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les Juifs', car les prophéties accomplies sont un miracle subsistant...

4.

C'est une chose étonnante2, et digne d'une étrange attention, de voir le peuple juif subsister depuis tant d'années, et de le voir toujours misérable': étant nécessaire pour la preuve de JÉSUS-CHRIST, et qu'ils subsistent pour le prouver, et qu'ils soient misérables*, puisqu'ils l'ont crucifié : et, quoiqu'il soit contraire d'être misérable et de subsister, il subsiste néanmoins toujours, malgré sa misère.

5

Quand Nabuchodonosor emmena le peuple, de peur qu'on ne crût que le sceptre fût ôté de Juda, il leur fut dit auparavant qu'ils y seraient peu, et qu'ils seraient rétablis. Ils furent toujours consolés par les prophètes, leurs rois continuèrent. Mais la seconde destruction est sans promesse de rétablissement, sans prophètes, sans rois, sans consolation, sans espérance, parce que le sceptre est ôté pour jamais.

9

Ce n'est pas avoir été captif que de l'avoir été avec assurance d'être délivré dans 70 ans1o. Mais maintenant ils le sont sans aucun espoir.

Dieu leur a promis qu'encore qu'il les dispersàt aux bouts du monde, néanmoins, s'ils étaient fidèles à sa loi, il les rassemblerait. Ils y sont très-fidèles, et demeurent opprimés11....

5.

Si les Juifs eussent été tous 12 convertis par JÉSUS-CHRIST, nous

1 « Contre les Juifs. » Pascal sous-entend qu'il en faut peut-être encore contre les hérétiques, et aussi contre les Jésuites; il pense au miracle de la Sainte Epine. Voir la note 20 sur sa vie, et l'article xxIII. P. R., moins préoccupé des Juifs que des incrédules, écrit en termes plus généraux : « Il n'en faut plus pour prouver la » vérité de la religion chrétienne. »

2 « C'est une chose étonnante. » 49. P. R., xvi.

3 « Toujours misérable. » Pascal ne verrait plus cela en France aujourd'hui.

4 « Et qu'ils soient misérables. » Quelle dureté ! Mais combien une pareille argumentation est périlleuse !

b « Quand Nabuchodonosor. » 53. P. R. rattache ce fragment au précédent par une transition maladroite.

• « Fût ôté de Juda.» voir XVIII, 2, au commencement.

ôté; on parlait ainsi alors.

7 « Qu'ils y seraient peu. » Dans la captivité, à Babylone.

F « Sans prophètes, sans rois. » Voir xv, 2, à la fin.

Fût été, pour était

« Ce n'est pas. » 59. En titre, Preuves de Jésus-Christ, P. R., ibid.

10 « Dans 70 ans. » Jérémie, XXV, 12.

11

« Opprimés. » Le raisonnement est resté inachevé. Pascal veut dire que Dieu parlait donc d'une autre loi que celle qu'ils appellent la loi. Cf. xvi, 6, 7, 8.

12

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<< Si les Juifs eussent été tous. » P. R., xvi. Sur cette pensée, cf. xv, 7 et 4.

n'aurions plus que des témoins suspects; et s'ils avaient été exterminés, nous n'en aurions point du tout.

:

Les Juifs le refusent1, mais non pas tous les saints le reçoivent, et non les charnels 2. Et tant s'en faut que cela soit contre sa gloire', que c'est le dernier trait qui l'achève. Comme la raison qu'ils en ont*, et la seule qui se trouve dans tous leurs écrits, dans le Talmud' et dans les rabbins, n'est que parce que JÉSUS-CHRIST n'a pas dompté les nations en main armée, gladium tuum, potentissime. N'ont-ils que cela à dire?? JÉSUS-CHRIST a été tué, disent-ils; il a succombé; il n'a pas dompté les païens par sa force; il ne nous a pas donné leurs dépouilles; il ne donne point de richesses. N'ontils que cela à dire ? C'est en cela qu'il m'est aimable. Je ne voudrais pas' celui qu'ils se figurent. Il est visible que ce n'est que sa vie11 qui les a empêchés de le recevoir; et par ce refus, ils sont des témoins sans reproche 12, et qui, plus est, par là, ils accomplissent les prophéties.

