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nard crut que le vertige le prenait. Mais l'ivresse était puissante; il y céda et posa ses lèvres à l'endroit où finissait le gant.

Mm. Rattier rentrait.

- La voiture est à la porte, dit-elle, un peu essoufflée de s'être tant hâtée. Tiens.....

Alice accrocha lestement à ses oreilles les boutons de diamant, s'enveloppa dans sa pelisse, et courut vers la porte en criant: · Bonsoir !

Son chevalier Séraphin la suivit. Mais, prête à disparaître, elle se retourna. Son visage brillant avait un éclat sans pareil, les diamans, sans doute.

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Il y a une place pour vous dans la voiture, monsieur Bernard. Puis elle se sauva.

Le jeune homme s'empara de son pardessus et se précipita sur les pas d'Alice, oubliant de saluer Mme Rattier,.. qui riait.

XVI.

Mme de Terris entrant dans le bal, trouva M. de Castillon à la porte; elle prit son bras et se laissa conduire. Les trois personnes qui l'accompagnaient disparurent.

Le sous-préfet, se tournant à demi, ne les vit plus.

Enfin ! dit-il. Puis, plus bas : Je crois que M. de Terris me fait l'honneur de me regarder de travers. Serait-ce un bon présage? Comment l'entendez-vous ?

Que vous daignerez peut-être donner raison à son insupportable jalousie en le punissant comme il le mérite.

- Mais il est jaloux de tout le monde, dit-elle en riant; si je le punissais chaque fois qu'il se plaint, je rendrais trop souvent la justice. C'est une raison pour vous montrer une bonne fois impi

toyable. Mais vous ne l'êtes que pour moi!

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-

Ingrat! je vous ai gardé la première valse!

Rien que cela?

C'est poli; voulez-vous que je la donne à un autre?

Raillez donc ! vous ne savez pas le mal que vous me faites.
En vérité!

Voyons, pourquoi êtes-vous si coquette, si provocante? Pourquoi promettez-vous l'amour avec chacun de vos regards, avec vos irrésistibles sourires, si vous voulez toujours repousser sans pitié ceux que vous aurez blessés ?

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Oh! oh! comme c'est bien dit! Mais vous l'expliquez vousmême je suis sans pitié parce que je suis fort coquette; voilà.

Et vous l'avouez ?

Ingénument.

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Hélas! est-ce ma faute? J'ai été créée et mise au monde comme cela.

Savez-vous ce qui arrivera ?

Voyons votre prophétie.

Vous serez calomniée. Le monde, qui s'en rapporte surtout aux apparences, ne croira pas à l'innocence de votre coquetterie; on lui supposera un but; on lui en prêtera même deux... trois... Allez, allez, ne vous gênez pas.

Et vous aurez tous les inconvéniens de votre réputation...

J'entends, sans en avoir les avantages. Que voulez-vous? C'est une chance à courir.

Mais elle court, madame, elle vole.

Vraiment! Alors on cause? Et que dit-on, s'il vous plaît ?
Vous voulez le savoir?

J'en meurs.

Vous ne vous fâcherez pas ?

Si, ma foi, à moins que vous n'acheviez.

- Eh bien! on prétend que votre mari a de bonnes raisons pour être jaloux de moi.

N'est-ce que cela? Mais c'est très vieux, ce conte! On n'en parle déjà plus.

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Ah! vous le saviez !

Oui.

Vous le saviez, et vous restez ainsi isolée avec moi dans le coin de cette salle où tous les regards nous ont suivis !

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Cela vous surprend, n'est-ce pas ?

Oui; je cherche à comprendre pourquoi, sans aucune arrièrepensée généreuse à mon égard, vous vous plaisez à braver ainsi l'opinion publique.

Je la méprise, dit hautainement Mine de Terris.

Prenez garde...

