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le dieu en jugeant. Cela est bon ou mauvais; et s'affligeant ou se réjouissant trop des événements.

1

116.

Faire les petites choses comme grandes, à cause de la majesté de JÉSUS-CHRIST qui les fait en nous, et qui vit notre vie; et les grandes comme petites et aisées, à cause de sa toute-puissance.

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LE MYSTÈRE DE JÉSUS'.

De

1.

JÉSUS souffre dans sa passion les tourments que lui font les hommes; mais dans l'agonie il souffre les tourments qu'il se donne à lui-même : turbavit semetipsum 2. C'est un supplice d'une main non humaine, mais toute-puissante, et il faut être tout-puissant pour

le soutenir.

JÉSUS cherche quelque consolation au moins dans ses trois plus chers amis, et ils dorment. Il les prie de soutenir un peu avec lui, et ils le laissent avec une négligence entière, ayant si peu de compassion qu'elle ne pouvait seulement les empêcher de dormir un moment. Et ainsi Jésus était délaissé seul à la colère de Dieu.

JÉSUS est seul dans la terre, non-seulement qui ressente et partage sa peine, mais qui la sache : le ciel et lui sont seuls dans cette connaissance.

Jésus est dans un jardin', non de délices comme le premier Adam, où il se perdit, et tout le genre humain; mais dans un de supplices, où il s'est sauvé, et tout le genre humain.

Il souffre cette peine et cet abandon dans l'horreur de la nuit.

Je crois que JÉSUS ne s'est jamais plaint que cette seule fois; mais alors il se plaint comme s'il n'eût plus pu contenir sa douleur excessive: Mon âme est triste jusqu'à la mort.

JESUS cherche de la compagnie et du soulagement de la part des hommes. Cela est unique en toute sa vie, ce me semble. Mais il n'en reçoit point, car ses disciples dorment.

1

« Le mystère de Jésus. » Ce morceau précieux a été publié pour la première fois par M. Faugère. Il se trouve à la page 87 du cahier autographe. On doit le regarder comme faisant partie des Pensées. Nous le rattachons à l'article xxv.

2 « Semetipsum. » Jean, x1, 33, en parlant de l'émotion que Jésus éprouve à la vue de ceux qui pleurent sur Lazare mort. Il y a seipsum dans le texte.

3 « Plus chers amis. » Pierre et les deux fils de Zébédée (Jacques et Jean), Matth. XXVI, 37.

4 « De soutenir. » Pascal traduit mot à mot l'expression latine: Sustinete hic (patientez ici). Ibid., 38.

3 « Dans un jardin, » Le jardin des Oliviers. Ibid., 30.

JÉSUS sera en agonie jusqu'à la fin du monde : il ne faut pas dormir1 pendant ce temps-là.

JÉSUS, au milieu de ce délaissement universel, et de ses amis 2 choisis pour veiller avec lui, les trouvant dormant, s'en fåche à cause du péril où ils exposent non lui, mais eux-mêmes; et les avertit de leur propre salut et de leur bien avec une tendresse cordiale pour eux pendant leur ingratitude; et les avertit que l'esprit est prompt et la chair infirme3.

JÉSUS, les trouvant encore dormant, sans que ni sa considération ni la leur les en eût retenus, il a la bonté de ne pas les éveiller, et les laisse dans leur repos.

JÉSUS prie dans l'incertitude de la volonté du père, et craint la mort; mais l'ayant connue, il va au-devant s'offrir à elle : Eamus“. Processit (Joannes).

JÉSUS a prié les hommes, et n'en a pas été exaucé.

JÉSUS, pendant que ses disciples dormaient, a opéré leur salut. Il l'a fait à chacun des justes pendant qu'ils dormaient, et dans le néant avant leur naissance, et dans les péchés depuis leur naissance.

Il ne prie qu'une fois que le calice passe, et encore avec soumission; et deux fois qu'il vienne s'il le faut'.

Jésus dans l'ennui. Jésus voyant tous ses amis endormis et tous ses ennemis vigilants, se remet tout entier à son père.

JÉSUS ne regarde pas dans Judas son inimitié, mais l'ordre de Dieu qu'il aime et.... puisqu'il l'appelle ami'.

JÉSUS s'arrache d'avec ses disciples pour entrer dans l'agonie; il faut s'arracher de ses plus proches et des plus intimes pour l'imiter. JÉSUS étant dans l'agonie et dans les plus grandes peines, prions plus longtemps.

1 « Pas dormir. >> Cette parole rappelle celle d'Arnauld, quand on le pressait de se reposer enfin, après tant de luttes: Eh! n'aurons-nous pas toute l'éternité pour nous reposer !

2 « Et de ses amis. » Comme s'il y avait, ce délaissement de la part de tous, et de ses amis.

3 « Et la chair infirme. » Ibid., 41.

« Eamus.» « Allons. » Ibid., 46.

Jean, xvIII, 4.

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5 A prié les hommes. » Ses trois disciples. Voir plus haut.

6 «S'il le faut. » Matth., XXVI, 39–42.

7 « Il l'appelle ami. Ibid., 50. Il y a là dans le manuscrit un mot illisible. 8 « Plus longtemps.» Luc, XXII, 43: « Et étant entré en agonie, il pria long>> temps (prolixius orabat). » Il semble que Pascal fait ici une pause, et passe de la méditation à l'oraison; à une oraison pareille à celle de Jésus, inquiète et tourmentée.

2.

Console-toi tu ne me chercherais pas, si tu ne m'avais trouvé. Je pensais à toi dans mon agonie; j'ai versé telles gouttes de sang 2 pour toi.

C'est me tenter plus que t'éprouver, que de penser si tu ferais bien telle et telle chose absente: je la ferai en toi si elle arrive3.

