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Nous regrettons de n'avoir pu faire usage plutôt de cette lettre qu'un de nos Abonnés de Marseille nous écrivit le 5 floréal : nous l'imprimerons ici sans y rien changer.

Depuis votre départ pour Paris, Monsieur les choses sont bien changées. Vous aviez laissé la religion triomphante de l'athéisme; mais T'enfer a de nouveau lancé ses furies, pour dévaster la vigne du Seigneur. L'église de Marseille faisoit la consolation des amis de la religion catholique et le désespoir de ses ennemis, comme de ceux du gouvernement républicain. Si vous connoissiez tous les moyens que les méchans ont mis en oeuvre pour parvenir à leur fin perfide, vous frémiriez; mais rien ne doit surprendre de leur part: l'expérience la plus crucile nous a appris de quoi ils sont capables.

Les prêtres qui desservoient nos églises avoient tous fait leur soumission aux loix de la répubiique; mais, au mépris des loix rendues en faveur de la liberté des cultes, les prêtres qu'on appelle non- assermentés, ont été obligés de fair, quoiqu'une loi déclare formellement que a convention ne reconnoît plus pour loi de la république, la constitution civile du clergé. Les prêtres rétractés continuerent à desservir Os paroisses. Les catholiques s'y rendoient vec un empressement qu'on n'avoit pas à onverture des églises. Après bien des traçaseries de la part de nos administrateurs, le Tome II. No. 16,

I

celles

corps des fideles, la loi à la main, repousse tous les traits qui lui sont portés. Arrive la semaine sainte. Nos ennemis, effrayés d'avance du concours des fideles qui viendront assister aux cérémonies augustes de cette grande semaine, arrêtent de tout tenter pour nous empêcher de servir notre Dieu. Dès le mercredi saint, les églises sont attaquées par des méchans: les fideles résistent; mais pour empécher des voies de fait, on a recours à l'autorité militaire, qui pacifie tout. Le lendemain, des scenes plus indécentes et plus atroces que de la veille. Le danger n'effraie pas les catho liques. Les églises sont remplies. Les méchans désespérant de nous vaincre, résolurent de nous enlever nos prêtres. En effet, le samedi - saint, dans l'après - dîner, des brigrands, armés de sabres et de bâtons, parcourent les rues, vont dans les églises au moment où il y avoit pen de monde, et enlevent, de la maniere la plus indigne et la plus révoltante, tous nos prêtres qui étoient occupés à confesser; et cela, sans mandement de justice. J'en ai va saisir six dans une église. Ils sont traduits devant la municipalité qui a autorisé, si elle n'a pas ordonné, ces actes arbitraires. La mu nicipalité, devenue tout-à-coup tribunal, interroge ces prêtres; elle demande d'eux le serment sur la constitution du clergé; elle élargit; plesieurs jours après, les uns, moyennant ure déclaration; elle renvoie les autres à Aix comme des criminels.

Voilà donc les catholiques sans pasteurs. Les méchans croient triompher: non, la religion est gravée dans le cœur des fideles. La premiere

fête de Pâques, les catholiques se rendent ea foule dans les églises pour y chanter et faire les prieres accoutumées. Jamais autant de respect dans le lieu saint. J'en ai versé des larmes d'attendrisseinent, de voir un peuple immense do genoux, priant avec une affection bien capable de calmer le courroux du ciel. Le Parce Domine fait fondre tout le monde en larmes. $; le Miserere rappelle à chacun ce qu'il doit à la justice de Dian. La seconde fête, mêines cérémonies, c'est-à-dire, Matines, Laudes Petites-Heures, Prières de la sainte Messe, Prieres pour le Salut: Paprès-dîner, Vêpres, Complies, Miserere, Cantiques. Les méchans, au désespoir, fondent sur plusieurs (glises; ils sont repoussés: mais il se prépare une scene qui fait verser bien des larmes. Le mercredi, dans l'octave, le peuple assemblé, à cinq heures du soir, dans l'église de SaintMartin, chante Complies, Miserere, les Litanies, Tait amende honorable : tout-à-coup une bande d'assassins se présente à la grande porte, fond sur le peuple, qui se leve en masse et parvient à repousser ces scélérats. La porte est fermée. Dans le moment, des assassins armés de sabres, de poignards, de bâtons se présentent par l'autre porte, et fondent avec rage sur le peuple désarmé. D'autres assassins se tiennent à la porte pour sabrer ceux qui faient. Daus l'église, des coups de sabre sont donnés; le sang coule: dehors, des femmes et des hommes sont assommés; et pour comble d'horreur, les catholiques sont dénoncés et poursuivis comme des assassins; plusieurs géuissent dans les fers; d'autres sont en fuite.

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Tous les détails de cette scene tragique passent les bornes d'une lettre. Je vous ferai connoître, un jour, tous les fils de cette trame abominable.

Les catholiques voyant que la liberté des cultes n'étoit plus protégée par les autorités, résolurent, de fermer les églises en effet, nos temples sont fermés jusqu'à des temps plus heureux.

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P. S. Dans les temps les plus orageux de la persécution contre les chrétiens fideles à la religion de leur pere, il y avoit aux environs de Marseille des assemblées nombreuses de catholiques de tout état, pour implorer la miséricorde du Seigneur et chanter ses louanges. Ils avoient de temps en temps la consolation de participer aux saints mysteres. Etant un jour rassemblés dans une grotte spacieuse, au nombre de six cents, ils chantoient l'office de la Ste. Vierge, en attendant l'arrivé d'un prêtre insermenté qui est fort connu par ses travaux apostoliques, et qui a couru les plus grands dangers pour sécourir les chrétiens de ces contrées. On commençoit le cantique Benedictus, quand le ministre arriva, sous le costume d'un paysan. En entrant dans la grotte, il montre le Saint-Sacrement, qu'il portoit sur lui, et entonne le Pange Lingua. Quel spectacle attendrissant! Tous les fideles se prosternent, fondent en larmes, joignant leur voix à celle du prêtre, qui, après avoir déposé le corps ado rable du Sauveur des hommes, sur un autel qu'on avoit dressé, se disposoit à se révêtir des ornemens sacerdotaux, pour célébrer la sainte Messe. Dans cet instant arrive à la hâte

un marinier qui vient prévenir en particulier le prêtre, en lui disant que la voix des chantres se fait entendre au bord de la mer, où se trouve une compagnie de canonniers qui pourroient se porter à quelques violences. Le ministre fait part, à haute voix, de cet avis au peuple, l'engage à ne pas chanter, insistant sur les dangers de mort qu'ils courent. Voici une réponse unanime, répétée plusieurs fois: fa pas ren, moun pero, (ça ne fait rien, mon pere). Alors le prêtre montrant un crucifix, avec des farmes de joie, entonne le Vexilla Regis, qui est chanté en choeur par ces fideles, dignes des premiers siecles.

Un particulier que la curiosité avoit attiré dans cette grotte, qui n'avoit eu jusqu'alors que des idées contraires à la Religion, touché de ce spectacle, avoua publiquement son erreur, et demanda à laver ses fatites dans le sacrement de la Pénitence.

F.

La lettre qui suit fera à nos lecteurs, sans doute, le même plaisir qu'elle nous fait; ils y verront la noble franchise d'un ministre de la Religion et le vrai courage qui le caractérise : ils y verront qu'en se renfermant dans les bornes du ministere qui leur est confié et en se soumettant à toutes les loix civiles, ils pourront dire la vérité devant les tribunaux séculiers, et y trouver l'appui qui est dû à l'innocence opprimée.

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