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sions sur le cerveau de ce jeune homme, en le supposant de bonne foi; ou, s'il ne l'était pas, sur le travail qu'il avait dû faire, d'après les écrits de Jean-Jacques, pour former un corps de doctrine. Tout cela se faisait évidemment à l'insu du prophète dont toutes les actions peuvent être suivies presque jour par jour, depuis 1750 jusqu'à sa mort. Si l'aventurier eût réussi dans la mission qu'il se donnait, on aurait vu dans quelque canton de l'Inde l'établissement d'un corps de doctrine sous le nom d'un prétendu fondateur qui n'en aurait rien su, que ses sectateurs eussent divinisé, et dans l'histoire duquel il n'y eût pas eu un mot de vrai.

Arrêtons-nous un moment sur l'influence de Rousseau, car elle fait partie de l'accusation: on omet, comme de raison, le bien qu'ont produit ses ouvrages, pour ne parler que du mal qu'on leur attribue.

L'influence qu'exerça Rousseau sur les esprits fut l'effet du caractère de son génie, qui tient à l'enthousiasme qu'il eut pour la vertu. La nature de son talent prit les nuances des sentiments que lui inspira cette vertu, qu'il sentait ne devoir pas étre un vain nom. Sachant concilier la raison et l'enthousiasme; prêtant à l'une le langage de l'autre, et rendant ainsi pour la première fois la logique convaincante et persuasive, énergique et touchante, il s'en fit une arme irrésistible.

Le publiciste qui ne voulait pas que la liberté

coútát une goutte de sang innocent, pouvait-il avoir l'intention de prêcher cette liberté à ceux qui, pour l'acquérir, seraient disposés à faire couler le sang? Il écrivit pour les hommes qu'il supposa chercher une forme de gouvernement, ou vouloir perfectionner le gouvernement libre qu'ils possédaient. De là son Contrat social destiné aux premiers, et seulement aux républiques. L'application qu'on en a voulu faire à des peuples gouvernés monarchiquement est contre ses intentions formellement exprimées; lui faire un reproche de cette application, c'est manquer de bonne foi. Si l'assassin prend, pour tuer, un instrument de jardinage, accuse-t-on l'ouvrier qui forgea cet instrument? L'influence pernicieuse que, sous ce rapport, auraient pu avoir quelques-uns des écrits de Rousseau, ne lui appartient donc point: il y est totalement étranger.

Mais quelle heureuse influence n'eut-il pas sous d'autres rapports? que ne lui doivent pas les enfants nourris par leurs mères, et celles-ci pour le charme qu'il leur fait trouver à remplir un devoir?

Une disposition à l'indulgence n'est-elle pas sans cesse inspirée par celui envers lequel on n'eut aucune indulgence? Qui ose nier qu'on ne se sente meilleur en lisant ses ouvrages?... Mais cette réflexion est du nombre de celles qu'on ne peut exprimer sans inconvénient, et je laisse à un habile critique le soin de la faire.

« Le célèbre Genevois, dit-il, dit-il, n'était pas seule<< ment l'ami, mais l'amant passionné de la vertu, <<< et sa conduite ne fut pas en contradiction avec << ses discours... Ses ouvrages respirent l'amour du << bien, du juste et du beau. C'est de cet amour pur << et enflammé que naissent la force, la chaleur de << son style; et comme son génie était dans son <«< cœur, c'est au cœur de ceux qui le lisent qu'il parle et se fait entendre... Les sophistes ont sé<< duit et entraîné la lie corrompue de la nation; << mais les sincères partisans de Rousseau ne peu<< vent être que des amis de la vertu. Puisant dans << son ame cette véhémence, cette foule de senti<<ments dont il remue sans cesse l'ame de ses lec<< teurs, il me paraît avoir été le seul homme vrai<< ment éloquent du siècle. >>

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Tel est le langage que tient, sur Jean-Jacques, l'auteur que Voltaire avait surnommé l'Inclément; à qui l'on reprocha de pousser trop loin l'apreté de la critique, et qui est représenté dans la Biographie universelle comme ayant une brusque franchise, et ne pouvant taire la vérité.

MUSSET-PATHAY.

Essais de critique sur la littérature ancienne et moderne, par Clément, t. II, p. 2. et suivantes.

DISCOURS

QUI A REMPORTÉ LE PRIX

A L'ACADÉMIE DE DIJON,

EN L'ANNÉE 1750,

Sur cette question proposée par la même Académie :

SI LE RÉTABLissement des SCIENCES ET DES ARTS A CONTRIBUÉ A ÉPURER LES MOEURS.

Barbarus hic ego sum, quia non intelligor illis.
OVID. Trist. v, eleg. 10, v. 37.

R. I.

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