Laisse-toi conduire à mes règles; vois comme j'ai bien conduit la Vierge et les Saints qui m'ont laissé agir en eux.

Le Père aime tout ce que Je fais ".

Veux-tu qu'il me coûte toujours du sang de mon humanité, sans que tu donnes des larmes?

C'est mon affaire que la conversion: ne crains point, et prie avec confiance comme pour moi.

Je te suis présent par ma parole dans l'Écriture; par mon esprit dans l'Église, et par les inspirations; par ma puissance dans les prêtres; par ma prière dans les Fidèles".

8

Les médecins ne te guériront pas ; car tu mourras à la fin. Mais c'est moi qui guéris, et rends le corps immortel'.

Souffre les chaînes et la servitude corporelles; je ne te délivre que de la spirituelle à présent.

Je te suis plus ami que tel et tel; car j'ai fait pour toi plus qu'eux,

1 « Console-toi. » 89. Quelle admirable reprise, après ce silence de terreur et d'angoisse !

2

« Telles gouttes de sang. » Ibid., 44: « Et il lui vint une sueur, comme de > gouttes de sang qui découlaient jusqu'à terre. » — Mais l'imagination émue a besoin de traits précis; Pascal s'attache à telle goutte qu'il s'applique; il se fait sa part dans le sang de Jésus-Christ.

3 a Si elle arrive. » Si l'occasion arrive de la faire.

4 « Ce que Je fais. » Ce JE contient tout un mystère. C'est que le Père et le Fils ne font qu'un.

5

« Comme pour moi. » Puisque je me suis chargé de tes péchés, puisque je me suis substitué à toi pour répondre devant la justice de Dieu.

« Et par les inspirations. » C'est-à-dire, et dans les inspirations. Voir sur les inspirations le fragment 6.

7 << Dans les Fidèles. » Car lorsque les Fidèles prient pour les pécheurs, c'est-àdire pour toi, c'est moi qui prie en eux.

8 << Guériront pas. » Entendez-vous le cri de douleur qui a appelé cette réponse? Reconnaissez-vous dans cet homme, qui s'entretient mystérieusement avec Jésus, Pascal malade, attendant la mort, et souffrant pour ainsi dire tous les jours sa passion et son agonie?

9

« Le corps immortel. » Quoique la foi promette non-seulement l'immortalité de l'âme, mais celle du corps, ce n'est pas à celle-ci que s'attache le plus souvent la pensée religieuse. Mais Pascal sentait trop cruellement son corps pour l'oublier. Il avait besoin de penser que cette substance de corruption doit revêtir l'incorruptibilité, et cette substance de mort l'immortalité (I Cor., xv, 53).

-

et ils ne souffriraient pas ce que j'ai souffert de toi, et ne mourraient pas pour toi dans le temps de tes infidélités et cruautés, comme j'ai fait, et comme je suis prêt à faire et fais dans mes élus. Si tu connaissais tes péchés, tu perdrais cœur. — Je le perdrai donc, Seigneur, car je crois leur malice sur votre assurance. - Non, car moi, par qui tu l'apprends, t'en peux guérir, et ce que je te le dis, est un signe que je te veux guérir. A mesure que tu les expieras, tu les connaîtras, et il te sera dit : Vois les péchés qui te sont remis. Fais donc pénitence pour tes péchés cachés2, et pour la malice occulte de ceux que tu connais.

Seigneur, je vous donne tout.

Je t'aime plus ardemment que tu n'as aimé tes souillures. Ut immundus pro luto3.

Qu'à moi en soit la gloire et non à toi, ver et terre.

Interroge ton directeur 5, quand mes propres paroles' te sont occasion de mal, et de vanité ou curiosité.

3.

Je vois mon abîme' d'orgueil, de curiosité, de concupiscence ®. Il n'y a nul rapport de moi à Dieu, ni à JÉSUS-CHRIST juste'. Mais il a été fait péché1o par moi; tous vos fléaux " sont tombés sur lui. Il est plus abominable 12 que moi, et loin de m'abhorrer, il se tient honoré que j'aille à lui et le secoure.

12

Mais il s'est guéri lui-même, et me guérira à plus juste raison".

1 Et ce que je te le dis. » C'est-à-dire, et ceci, que je te le dis.

2 « Tes péchés cachés.» Souvenir de ces mots du psaume XVIII, 43: Ab occultis meis munda me.

3 « Pro luto. » « Comme l'homme immonde est pour sa fange.» Je ne sais d'où sont prises ces paroles; elles ne sont pas de l'Ecriture.

4 «En soit la gloire. » De ta conversion, de ce zèle qui t'a fait dire: Seigneur, je vous donne tout.

5 « Ton directeur. » Ainsi dans le papier mystique que Pascal portait sur lui :

<< Soumission totale à Jésus-Christ, et à mon directeur. »

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6 a Mes propres paroles. Non pas les paroles de l'Ecriture, mais celles que Dieu fait entendre dans l'inspiration: voir le fragment 6.

7 « Je vois mon abime. » 99.

8 « De concupiscence. Ce sont les trois principes de péché. Cf. XXIV, 33.

9 << Jésus-Christ juste. » C'est-à-dire, en tant que juste. Ces mots s'expliquent par ce qui suit.

10

<< Fait péché. » C'est l'expression de saint Paul, II Cor., v, 21. Cf., dans Pascal, xxv, 405.

11 « Tous vos fléaux. » Il s'adresse à Dieu.

12 Il est plus abominable. » C'est-à-dire qu'il est devenu, qu'il s'est fait tel, en se chargeant non-seulement de mes péchés, mais de ceux de tous les hommes. 13 << A plus juste raison. » Puisque je suis moins malade que lui.

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