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commande à tout animal, & la Bête obéit. L'homme éprouve la même impreffion, mais il fe reconnoît libre d'acquiefcer, ou de refifter; & c'eft furtout dans la confcience de cette liberté que fe montre la fpiritualité de fon ame: car la Phyfique explique en quelque maniére le mécanifme des fens & la formation des idées; mais dans la puiffance de vouloir ou plûtôt de choisir, & dans le fentiment de cette puiffance on ne trouve que des actes purement fpirituels, dont on n'explique rien par les Loix de la Mécanique.

MAIS, quand les difficultés qui environnent toutes ces questions, laifferoient quelque lieu de difputer fur cette différence de l'hom me & de l'animal, il y a une autre qualité très fpécifique qui les diftingue, & fur laquelle il ne peut y avoir de conteftation, c'est la fa

cul

culté de fe perfectionner; faculté qui, à l'aide des circonstances, développe fucceffivement toutes les autres, & réfidé parmi nous tant dans l'efpéce, que dans l'individu, au lieu qu'un animal eft, au bout de quelques mois, ce qu'il fera toute fa vie, & fon efpéce, au bout de mille ans, ce qu'elle étoit la premiere année de ces mille ans. Pourquoi l'homme feul eft il fujet à devenir imbécile? N'eft ce point qu'il retourne ainfi dans fon état primitif, & que, tandis que la Bête, qui n'a rien acquis & qui n'a rien non plus à perdre, refte toujours avec fon inftinet, l'homme reperdant par la vieilleffe ou d'autres accidens, tout ce que fa perfectibilité lui avoit fait acquerir, retombe ainfi plus bas que la Bête même? Il feroit trifte pour nous d'être forcés de convenir, que cette faculté diftinc

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tive, & presque illimitée, eft la fource de tous les malheurs de l'homme; que c'est elle qui le tire, à force detems, de cette condition originaire, dans la quelle il couleroit des jours tranquilles, & innocens ; que c'eft elle, qui faisant éclore avec les fiécles fes lumiéres & fes erreurs, fes vices & fes vertus, le rend à la longue le tiran de lui(*7.) même, & de la Nature. (*7.) Il feroit affreux d'être obligés de loüer comme un être bien-faifant celui qui le premier fuggera à l'habitant des Rives de l'Orenoque l'ufage de ces Ais qu'il applique fur les tempes de fes Enfans, & qui leur affurent du moins une partie de leur imbecilité, & de leur bonheur originel.

L'HOMME Sauvage; livré par la Nature -au feul instinct, ou plûtôt dédommagé de ce

lui

res,

lui qui lui manque peut-être, par des facultés capables d'y fuppléer d'abord, & de l'élever en fuite fort au-deffus de celle là, commencera donc par les fonctions purement animales: (* 8.) appercevoir & fentir fera (*8.) fon premier état, qui lui fera commun avec tous les animaux. Vouloir & ne pas vouloir, défirer & craindre, feront les premié & presque les feules operations de fon ame, jufqu'à ce que de nouvelles circonftances y causent de nouveaux développemens. QUOIQU'EN difent les Moralistes, l'entendement humain doit beaucoup aux Paffions, qui, d'un commun aveu, lui doivent beaucoup auffi: C'est par leur activité, que notre raison se perfectionne; Nous ne cherchons à connoître, que parce que nous desirons de jouïr, & il n'eft pas poffible de

con

concevoir pourquoi celui qui n'auroit ni de firs ni craintes fe donneroit la peine de rai fonner. Les Paffions, à leur tour, tirent leur origine de nos befoins, & leur progrès de nos connoiffances; car on ne peut defirer ou craindre les chofes, que fur les idées qu'on en peut avoir, ou par la fimple impulfion de la Nature; & l'homme Sauvage, privé de toute forte de lumiéres, n'éprouve que les Paffions de cette derniére efpéce; Ses defirs ne paffent pas fes befoins Phyfiques; (*9.) (* 9.). Les feuls biens, qu'il connoiffe dans l'Univers, font la nouriture, une femelle, & le repos; les feuls maux qu'il craigne, font la douleur, & la faim; Je dis la dou leur, & non la mort; car jamais l'animal ne faura ce que c'eft que mourir, & la con noiffance de la mort, & de fes terreurs, est

une

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