Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

vain les flots mugissent, se soulèvent, s'élancent avec fureur sur les côtes opposées; contraints de se replier bientôt sur eux-mêmes, ils rentrent dans le sein de l'océan, et ne laissent sur ses bords qu'une écume légère qui s'évapore à l'instant, ou qu'un sable mouvant qui fuit sous nos pas. Image naturelle des vains efforts de l'esprit, quand, échauffé par les saillies d'une imagination dominante, se laissant emporter à tout vent de doctrine, d'un vol audacieux il veut s'élever au-delà de sa sphère et s'efforce de pénétrer ce qu'il ne lui est pas donné de comprendre!

Mais les sciences, bien loin d'autoriser de pareils excès, sont pleines de maximes qui les réprouvent; et le vrai savant, qui ne perd jamais de vue le flambeau de la révélation, qui suit toujours le guide infaillible de l'autorité légitime, procède avec sûreté, marche avec confiance, avance à grands pas dans la carrière des sciences, se rend utile à la société, honore sa patrie, fournit sa course dans l'innocence, et la termine avec gloire.

FIN DE LA RÉPONSE DU ROI DE POLOGNE.

RÉPONSE

DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU

AU ROI DE POLOGNE,

DUC DE LORRAINE,

SUR LA RÉFUTATION FAITE PAR CE PRINCE DE SON DISCOURS*.

m

a

Je devrais plutôt un remerciement qu'une réplique à l'auteur anonyme " qui vient d'honorer mon Discours d'une réponse : mais ce que je dois à la reconnaissance ne me fera point oublier ce que je dois à la vérité; et je n'oublierai pas non plus que, toutes les fois qu'il est question de raison, les hommes rentrent dans le droit de la nature, et reprennent leur première égalité.

Le discours auquel j'ai à répliquer est plein de choses très-vraies et très-bien prouvées auxquelles je ne dois aucune réponse: car, quoique j'y sois qualifié de docteur, je serais bien fâché d'être au nombre de ceux qui savent répondre à tout.

*

Ma défense n'en sera pas moins facile : elle se

C'est cette réponse que Jean-Jacques met au nombre de ses meilleurs écrits. Voyez Conf., liv. vIII.

a L'ouvrage du roi de Pologne étant d'abord anonyme, et non avoué par l'auteur, m'obligeait à lui laisser l'incognito qu'il avait pris; mais ce prince, ayant depuis reconnu publiquement ce même ouvrage, m'a dispensé de taire plus long-temps l'honneur qu'il m'a fait.

bornera à comparer avec mon sentiment les vérités qu'on m'objecte; car si je prouve qu'elles ne l'attaquent point, ce sera, je crois, l'avoir assez bien défendu.

Je puis réduire à deux points principaux toutes les propositions établies par mon adversaire : l'un renferme l'éloge des sciences, l'autre traite de leur abus. Je les examinerai séparément.

Il semble, au ton de la réponse, qu'on serait bien aise que j'eusse dit des sciences beaucoup plus de mál que je n'en ai dit en effet. On y suppose que leur éloge, qui se trouve à la tête de mon discours, a dû me coûter beaucoup : c'est, selon l'auteur, un aveu arraché à la vérité et que je n'ai pas tardé à rétracter.

Si cet aveu est un éloge arraché par la vérité, il faut donc croire que je pensais des sciences le bien que j'en ai dit : le bien que l'auteur en dit lui-même n'est donc point contraire à mon sentiment. Cet aveu, dit-on, est arraché par force: tant mieux pour ma cause; car cela montre que la vérité est chez moi plus forte que le penchant. Mais sur quoi peut-on juger que cet éloge est forcé? Serait-ce pour être mal fait ? Ce serait intenter un procès bien terrible à la sincérité des auteurs, que d'en juger sur ce nouveau principe. Serait-ce pour être trop court? Il me semble que j'aurais pu facilement dire moins de choses en plus de pages. C'est, diton, que je me suis rétracté. J'ignore en quel endroit j'ai fait cette faute; et tout ce que je puis répondre, c'est que ce n'a pas été mon intention.

La science est très-bonne en soi : cela est évident; et il faudrait avoir renoncé au bon sens pour dire le contraire. L'auteur de toutes choses est la source de la vérité; tout connaître est un de ses divins attributs : c'est donc participer en quelque sorte à la suprême intelligence que d'acquérir des connaissances et d'étendre ses lumières. En ce sens, loué le savoir, et c'est en ce sens que je loue mon adversaire. Il s'étend encore sur les divers genres d'utilité que l'homme peut retirer des arts et des sciences; et j'en aurais volontiers dit autant si cela eût été de mon sujet. Ainsi nous sommes parfaitement d'accord en ce point.

j'ai

Mais comment se peut-il faire que les sciences, dont la source est si pure et la fin si louable, engendrent tant d'impiétés, tant d'hérésies, tant d'erreurs, tant de systèmes absurdes, tant de contrariétés, tant d'inepties, tant de satires amères, tant de misérables romans, tant de vers licencieux, tant de livres obscènes; et, dans ceux qui les cultivent, tant d'orgueil, tant d'avarice, tant de malignité, tant de cabales, tant de jalousies, tant de mensonges, tant de noirceurs, tant de calomnies, tant de lâches et honteuses flatteries? Je disais que c'est parce que la science, toute belle, toute sublime qu'elle est, n'est point faite pour l'homme; qu'il a l'esprit trop borné pour y faire de grands progrès, et trop de passion dans le cœur pour n'en pas faire un mauvais usage; que c'est assez pour lui de bien étudier ses devoirs, et que chacun a reçu toutes les lumières dont il a besoin pour cette étude. Mon

[ocr errors]

adversaire avoue, de son côté, que les sciences deviennent nuisibles quand on en abuse, et que plusieurs en abusent en effet. En cela nous ne disons pas, je crois, des choses fort différentes : j'ajoute, il est vrai, qu'on en abuse beaucoup, et qu'on en abuse toujours; et il ne me semble pas que dans la réponse on ait soutenu le contraire.

Je peux donc assurer que nos principes, et, par conséquent, toutes les propositions qu'on en peut déduire, n'ont rien d'opposé; et c'est ce que j'avais à prouver : cependant, quand nous venons à conclure, nos deux conclusions se trouvent contraires. La mienne était que, puisque les sciences font plus de mal aux mœurs que de bien à la société, il eût été à désirer que les hommes s'y fussent livrés avec moins d'ardeur : celle de mon adversaire est que, quoique les sciences fassent beaucoup de mal, il ne faut pas laisser de les cultiver à cause du bien qu'elles font. Je m'en rapporte, non au public, mais au petit nombre des vrais philosophes, sur celle qu'il faut * préférer de ces deux conclusions.

Il me reste de légères observations à faire sur quelques endroits de cette réponse, qui m'ont paru manquer un peu de la justesse que j'admire volontiers dans les autres, et qui ont pu contribuer par là à l'erreur de la conséquence que l'auteur en tire.

L'ouvrage commence par quelques personnalités que je ne relèverai qu'autant qu'elles feront à la question. L'auteur m'honore de plusieurs éloges; et c'est assurément m'ouvrir une belle carrière. Mais il y a trop peu de proportion entre ces choses :

« ZurückWeiter »