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pas tout d'un coup dans l'esprit humain : il fallut faire bien des progrès, acquérir bien de l'industrie et des lumières, les transmettre et les augmenter d'âge en âge, avant que d'arriver à ce dernier terme de l'état de nature. Reprenons donc les choses de plus haut, et tâchons de rassembler, sous un seul point de vue cette lente succession d'événemens et de connoissances dans leur ordre le plus naturel.

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Le premier sentiment de l'homme fut celui de son existence; son premier soin celui de sa conservation. Les productions de la terre lui fournissoient tous les secours nécessaires, l'instinct le porta à en faire usage. La faim, d'autres appétis, lui faisant éprouver tour-à-tour diverses manières d'exister; il y en eut une qui l'invita à perpétuer son espèce; et ce penchant aveugle, dépourvu de tout sen timent du cœur, ne produisoit qu'un acte purement animal. Le besoin satisfait, les deux sexes ne se reconnoissoient plus, et l'enfant même n'étoit plus rien à

la mère, sitôt qu'il pouvoit se passer d'elle.

Telle fut la condition de l'homme nais

sant;

nourrir, la férocité ent à sa propre vie, liquer aux exercices rendre agile, vîte à

telle fut la vie d'un animal borné d'abord aux pures sensations, et profitant à peine des dons que lui offroit la nature, loin de songer à lui rien arracher; mais il se présenta bientôt des difficultés; il fallut apprendre à les vaincre; la hauteur des arbres qui l'empêchoit d'atteindre à leurs fruits; la concurrence des animaux qui cherchoient'' de ceux qui e: tout l'obligea du corps ; il fallat s la course, vigoureux au combat. Les armes naturelles, qui sont les branches d'arbres et les pierres, se trouvèrent bientôt sous sa main. Il apprit à surmonter les obsta cles de la nature, à combattre au besoin les autres animaux, à disputer sa subsistance aux hommes même, ou à se dédommager de ce qu'il falloit céder au plus

fort.

A mesure que le genre humain s'étendit,

les peines se multiplièrent avec les hom❤ mes. La différence des terrains, des climats, des saisons, put les forcer à en mettre dans leurs manières de vivre. Des années stériles, des hivers longs et rudes, des étés brûlans qui consument tout, exigèrent d'eux une nouvelle industrie. Le long de la mer et des rivières, ils inventèrent la ligne et le hameçon, et devinrent pêcheurs et ichtyophages. Dans les forêts, ils se firent des arcs et des flèches, et devinrent chasseurs et guerriers. Dans les pays froids ils se couvrirent des peaux des bêtes qu'ils avoient tuées. Le tonnerre, un volcan, ou quelque heureux hasard leur fit connoître le feu, nouvelle ressource contre la rigueur de l'hiver : ils apprirent à conserver cet élément, puis à le reproduire, et enfin à en préparer les viandes qu'auparavant ils dévoroient crues.

Cette application réitérée des êtres divers à lui-même, et des uns aux autres, doit naturellement engendrer dans l'esprit de l'homme les perceptions de certains rapports. Ces relations, que nous expri

mons par les mots de grand, de petit, de fort, de foible, de vîte, de lent, de peuteux, de hardi, et d'autres idées pareilles comparées au besoin et presque sans y songer, produisirent enfin chez lui quelque sorte de réflexion, ou plutôt une prudence machinale qui lui indiquoit les précautions les plus nécessaires à sa sûreté.

Les nouvelles lumières qui résultèrent de ce développement, augmentèrent sa supériorité sur les autres animaux, en la lui faisant connoître. Il s'exerça à leur dresser des piéges, il leur donna le change en mille manières, et quoique plusieurs le surpassassent en force au combat ou en vitesse à la course, de ceux qui pouvoient lui servir ou lui nuire, il devint avec le tems le maître des uns et le fleau des autres. C'est ainsi que le premier regard qu'il porta sur lui-même, y produisit le premier mouvement d'orgueil; c'est ainsi que sachant encore à peine dis singuer les rangs, et se contemplant au premier par son espèce, il se préparoit de loin à y prétendre par son individu.

Quoique ses semblables ne fussent pas pour lui ce qu'ils sont pour nous

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et

qu'il n'eût guère plus de commerce avec eux qu'avec les autres animaux, ils ne furent pas oubliés dans ses observations. Les conformités que le tems put lui faire appercevoir entre eux, sa femelle et lui-même, le firent juger de celles qu'il n'appercevoit pas; et voyant qu'ils se conduisoient tous comme il auroit fait en de pareilles circonstances, il conclut que leur manière de penser et de sentir étoit entiérement conforme à la sienne; et cette importante vérité, bien établie dans son esprit, lui fit suivre par un pressentiment aussi sûr et plus prompt que la dialectique, les meil leures règles de conduite que, pour son avantage et sa sûreté, il lui convint de garder avec eux.

Instruit par l'expérience que l'amour du bien-être est le seul mobile des ac tions humaines, il se trouva en état de distinguer les occasions rares où l'intérêt commun devoit le faire compter sur

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