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passage de l'évangile, que personne n'a jamais entendu autrement, si ce n'est des athées à qui ce précepte doit déplaire, eux pour qui la vertu n'est rien, et le devoir qu'un mot sans idée.

Il en est de même de la sainte division que le Sauveur a apportée sur la terre. Incapable par elleinême de trebler ni l'état ni les familles, elle nous fait préférer au crime la haine injuste du monde.

M. Dupuis prétend que la pitoyable morale de l'évangile ne sera jamais propre à faire des citoyens, de bons peres, ni de bons maris ». On sait néanmoins que cette morale épure et consacre tous les sentimens honnêtes; qu'elle resserre tous les liens légitimes; qu'elle imprime à tous les devoirs de la sociabilité un caractere auguste ; qu'elle nous fournit, pour les remplir, des motifs supérieurs à ceux de la nature, en nous plaçant sous les yeux de Dieu même qui promet la plus magnifique récompense à notre fidélité, et qui nous menace d'un supplice effrayant, si nous osons les enfreindre. Son influence est donc infiniment plus puissante que celle de la philosophie, pour former dans tous les étais des hommes accomplis.

Quelle injustice de soutenir que cette divine morale est incapable de donner aux devoirs sacrés de mari et d'épouse un caractere respectable; qu'elle regarde L'état du mariage presque coinme une simple tolérance pour les ames foibles! On diroit, à l'entendre, que fa religion fait de la continence in devoir pour tout le monde, ou du moins un état au prix duquel tous les autres ne sont que foiblesse et imperfection. A la vérité le christianisme donne la préférence à la virginité, parce que cet état procure plus de facilité pout offrir à Dieu un coeur sans partage; mais il est notoire que dans la religion, le mariage fut toujours un état honorable; que Jésus-Christ a annobli et sanctifié cette alliance par un sacrement, et qu'il en a fait le symbole de son union éternelle avec l'église. C'est, dans cette morale, un principe certain, que la perfection consiste dans la charité. Or, la charité est également commandée à tous. Elle peut et doit sanctilier toutes les conditions. L'ame la plus remplie d'a

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( 555 ),

mour pour Dieu et pour son prochain, est aussi, quel que soit son état, la plus parfaite aux yeux de la

foi.

ques,

Il est encore d'autres préceptes de la morale évangélique que notre impie traite d'absurdes, d'impraticables et d'inintelligibles. Ce sublime évangile dont la sainteté et la majesté parloient au coeur, de Jean-Jac ne dit rien à M. Dupuis. Cela n'a rien d'éton nant. Comment l'entendroit-il du fond de ce bourbier où le plonge sou matérialisme? Comment sa beauté ravissante parleroit-elle à l'homme qui ne connaît d'autre grandeur que de s'élever à la portion de l'éther et d'autre modestie que de qui compose son ame descendre à la fraternité des escargots? Ainsi la fureur qui le porte à couvrir d'outrages cette morale toute céleste, ne fait que le déshonorer lui-même. Elle prouve seulement qu'il est trop vil pour la sentir, et que trop au-dessous des Pascal et des Fénelon qui se sont prosternés devant elle, il se rend assez de justice pour se réléguer de lui-même dans la classe ignominieuse des Vanini et des Cardan..

L'auteur de l'ouvrage que nous venons d'a nalyser a droit sans doute à la reconnoissance publique. Nous l'invitons à ne pas s'arrêter et à poursuivre encore son adversaire comme ennemi de Dieu, après l'avoir si victorieusement terrassé, comme ennemi du christianisme. Son zele et son talent pourront ainsi suppléer au silence de plusieurs anciens confreres de Dupuis, qui, réunissant la plus profonde érudition à l'amour des vrais principes, auroient dû s'armer contre cet apostat du genre hamain, ce calomniateur de toute la nature, qui le premier a osé dire que Pidée de Dieu est une idée nouvelle. A quoi attribuer une pareille indifférence? Est-ce qu'un système aussi absurde ne leur paroît pas digne d'être

réfuté? Mais pourroient-ils ignorer que dans ce renversement général et cette fermentation de toutes les têtes, plus une idée est folle, plus elle est avidemment reçue et ardemment propagée. Seroit-ce par ménagement? Mais quel homme en mérite moins que Dupuis, et que doit-on à un emporté blasphémateur et au détracteur sans mesure comme sans bonne foi, de tout ce qu'il y a de plus saint et de plus sacré parmi les hommes ? Où en sommesnous donc, si le courage de l'audace n'a plus rien à redouter du courage de la vertu; et si la médiocrité présomptueuse, sous les yeux même des savans les plus éclairés et les plus honnêtes, peut vomir impunément les mensonges les plus abjects et les paradoxes les plus funestes?