1

«< Les Juifs le refusent. » 75. P. R., ibid. Le refusent, c'est-à-dire, l'ont refusé. Tous ces verbes, quoique au présent, se rapportent au temps où le Christ a paru. 2 « Et non les charnels » Cf. xv, 10, etc., et l'article XXI.

3 «Que cela soit contre sa gloire. » Cf. xviii, 4.

4 « Comme la raison qu'ils en ont. » C'est-à-dire : Comme aussi, la raison qu'ils en ont, etc.

5 « Dans le Talmud. » C'est le recueil des traditions sacrées des Juifs, regardé par eux comme un complément de la Bible. On trouve, à la page 202 du manuscrit, une note de Pascal sur les livres de Talmud, intitulée Chronologie du rabbinisme, et qui renvoie au livre Pugio, dont nous avons parlé.

6 « Gladium tuum. » Ps XLIV, 4: Accingere gladio tuo super femur tuum, polentissime: « Ceins ton épée sur ta cuisse, puissant guerrier.» P. R. supprime cette citation. 7 « N'ont-ils que cela à dire? » P. R. supprime aussi ces mots, parce qu'ils reviennent plus loin.

« Il n'a pas dompté, » etc. Toutes choses qui se trouvent dans les prédictions sur le Messie, mais qui ne sont que des figures, suivant Pascal. Voir l'article xvI. 9 « Je ne voudrais pas. » Pascal parle du fond du cœur. Voir xvii, 4.

10 « Il est visible. » Cette fin manque dans P. R. et les éditions.

11 « Que ce n'est que sa vie. » Que veut dire Pascal? Il entend sans doute que Jésus-Christ est bien venu au temps marqué, dans la race de David, à Bethléem, et qu'ainsi ils avaient d'ailleurs toutes les raisons de le recevoir, si ce n'est que sa vie n'a pas été glorieuse, comme ils s'imaginaient que devait l'être celle du Messie. 12 « Des témoins sans reproche. » En terme de palais, qu'on ne peut reprocher, récuser, comme dans les Plaideurs:

Nous en avons pourtant, et qui sont sans rep:oche.

C'est dans ce même sens que Pascal avait dit ailleurs, des témoins irréprochables. Voir xv, 2. p. 238.

6.

Qu'il est beau de voir, par les yeux de la foi, Darius et Cyrus, Alexandre, les Romains, Pompée et Hérode agir, sans le savoir, pour la gloire de l'Évangile2 !

7.

La religion païenne3 est sans fondement".

5

La religion mahométane a pour fondement l'Alcoran et Mahomet. Mais ce prophète, qui devait être la dernière attente du monde, a-t-il été prédit? Et quelle marque a-t-il, que n'ait aussi tout homme qui se voudra dire prophète ? Quels miracles dit-il lui-même

1 « Qu'il est beau de voir. » 485. P. R., XVI.

6

2 « Pour la gloire de l'Évangile. » M. Sainte-Beuve (t. 111, p. 364): « Quand >> Pascal interprète les Prophéties, et lève les sceaux du Vieux Testament, quand il » explique le rôle des apôtres parmi les Gentils, et l'économie merveilleuse des » desseins de Dieu, il devance visiblement Bossuet, le Bossuet de l'Histoire univer» selle; il ouvre bien des perspectives que l'autre parcourra et remplira. Et plus loin Bossuet avait lu les Pensées, il y avait rencontré celle-ci : Qu'il est beau » de voir, etc. C'était tout un programme, que son génie impétueux dut à l'in>> stant embrasser, comme l'œil d'aigle du grand Condé parcourait l'étendue des > batailles. »

4

3 << La religion païenne. » 55. P. R., XVII. P. R. retranche la première ligne. «Sans fondement. » Pascal avait écrit d'abord : « Sans fondement aujourd'hui. >> On dit qu'autrefois elle en a eu, par les oracles qui ont parlé. Mais quels sont les >> livres qui nous en assurent? Sont-ils si dignes de foi par la vertu de leurs au»teurs? Sont-ils conservés avee tant de soin qu'on ne puisse s'assurer qu'ils ne » sont point corrompus? » Pascal a ensuite barré ces lignes, soit qu'il ait craint de soulever incidemment une discussion qui demandait plus d'étendue, soit qu'il ait jugé inutile d'argumenter contre la religion païenne, tombée depuis longtemps et sans retour. Cependant Grotius, dans son traité, discute avec le même soin le judaïsme, le mahométisme et le paganisme. Peut-être aussi que Pascal, qui, dans ce passage, paralt nier les oracles païens, a hésité sur cette question. L'opinion qu'il y avait eu chez les Païens de vrais oracles, rendus par les démons avec la permission de Dieu, était encore générale parmi les croyants à cette époque : Fontenelle et la philosophie moderne l'ont fait abandonner.

