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mon Héros finira par tout égorger jufqu'à ce qu'il foit l'unique maître de l'Univers. Tel eft en abregé le tableau moral, finon de la vie humaine, au moins des prétentions fecrettes du cœur de tout homme Civilifé.

COMPAREZ fans préjugés l'état de l'homme Civil avec celui de l'homme Sauvage, & recherchez, fi vous le pouvez, combien, outre fa méchanceté, fes befoins & fes miféres, le premier a ouvert de nouvelles portes à la douleur & à la mort. Si vous confiderez les peines d'efprit qui nous confument, les paffions violentes qui nous épuifent & nous défolent, les travaux exceffifs dont les pauvres font furchargés, la moleffe encore plus dangereufe à laquelle les riches s'abandonnent, & qui font mourrir les uns de leurs befoins & les autres de leurs excés. Si vous fongez aux monstrueux mêlanges des alimens, à leurs pernicieux affaifonnemens, aux denrées corrompues, aux drogues falfifiées, aux friponneries de ceux qui les vendent, aux erreurs de ceux qui les adminiftrent, au poifon des Vaiffeaux dans lesquels on les prépare; fi vous faites attention aux maladies épidemi

ques

ques engendrées par le mauvais air parmi des multitudes d'hommes raffemblés, à celles qu'occafionnent la delicateffe de notre maniére de vivre, les paffages alternatifs de l'intérieur de nos maifons au grand air, l'ufage des habillemens pris ou quittés avec trop peu de précaution, & tous les foins que notre fenfualité exceffive a tournés en habitudes néceffaires & dont la négligence ou la privation nous coûte enfuite la vie ou la fanté; Si vous mettez en ligne de compte les incendies & les tremblemens de terre qui confumant ou renverfant des Villes entiéres, en font périr les habitans par milliers; en un mot, fi vous réuniffez les dangers que toutes ces caufes affemblent continuellement fur nos têtes, vous fentirez combien la Nature nous fait payer cher le mépris que nous avons fait de fes leçons.

JE ne répéterai point ici fur la guerre ce que j'en ai dit ailleurs; mais je voudrois que les gens inftruits vouluffent ou ofaffent donner une fois au public le détail des horreurs qui fe commettent dans les armées par les Entrepreneurs des vivres & des Hôpitaux, on

verroit

verroit que leurs manœuvres non trop fecrettes par lesquelles les plus brillantes armées fe fondent en moins de rien, font plus périr de Soldats que n'en moiffonne le fer ennemi; C'est encore un calcul non moins étonnant que celui des hommes que la mer engloutit tous les ans, foit par la faim, foit par le fcorbut, foit par les Pyrates, foit par le feu, foit par les naufrages. Il eft clair qu'il faut mettre auffi fur le compte de la propriété établie & par conféquent de la Société, les affaffinats, les empoisonnemens, les vols de grands chemins, & les punitions mêmes de ces crimes, punitions néceffaires pour prevenir de plus grands maux, mais qui, pour le meurtre d'un homme coutant la vie à deux ou davantage, ne laiffent pas de doubler réellement la perte de l'efpéce humaine. Combien de moyens honteux d'empêcher la naiffance des hommes & de tromper la Nature? Soit par ces goûts brutaux & dépravés qui infultent fon plus charmant ouvrage, goûts que les Sauvages ni les animaux ne connurent jamais, & qui ne font nés dans les païs policés que d'une imagination corrompue; foit

par

par ces avortemens fecrets, dignes fruits de la débauche & de l'honneur vicieux; foit par l'expofition ou le meurtre d'une multitude d'enfans, victimes de la mifére de leurs parens ou de la honte barbare de leurs Méres; foit enfin par la mutilation de ces malheureux dont une partie de l'existence & toute la poftérité font facrifiées à de vaines chanfons ou ce qui eft pis encore, à la brutale jaloufie de quelques hommes: Mutilation qui dans ce dernier cas outrage doublement la Nature, & par le traitement que reçoivent ceux qui la fouffrent, & par l'ufage auquel ils font destinés. Que feroit-ce fi j'entreprenois de montrer l'espéce humaine attaquée dans fa fource même, & jusques dans le plus faint de tous les liens, où l'on n'ofe plus écouter la Nature qu'après avoir confulté la fortune, & où le défordre civil confondant les vertus & les vices, la continence devient une précau tion criminelle, & le refus de donner la vie à fon femblable, un acte d'humanité ? Mais fans déchirer le voile qui couvre tant d'horcontentons-nous d'indiquer le mal auquel d'autres doivent apporter le reméde.

reurs,

QU'ON

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QU'ON ajoûte à tout cela cette quantité de métiers mal-fains qui abrégent les jours ou détruifent le temperament; tels que font les travaux des mines, les diverfes préparations des métaux, des mineraux, furtout du Plomb, du Cuivre, du Mercure, du Cobolt, de l'Arcenic, du Realgar; ces autres métiers perilleux qui coutent tous les jours la vie à quantité d'ouvriers, les uns Couvreurs, d'autres Charpentiers, d'autres Maffons, d'autres travaillant aux carriéres; qu'on reuniffe, disje, tous ces objets, & l'on pourra voir dans l'établiffement & la perfection des Sociétés les raifons de la diminution de l'espéce, obfervée par plus d'un Philofophe.

}

LE luxe, impoffible à prevenir chez des hommes avides de leurs propres commodités & de la confidération des autres, achéve bientôt le mal que les Sociétés ont commencé, & fous prétexte de faire vivre les pauvres qu'il n'eût pas fallu faire, il appauvrit tout le refte, & dépeuple l'Etat tôt-ou tard.

LE luxe eft un reméde beaucoup pire que le mal qu'il prétend guerir; ou plûtôt, il est lui-même le pire de tous les maux, dans quel

que

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