On lit dans le Tableau Politique, Historique et Philosophique de l'année 1785, page 321, le trait suivant :

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« Un nouveau messie, frippon ou fanatique, » nommé Muller, établit le théatre de son apostolat à Berlebourg. Il nie l'existence de tous les personnages importans dont parle la Bible, et prétend que ce livre ne ren » ferme que des allégories. Il se donne à lui» même les noms de prophete, de Moyse et » de Christ. Il vient d'annoncer que le juge» ment dernier aura lieu incessamment, et » qu'alors il jugera au nom du pere tous les peuples de la terre. Ce nouveau messie étoit » autrefois gardeur de porcs; mais il quitta » cet état et devint menétrier. Il a parcouru » avec son violon presque toute l'Europe. It a fait en Russie et en Suede beaucoup de

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» disciples qui lui envoient des fonds, tant » pour son entretien, que pour se mettre en » état de publier ses ouvrages. Au reste, ce fanatique mene une vie tranquille, et on » ne s'apperçoit de ses folies, que lorqu'on » lui parle de sa mission ».

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.

Ce Muller avoit eu plusieurs devanciers. Quel siecle et quel pays n'a pas eu ses francsmaçons, ses illuminés, ses diseurs de bonne aventure, ses jongleurs chimico-astrologicophilosophiques qui vouloient tirer parti de leurs rêveries? Qu'étoit-ce que tous nos philosophes depuis cinquante ans, que des Muller, qui, chacun dans son genre, ne cherchoient qu'à tromper et à faire des dupes? Ne parloient-ils pas tous avec un ton d'inspirés ? n'avoient-ils pas tous leurs trépieds, leurs mys-: teres, leurs prophéties? Voltaire n'annonçoitil pas hautement qu'il alloit sauver le genre humain? Jean-Jacques ne devoit-il pas aussi sauver le genre humain? Condorcet ne disoitil pas aussi, il y a vingt ans, en pleine académie, que le genre humain étoit sauvé? Diderot, dans sa fureur dithyrambique, n'a-t-il pas aussi chanté le salut du genre humain? Et n'est-ce pas ainsi que de sauveurs en sauveurs, de régénérateurs en régénérateurs, de charlatans en charlatans, nous sommes enfin parvenus à ce point de bonheur, de salut et de délivrance qui fait l'admiration du monde et l'envie de tous les peuples de la terre?

Mais de tous les faux messies et autres charlatans philosophiques de notre temps, il n'en est point qui mérite plus d'être rapproché de Muller que notre faiseur de reli

gion universelle. Il est vrai que l'apôtre de Berlebourg n'étoit pas athée, du moins il ne prêchoit pas l'athéisme, comme l'académicien de Gottingen; ce n'étoit pas alors la mode, et il n'eût pu, comme aujourd'hui, faire fortune par ce moyen infâme. Il est vrai encore que Muller étoit un fou gai, qui vouloit amuser le monde avec son violon; ce qui est toujours quelque chose, et que Dupuis est un fou triste, qui nous débite sérieusement ses rêves soporifiques. Mais à ces deux défauts de ressemblance près, le rapprochement des deux bateleurs nous paroît fort exact. Le menétrier allemand nioit l'existence de tous les personnages importans de la Bible, et prétendoit que ce livre ne renfermoit que des allégories. C'est ici, mot pour mot, le systême de Dupuis, et l'on voit qu'il n'a pas même ici la triste gloire d'une invention aussi inepte et aussi monstrueuse (1). Muller se donnoit

(1) Volney a fait aussi le même rêve au milieu de ses Ruines, ouvrage qui a paru quelques années avant la compilation de Dupuis. Ce qu'il y a de très-remar quable, c'est que les impies les plus fanatiques, tels que les rédacteurs de la feuille Villageoise, le critiquerent dans le temps. M. Volney, disent-ils, manifeste sur le christianisme des opinions hasardées et téméraires. Il pense que le messie n'a été qu'une divinité allégorique, et qu'il n'a jamais existé en personne. Mais comment les Juifs de ce temps-là n'ouroient-ils pas démenti les disciples du Christ, témoins et historiens de sa vie? Et comment Jérusalem n'auroitelle pás réclamě contre l'existence d'un législateur qu'on l'accusoit d'avoir crucifié avec tant de barbarie ? Feuille Villageoise, 6 octobre 1791.

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