5 « L'Alcoran. » On sait qu'il faut dire le Coran: al n'est que l'article arabe. S « Quels miracles dit-il lui-même. » On lit dans le Coran, au chapitre du Voyage de nuit (XVII) : « La plus grande partie du peuple s'éloigne de la vérité et » dit: Nous ne te croirons pas que tu ne nous fasses sortir des fontaines de dessous >> la terre, et que tu ne fasses en ce lieu un jardin orné de palmiers et de vignes, >> avec des ruisseaux qui coulent au milieu, ou que nous ne voyions descendre du >> ciel une partie des peines que tu nous prêches: nous ne te croirons pas que » Dieu et les Anges ne te viennent sécourir, que ta maison ne soit de fin or, et que »> nous ne voyions le livre de vérité envoyé du ciel... Dis leur [c'est Dieu qui >> parle au prophète] Loué soit mon Seigneur! Suis-je autre chose qu'un homme » envoyé de sa part? Et plus haut [c'est toujours Dieu qui parle] « Rien ne nous » a empêché de faire paraître les miracles que désirent voir les habitants de la » Mecque, que le mépris que leurs prédécesseurs en ont eu. » Traduction de Du Ryer, 4647. Mahomet ne dit donc pas lui-même avoir fait des miracles, mais les siens n'ont pas manqué de lui en attribuer. Voir Grotius, VI, 5. Le complément de la pensée de Pascal est que Moïse, au contraire, s'est attribué à lui-même des mira

avoir faits? Quel mystère1 a-t-il enseigné, selon sa tradition même? Quelle morale2 et quelle félicité1?

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La religion juive doit être regardée différemment dans la tradition des livres saints, et dans la tradition du peuple. La morale et la félicité en est ridicule, dans la tradition du peuple, mais elle est admirable, dans celle de leurs saints. Le fondement en est admirable: c'est le plus ancien livre du monde, et le plus authentique'; et au lieu que Mahomet, pour faire subsister le sien, a défendu de le lire', Moïse, pour faire subsister le sien, a ordonné à tout le monde' de le lire. Notre religion est si divine, qu'une autre religion divine n'en est que le fondement.

Mahomet 1o, sans autorité11. Il faudrait donc que ses raisons fussent bien puissantes, n'ayant que leur propre force. Que dit-il donc 12? Qu'il faut le croire13.

cles, puisque le Pentateuque lui en attribue, et que Pascal ne met pas en doute que le Pentateuque n'ait été écrit par Moïse.

Quant à Jésus-Christ, ce sont ses disciples qui racontent ses miracles dans les Évangiles, mais ils le représentent comme les avouant lui-même et faisant profession d'une puissance supérieure. Matth., XI, 4, etc. Cependant il refuse des miracles aux Juifs de Jérusalem, à cause de leur perversité (Matth., XII, 39, etc.); mais il leur promet celui de sa résurrection.

--

« Quel mystère. » Loin d'enseigner des mystères, Mahomet écarte comme des superstitions ceux du christianisme, la Trinité et l'Incarnation.

2 « Quelle morale.» Voir Grotius, VI, 8.- Le mahométisme pèche contre la morale en autorisant le divorce, la polygamie, et l'esprit de guerre et d'extermination. Tout cela se trouve aussi chez les Juifs, et semble consacré par leur religion. Mais Pascal va nous dire ce qu'il pense de la religion juive. Ces points graves mis à part, la morale de l'Alcoran est d'ailleurs charitable, pure et sévère.

3 « Quelle félicité. » Pascal veut parler de son paradis (cf. 9).

4 « La religion juive. » Ce qui suit manque dans P. R. et dans les éditions.

« Et dans la tradition du peuple. » On lit ici en note: « Et toute religion est de » même, car le christianisme est bien différent dans les livres saints et dans les » casuistes,» Cf. xv, 10.