Qu'elle me le rende, voulez-vous dire? je ne le crains pas. Il yla longtemps qu'elle est édifiée sur mon indifférence pour ses verdicts. D'ailleurs son mépris ne serait pas sincère. On ne peut douter de moi; ma vie est trop franche. J'ai toujours fait librement et au grand jour tout ce que j'ai fait, bien ou mal. L'indépendance de mon humeur ne se plie à aucune hypocrisie de conscience. Ne croyez pas que je m'abaisse jamais à feindre comme la plupart de ces femmes, là-bas, qui me regardent d'un air effarouché et s'empressent sans doute d'appliquer sur les accrocs de leur vertu les lambeaux de réputation qu'elles m'arrachent. Non; s'il m'arrive de commettre une faute, elle sera éclatante; je l'avouerai ; j'abdiquerai tout haut afin de ne voler à personne les hommages et les respects

que l'on croira ne plus me devoir. Je ne tromperai pas l'opinion publique dont vous me parlez, je lui crierai: « Je tombe ! » Mais en attendant... Tenez, voulez-vous apprendre comment on la retourne, «< l'opinion publique? » Voyez-vous ce coin, là, à droite, c'est le plus mauvais ? Eh bien ! venez...

- Où allez-vous? Ne comprenez-vous pas ces regards, ces sourires? Je vous en conjure, ne courez point au-devant d'un affront que je ne saurais supporter...

Venez donc.

Tranquille, souriante, elle s'appuya de nouveau sur le bras du jeune homme, traversa la salle, saluant çà et là, et vint droit au groupe hostile. La première femme assise sur le banc des danseuses avait détourné la tête presque sur l'épaule pour ne pas voir venir Mine de Terris. Celle-ci s'arrêta. L'autre alors se retourna curieusement et ses yeux furent pris dans le regard extrêmement doux et souriant de Mme de Terris.

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Là! fit à ce moment la jeune femme paraissant s'adresser à son compagnon, quand je vous dis qu'ils sont bleus!

Puis s'approchant vivement de Mme de C.

Marquise, c'est impardonnable de tromper ainsi son monde. J'ai failli me fâcher avec M. de Castillon sur la couleur de vos yeux; il les voulait noirs. Non, disait-il, et il fallait l'entendre! il est impossible que ce beau regard sombre, ardent, aimanté, s'échappe d'une prunelle bleue...

-Grâce! prononça le jeune homme d'un ton réellement confus: la marquise lui souriait tendrement.

Puis, tout aimable, elle tendit la main à Mme de Terris, lui disant : Comme vous venez tard!

Il m'a fallu attendre M. de Terris, répondit-elle, feignant de baisser la voix, mais la glissant doucement à l'oreille de la baronne de H..., qui jouait de l'éventail en regardant dédaigneusement à ses pieds. - On l'avait prié de se rendre, à la sortie du banquet, dans une réunion d'électeurs très importante; il a bien fait de n'y point manquer. Encore deux ou trois succès comme celui de ce soir, et notre cher candidat... Madame la baronne, je ne vous voyais pas, excusez-moi... serez-vous assez bonne pour dire à M. le baron que mon mari a gagné pour lui la première bataille?

-M. le baron serait heureux de l'apprendre de vous, madame. Veuillez me permettre de lui laisser ce plais ir, répondit la très haute dame obligée de s'incliner devant le service rendu et le faisant avec grâce.

-Volontiers, madame, à tout à l'heure. Général, voyez-vous ces deux jeunes gens là-bas?

Une rude tête grise, flanquée de deux jeunes têtes rousses, celles des demoiselles de B., se leva d'un air furieux.

Me de Terris, souriant comme un ange, se pencha vers elle et lui cria dans l'oreille.

Les Mongibus, général,.. grande famille, une fortune insensée... Je vais vous les présenter vos nièces sont ravissantes ce soir.

- Je vous ai gardé une place, madame de Terris, s'empressa de dire l'une des filles rousses.

Merci, ma mignonne, je reviens... accompagnée.

Vous serez toujours divine, gronda le général.

Pour le coup, tenez-vous bien, murmura Alice, entraînant M. de Castillon qui gardait son sérieux par miracle.

Madame Grimpon, M. le sous-préfet craignait un refus, car on lui dit que vous ne dansez pas, et c'est moi qu'il a chargée de plaider sa cause. Accordez-moi de danser avec lui le premier quadrille.

