSE. Mémoire sur une question d'adultère, pour M. Kornemann.)

CHAPITRE XXI.

DISCOURS DE M. SERVAN, AVOCAT GÉNÉRAL AU PARLEMENT DE GRENOBLE, DANS LA CAUSE D'UNE

FEMME PROTESTANTE.

CETTE

cause étoit extrêmement simple: Jacques Roux et Marie Robequin, tous deux protestans, se marièrent en 1764, suivant les rites de leur religion. On sait que nos anciennes lois ne reconnoissoient point ces sortes de mariage. Deux ans après, Jacques Roux quitta sa femme, abjura sa religion, pour se faire catholique, et se maria peu de temps après, avec une servante qu'il avoit débauchée. L'infortunée Robequin ne pouvant invoquer les lois en faveur de son mariage, se contenta de réclamer une somme de 1,200 fr. en forme de dommages et intérêts pour la perte irréparable de son état et de son honneur. Jacques Roux refusa de lui payer cette modique somme, et lui offrit, par excès d'équité, disoit-il, celle de 300 francs.

On voit que rien n'étoit plus simple que cette affaire, et que, par son peu d'importance, elle méritoit à peine de sortir de l'enceinte du tribunal où elle fut plaidée. Mais M. Servan, en épousant les intérêts de Marie Robequin, environna sa cause de considérations si étendues, et sut la revêtir de couleurs si brillantes, qu'il en fit, en quelque

sorte la cause de l'humanité entière, et que toute la France partagea avec les habitans de Grenoble, les émotions que l'éloquent avocat général avoit excitées dans le cœur de tous les juges.

L'orateur, après avoir exposé succinctement les faits 3 commence par examiner la question de savoir si celui qui a commis un tort, même involontairement, est tenu de le réparer; et il prouve très-bien que les lois civiles, comme la loi naturelle, l'obligent à cette réparation, hors les cas, où une force supérieure l'a fait servir d'instrument à ce dommage. Or, Jacques Roux n'étoit dans aucun de ces cas, en abandonnant au désespoir, et en livrant au déshonneur une femme qu'il avoit épousée publiquement, du consentement de ses parens, et suivant les rites de sa religion. C'est cette femme qu'il osoit nommer une concubine. A ce nom injurieux, s'écrie l'orateur, la justice, la décence et la pitié se révoltent.

(( Une concubine, Messieurs, est une femme coupable qui se livre volontairement au crime qu'elle connoît; une concubine est une femme scandaleuse qui affronte la honte et marche tète levée entre le vice et le plaisir ; c'est celle qui fait rougir son sexe, en corrompant le nôtre; qui, mêlant l'attrait de la liberté à celui du plaisir, dégoûte des unions plus légitimes, hâte la chute de la foiblesse, expose la vertu même aux attaques de la débauche encouragée, ruine les mœurs, trouble l'ordre public et profane la religion.

>> Une concubine quelquefois est celle qui n'affecte le mystère que pour donner à son commerce honteux les

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