• «En est ridicule. » P. R. n'a pas voulu avouer ces étranges paroles. P. R. ne croyait pas que la Bible ne fût tout entière qu'une allégorie, qui devient ridicule si on la prend à la lettre. Cf. 8. Ce mot de ridicule est celui dont Pascal va se servir pour Mahomet (cf. 9).

« Et le plus authentique. » On a vu déjà que Pascal reconnaît sans discussion l'authenticité des livres saints.

10

« A défendu de le lire. » Cf. 10.

« A ordonné à tout le monde. » Deutéron., XXXI, 44. Cf. 40.

« Mahomet. » 467. P. R., ibid.

11 « Sans autorité. » C'est-à-dire qu'il n'est pas autorisé, qu'il n'a pas de tradition qui l'autorise, qu'il n'a pas été prédit.

12

13

«Que dit-il donc ? » Cette fin manque dans P. R. et les éditions.

« Qu'il faut le croire. » C'est-à-dire qu'il ne donne pas de raisons.

8.

De deux personnes qui disent1 des sots contes2, l'un qui a double sens', entendu dans la cabale, l'autre qui n'a qu'un sens; si quelqu'un, n'étant pas du secret, entend discourir les deux en cette sorte, il en fera même jugement. Mais si ensuite, dans le reste du discours, l'un dit des choses angéliques, et l'autre toujours des choses plates et communes, il jugera que l'un parlait avec mystère, et non pas l'autre : l'un ayant assez montré qu'il est incapable de telles sottises, et capable d'être mystérieux; et l'autre, qu'il est incapable de mystère, et capable de sottises".

9.

Ce n'est pas par ce qu'il y a d'obscur' dans Mahomet, et qu'on peut faire passer pour un sens mystérieux, que je veux qu'on en juge, mais par ce qu'il y a de clair, par son paradis, et par le reste. C'est en cela qu'il est ridicule. Et c'est pourquoi il n'est pas juste de prendre ses obscurités pour des mystères, vu que ses clartés sont ridicules. Il n'en est pas de même de l'Écriture. Je veux qu'il y ait des obscurités qui soient aussi bizarres que celles de Mahomet; mais il y a des clartés admirables, et des prophéties manifestes accomplies. La partie n'est donc pas égale. Il ne faut pas confondre et égaler les choses qui ne se ressemblent que par l'obscurité, et non pas par la clarté, qui mérite qu'on révère les obscurités1o.

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1 << De deux personnes qui disent. » 34. P. R., XVII.

2 « Des sots contes.» P. R., des choses qui paraissent basses.

3

«Qui a double sens. » Qui a daus ses discours un double sens.

4 « Dans la cabale. » P. R., par ceux qui le suivent. Sur le mot cabale, cf. m, 15, etc.

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De telles sottises. » C'est-à-dire telles que celles qu'il a eu l'air de dire.

6 « Et capable de sottises. » On comprend que ces deux personnages, c'est Mahomet et l'Esprit saint; ces sots contes apparents, c'est le Coran et la Bible. Il faut être dans la cabale pour les entendre. C'est mystère ou sottise (il dit ailleurs, figure ou sottise, XVI, 46, à la fin); mais dans la Bible c'est mystère, c'est sottise dans le Corán. Hasardeux parallèle, dont P. R. ne pouvait trop atténuer les expressions. Le monde n'aurait pu porter la pensée toute nue, telle qu'elle sortait de cette tête géométrique et ardente, amoureuse des chiffres (XVI, 7) et des curiosités. << Ce n'est pas par ce qu'il y a d'obscur. » 465. P. R., xvII.

8 << Par son paradis. » Tout sensuel, comme on sait, où il promet aux croyants de beaux ombrages, de fraîches fontaines, des fruits et des breuvages délicieux, de belles femmes vierges. Voir le Coran, passim. D'autre part, il annonce aux infidèles un enfer rempli d'eau bouillante qu'ils boiront, et d'une noire et sale fumée. -9 << Qui soient aussi bizarres. » P. R. a retranché ces paroles comme pouvant causer du scandale, quoiqu'il n'y ait là qu'une supposition.

10

« Qu'on révère les obscurités. » C'est ce qu'il a dit, xvi,

1.

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