Mine Grimpon, rouge d'un bout à l'autre de sa longue figure, pataugeait dans une réponse, favorable bien entendu, à cette invitation qui la comblait de joie, et déjà se levait, prête à se jeter dans les bras du jeune homme...

- J'aurai l'honneur de venir vous prendre tout à l'heure, s'écria celui-ci s'inclinant furieusement devant la dame.

Elle appuya ses longs doigts jaunes sur le bras de Mme de Terris: Comme vous êtes gentille!

A mes dépens, acheva le sous-préfet à l'oreille d'Alice, qui s'éloignait suivie de tous ces regards devenus soudainement bienveillans. Que vous avais-je fait ?

Vous aviez douté de moi. M. de Terris nous observe; voyez de quel air. Rejoignons-le.

Lui aussi?

La démonstration ne serait pas complète.

Je me tiens pour convaincu; vous êtes un démon.

Oh! oh! mon mari disparaît; sa fureur est à son comble; suivons-le.

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Avez-vous peur?

- Madame! vous aimez à jouer avec le feu...

Beaucoup, en ma qualité de démon.

M. de Terris s'était précipité dans la salle de jeu.

En s'en rapprochant, Alice aperçut Bernard, seul, adossé près de la porte, les bras croisés, les yeux fixés sur elle avec une expression de dédain que corrigeait à peine son sourire amer et doulou

reux en même temps. Mme de Terris fronça le sourcil, releva la tête, et, de haut, plongea son regard franc et ouvert dans celui du jeune homme. Elle s'avançait; elle passa près de lui, l'effleurant, sans baisser sa paupière hautaine, mais l'œil s'adoucissait et disait clairement :

Regarde-moi bien, tu te trompes. Devine donc ma pensée. Puis elle entra dans le salon où l'on jouait. Bernard promena sa main sur son front, hésita et disparut à son tour derrière elle, suivant le sillage sombre de cette traîne de velours.

Le jeu paraissait très animé. L'une des tables où se livraient ces intéressantes batailles de cartes, était plus entourée que les autres; on y discutait chaudement sur la veine « insolente » de l'un des deux joueurs qui l'occupaient; sir Robert Bruntson, grave, muet, insensible à son triomphe, battait coup sur coup le clerc de M. de Terris. On jouait l'écarté.

M. de Terris, appuyé à la chaise de sir Robert, se retourna maussadement; sa femme venait de le toucher à l'épaule.

Alice glissa son bras sous celui de son mari et lui dit à l'oreille :

Remerciez-moi; je viens de faire votre paix avec bon nombre de gens que le discours de Séraphin n'avait point mis en belle humeur.

Il la regarda, surpris. Elle s'occupait si peu de ses affaires habituellement ! Alice continua.

-Ne me démentez pas : j'ai raconté à la baronne que vous aviez fait un discours superbe à une réunion d'électeurs. Le baron va venir vous remercier; tenez-vous bien. On boudait un peu par là; cela m'inquiétait; mais vous pouvez être tranquille : j'ai retourné tout cela.

Toi? dit-il, n'osant en croire ses oreilles.

Elle l'obligea à se rapprocher du sous-préfet qui, arrêté à quelques pas de là, contemplait cette nouvelle scène de séduction avec une curiosité peu dissimulée.

-Demandez à M. de Castillon, dit-elle, adressant à celui-ci un regard endiablé, s'il n'y a pas en moi l'étoffe d'un diplomate?

- Tu fais donc de la politique maintenant? exclama M. de Terris visiblement soulagé et presque joyeux.

-Uniquement pour prouver que j'en suis capable, mais je n'en abuserai pas la duplicité n'est pas mon fait. Cependant j'ai résolu de dompter certain animal farouche... Obligez-moi, monsieur, ditelle au sous-préfet, en expliquant à mon mari pourquoi et surtout comment j'ai entrepris la conquête de Séraphin, car j'y mets tant de soins qu'il en pourrait prendre de l'ombrage.

Et sur ce trait, laissant les deux hommes nez à nez, elle se rapprocha de la table où jouait le maître clerc. Aussitôt celui-ci jeta la dame de cœur en disant d'une singulière façon :

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