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me être reftés Barbares tant qu'ils ont pratiqué l'un de ces Arts fans l'autre; & l'une des meilleures raisons peut-être pourquoi l'Europe a été, finon plûtôt, du moins plus conftamment, & mieux policée que les autres parties du monde, c'eft qu'elle eft à la fois la plus abondante en fer & la plus fertile en bled.

Il est très difficile de conjecturer comment les hommes font parvenus à connoître & employer le fer car il n'eft pas croyable qu'ils ayent imaginé d'eux mêmes de tirer la matiére de la mine & de lui donner les préparations néceffaires pour la mettre en fufion avant que de fçavoir ce qui en réfulteroit. D'un autre côté on peut d'autant moins attribuer cette découverte à quelque incendie accidentel que les mines ne fe forment que

dans des lieux arides, & denüés d'arbres & de plantes, de forte qu'on diroit que la Nature avoit pris des précautions pour nous dérober ce fatal fecret. Il ne reste donc que la circonstance extraordinaire de quelque Volcan qui, vomiffant des matiéres metalliques en fufion, aura donné aux Obfervateurs l'idée d'imiter cette opération de la Nature; encore faut-il leur fuppofer bien du courage & de la prévoyance pour entreprendre un travail auffi pénible & envifager d'auffi loin les avantages qu'ils en pouvoient retirer; ce qui ne convient guéres qu'à des efprits déjà plus exercés que ceux-ci ne le devoient être.

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QUANT à l'agriculture, le principe en fut connu longtems avant que la pratique en fût établie, & il n'eft guéres poffible que les hommes fans ceffe occupés à tirer leur fub

fiftan

fiftance des arbres & des plantes n'euffent affés promptement l'idée des voyes, que la Nature employe pour la génération des Végétaux; mais leur industrie ne se tourna probablement que fort tard de ce côté-là, foit parce que les arbres qui avec la chaffe & la pêche fourniffoient à leur nourriture, n'avoient pas befoin de leurs foins, foit faute de connoître l'ufage du bled, foit faute d'inftrumens pour le cultiver, foit faute de prévoyance pour le befoin à venir, foit enfin faute de moyens pour empêcher les autres de s'approprier le fruit de leur travail. Devenus plus industrieux, on peut croire qu'avec des pierres aiguës, & des bâtons pointus ils commencérent par cultiver quelques legumes ou racines autour de leurs Cabanes, longtemps avant de favoir préparer le bled,

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& d'avoir les inftrumens néceffaires pour la culture en grand, fans compter que, pour fe livrer à cette occupation & enfemencer des terres, il faut fe réfoudre à perdre d'abord quelque chofe pour gagner beaucoup dans la fuite; précaution fort éloignée du tour d'efprit de l'homme Sauvage qui, comme je l'ai dit, a bien de la peine à fonger le matin à fes befoins du foir.

L'INVENTION des autres arts fut donc néceffaire pour forcer le Genre-humain de s'appliquer à celui de l'agriculture. Dès qu'il falut des hommes pour fondre & forger le fer, il fallut d'autres hommes pour nourrir ceux-là. Plus le nombre des ouvriers vint à fe multiplier, moins il y eut de mains employées à fournir à la fubfistance commune fans qu'il y eût moins de bouches pour la

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confommer; & comme il falut aux uns des denrées en échange de leur fer, les autres trouvérent enfin le fecret d'employer le fer à la multiplication des denrées. De là naquîrent d'un côté le Labourage & l'agriculture, & de l'autre l'art de travailler les métaux, & d'en multiplier les ufages.

DE la culture des terres s'enfuivit néceffairement leur partage; & de la propriété une fois reconnue les premiéres régles de justice: car pour rendre à chacun le fien, il faut que chacun puisse avoir quelque chofe; de plus les hommes commençant à porter leurs veües dans l'avenir, & fe voyant tous quelques biens à perdre, il n'y en avoit aucun qui n'eût à craindre pour foi la repréfaille des torts qu'il pouvoit faire à autrui. Cette origine eft d'autant plus naturelle qu'il eft impoffible

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