Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

prifon; quand je vois des multitudes de Sauvages tout nuds méprifer les voluptés Européennes & braver la faim, le feu, le fer & la mort pour ne conferver que leur indépendance, je fens que ce n'eft pas à des Efclaves qu'il appartient de raifonner de liberté.

QUANT à l'autorité Paternelle dont plufieurs ont fait dériver le Gouvernement abfolu & toute la Société, fans recourir aux preuves contraires de Locke & de Sidney, il fuffit de remarquer que rien au monde n'eft plus éloigné de l'efprit féroce du Despotifime que la douceur de cette autorité qui regarde plus à l'avantage de celui qui obéit qu'à l'utilité de celui qui commande; que par la Loi de Nature le Pere n'est le maître de l'Enfant qu'auffi longtems que fon fecours lui eft néceffaire, qu'audelà de ce terme ils devien

deviennent égaux, & qu'alors le fils parfaite ment indépendant du Pere, ne lui doit que du refpect, & non de l'obéiffance; car la réconnoiffance est bien un devoir qu'il faut rendre, mais non pas un droit qu'on puiffe exiger. Au lieu de dire que la Société civile dérive du pouvoir Paternel, il falloit dire au contraire que c'eft d'elle que ce pouvoir tire fa principale force: un individu ne fut reconnu pour le Pere de plufieurs que quand ils reftérent affemblés autour de lui; Les biens du Pere, dont il est véritablement le Maître, font les liens qui retiennent fes enfans dans fa dépendance, & il peut ne leur donner part à fa fuccesfion qu'à proportion qu'ils auront bien mérité de lui par une continuelle déférence à fes volontés. Or, loin que les fujets ayent

quelque

quelque faveur femblable à attendre de leur Defpote, comme ils lui appartiennent en propre, eux & tout ce qu'ils poffédent, ou du moins qu'il le prétend ainfi, ils font réduits à recevoir comme une faveur ce qu'il leur laiffe de leur propre bien; il fait justice quand il les dépoüille; il fait grace quand il les laiffe vivre.

EN continuant d'examiner ainfi les faits par le Droit, on ne trouveroit pas plus de folidité que de vérité dans l'établiffement volontaire de la Tyrannie, & il feroit difficile de montrer la validité d'un contract qui n'obligeroit qu'une des parties, où l'on mettroit tout d'un côté & rien de l'autre, & qui ne tourneroit qu'au préjudice de celui qui s'engage. Ce Systême odieux eft bien éloigné d'être même aujourd'hui celui des Sages &

[blocks in formation]

bons Monarques, & furtout des Rois de France, comme on peut le voir en divers endroits de leurs Edits & en particulier dans le paffage fuivant d'un Ecrit célebre, publié en 1667. au nom & par les ordres de Louis XIV. Qu'on ne dife donc point que le Souverain ne foit pas fujet aux Loix de fon Etat, puis que la propofition contraire eft une vérité du Droit des Gens que la flaterie a quelques fois attaquée,

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

mais que les bons Princes ont toujours défendue comme une divinité tutelaire de leurs Etats. Combien eft-il plus légitime de dire avec le Sage Platon, que la parfaite félicité d'un Royaume eft qu'un Prince foit obéi de fes Sujets, que le Prince obéisse à la Loi, & que la Loi foit droite & toujours dirigée au bien public. Je ne m'arrê terai point à rechercher fi, la liberté étant la plus noble des facultés de l'homme, ce n'est

n'eft pas dégrader fa Nature, fe mettre au niveau des Bêtes efclaves de l'instinct, offenfer même l'Auteur de fon être, que de renoncer fans referve au plus précieux de tous fes dons, que de fe foûmettre à commettre tous les crimes qu'il nous défend, pour com plaire à un Maître féroce ou insensé, & cet ouvrier fublime doit être plus irrité de voir détruire que deshonorer fon plus bel ouvrage. Je demanderai feulement de quel Droit ceux qui n'ont pas craint de s'avilir eux-mêmes jusqu'à ce point, ont pû foû mettre leur poftérité à la même ignominie, & renoncer pour elle à des biens qu'elle ne tient point de leur libéralité, & fans lesquels la vie même eft onéreufe à tous ceux qui en font dignes?

[ocr errors]
[ocr errors]

PUFENDORFF dit que tout de même

Li 2

qu'on

« ZurückWeiter »