Abbildungen der Seite
PDF
EPUB
[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

LORSQUE la fameuse loi du divorce vit le jour, elle causa dans toute la France une douleur universelle. Les citoyens honnêtes et sensés reconnurent qu'elle ouvroit une large porte à la licence et à la dépravation des mœurs, déja si générales.

Or, il est infiniment rare que le premier cri de la vertu ne soit qu'un vain son qui épouvante les gens pour des chimeres. Tout le monde convient aujourd'hui que nous n'avions que trop sujet de prendre l'alarme. Les auteurs même de ce décret funeste, désabusés enfią par une foule de réclamations qui leur sont parvenues de tous les points de la France; n'ont pu s'empêcher de nommer une commission spéciale, à Peffet de rectifier ce que ce diTome II. No. 15.

que

D

plôme a de trop grossiérement contraire à l'honnêteté publique.

Mais au lieu de le remettre au creuset pour le purifier et le refondre, ne vaudroit-il pas mieux le jetter au rebut avec les scories révolutionnaires, et revenir de bonne foi à la jurisprudence de nos peres sur le mariage?

On s'imagine follement qu'ils n'avoient pas le sens commun, ou qu'ils n'aborderent jamais la question du divorce. On se persuade que la raison ne fait que d'éclore, et qu'elle est sortie tout récemment de la cervelle des sophistes modernes, comme Pallas sortit autrefois de la tête de Jupiter, suivant les fictions de la fable. Apprenez cependant: Hommes présomptueux! que le savoir, la sagesse et le génie, ne furent peut-être jamais aussi rares dans ce pays qu'ils le sont maintenant, malgré vos prétendues lumieres. Apprenez que, depuis trois siecles principalement, le sujet qui nous occupe n'a cessé d'exercer les théologiens et les politiques. Il n'y a pas encore quarante ans que ce qu'il y avoit de plus habiles magistrats et jurisconsultes le discuterent avec le plus grand éclat. On n'a pas oublié, sans doute, le procès de Borac Levi contre Mandel Cerf, son épouse; toute l'Europe retentit alors de cette affaire...

Borac, juif de naissance, ayant embrassé la religion catholique, sa femme ne voulut plus vivre avec lui. Sur son refus, il résolut d'en épouser une autre, et présenta requête à l'official du diocese de Soissons, où il demeuroit, afin d'être autorisé à se remarier. La question étoit, comme l'on voit, de savoir si

le mariage est tellement indissoluble, que le lien ne puisse en être rompu dans le cas même d'un infidele converti à la religion, que sa femme ne veut pas suivre. Depuis plusieurs siecles la législation canonique introduite par le nouveau droit des Décrétales, décidoit pour la négative, et prétendoit même s'appuyer de l'autorité de S. Paul, quoique de savans hommes aient toujours réclamé contre une telle interprétation (1). Dans ces derniers temps surfout, des lumieres plus pures s'étant répandues sur ce point, au moyen de l'étude profonde qu'on a faite du droit ancien, Pofficial de Soissons, qui avoit été à portée d'en profiter, trouva beaucoup de difficultés dans la demande de Levi. Sétant consulté quelque temps, il la lui refusa. Borac interjetta appel comme d'abus au Parlement de Paris, où le fond de la question fut agité fort au long, tant dans la plaidoierie que dans des mémoires et consultations, imprimés. Après les débats les plus approfondis, il intervint arrêt, le 2 janvier 1753, qui défendoit au prosélyte Borac de se marier pendant la vie de son ¿pouse.

Depuis cette décision solemnelle, il étoit reconnu généralement dans tous les tribunaux, tant ecclésiastiques que civils, que J. C., en

(1) Si l'on veut s'en convaincre, on peut lire la Dissertation sur l'indissolubilité absolue du lien conjugal, 2 vol. in-1 z. imprimée à Paris, chez Le Clére, libraire, rue SaintMartin, N. 254, l'année 1788, avec approbation et privilége. Prix six liv. brochés, franc de port par la poste.

consacrant l'indissolubilité du mariage, n'a fait que sanctionner le droit naturel; ou, en d'autres termes, que la nature même, ainsi que l'évangile, prescrit le divorce.

Remettons ici quelques preuves de cette vérité, puisque de malheureuses circonstances nous y obligent. Ensuite nous répondrons aux objections d'une philosophie inquiette et délirante qui travaille, il y a long-temps, à nous ravaler à la condition des brutes.

Qu'est-ce que le mariage, considéré en luimême et abstraction faite de la religion chrétienne? C'est une société libre et volontaire entre un homme et une femme qui s'engagent à vivre inséparablement, l'un avec l'autre. Ainsi le définissent la plupart des auteurs qui en ont écrit, d'après les maximes du droit naturel.

Le mariage n'est pas une union éphémere, qui doive finir au gré de l'inconstance, du caprice et de la légèreté des époux. Il n'y a personne qui n'eût horreur de cet état, si chacun des conjoints pouvoit errer d'objet en objet, comme le papillon volage. Quel plaisir un homme goûteroit-il dans la compagnie d'une femme prête à céder aux caresses du premier séducteur? Et les femmes seroient-elles assez folles pour s'unir à des maîtres impérieux et bizarres, qui se réserveroient le privilége odieux de les répudier, pour courir sans cesse à de nouvelles jouissances?

D'ailleurs, si l'on étoit libre de suivre ainsi l'instinct brutal de la débauche, la société des bêtes seroit préférable à celle des hommes. La plupart restent constaniment unies, au

moins, jusqu'au parfait accroissement de leur tendre postérité.

L'idée du mariage emporte donc avec soi une idée d'union sincere, intime et réciproque, une idée de constance, de perpétuité, qui exclut le divorce,

Examinons actuellement le but et la fin de cet état honorable et digne de tous nos respects: nous y trouverons le même carac

tere.

Plusieurs s'y engagent uniquement pour satisfaire leurs passions désordonnées, tels que le mulet et le cheval, ou comme ces animaux domestiques qui vivent pour engraisser, et qui engraissent pour mourir. Malheur à ces vils et sales pourceaux! Leur place naturelle est dans les fanges de la philosophie épicurienne. Laissons-les dans leur fange, et n'ayons d'égard que pour ceux que la raison guide dans leur choix. Que se proposent-ils en se mariant?

L'union des sexes est sans doute un but légitime, puisque l'Etre - suprême a ordonné qu'elle seroit l'unique moyen de perpétuer la race humaine; mais, de l'aveu de tous ceux qui en ont fait l'épreuve, elle n'est que l'ombre de l'union des cœurs.

L'intention de l'homme raisonnable qui s'engage dans la société conjugale est donc, principalement, de s'allier à une personne qui l'aide à supporter les maux attachés à notre condition sur la terre, à remplir les devoirs de son état, qui s'affectionne à lui, qui devienne une autre lui-même, la dépositaire de ses secrets, l'amie la plus intime, la plus chere, la plus sensible, la plus fidele. On veut avoir

« ZurückWeiter »