Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

rentes, et de cette distinction sortirent le faste imposant, la ruse trompeuse et tous les vices qui en sont le cortége. D'un autre côté, de libre et indépendant qu'étoit auparavant l'homme, le voilà par une multitude de nouveaux besoins assujetti, pour ainsi dire, à toute la nature, et sur-tout à ses semblables dont il devient l'esclave en un sens, même en devenant leur maître ; riche, il a besoin de leurs services; et pauvre, il a besoin de leurs secours, et la médiocrité ne le met point en état de se passer d'eux. Il faut donc qu'il cherche sans cesse à les intéresser à son sort, et à leur faire trouver en effet ou en apparence, leur profit à travailler pour le sien ce qui le rend fourbe et artificieux avec les uns, impérieux et dur avec les autres, et le met dans la nécesité d'abuser tous ceux dont il a besoin, quand il ne peut s'en faire craindre, et qu'il ne trouve pas son intérêt à les servir utilement. Enfin, l'ambition dévorante, l'ardeur d'élever sa fortune

relative, moins par un véritable besoin, que pour se mettre au-dessus des autres, inspirent à tous les hommes un noble penchant à se nuire mutuellement, une jalousie secrète, d'autant plus dangereuse que, pour faire son coup plus en sûreté, elle prend souvent le masque de la bienveillance; en un mot, concurrence et rivalité d'une part, de l'autre opposition d'intérêts, et toujours le désir caché de faire son profit aux dépens d'autrui; tous ces maux sont le premier effet de la propriété et le cortége inséparable de l'inégalité naissante.

Avant qu'on eût inventé les signes représentatifs des richesses, elles ne pouvoient guère consister qu'en terres et en bestiaux, les seuls biens réels que les hommes puissent posséder. Or, quand les héritages se furent accrus en nombre et en étendue, au point de couvrir le sol entier et de se toucher tous, les uns ne purent plus s'aggrandir qu'aux dépens des autres, et les surnuméraires que la foiblesse ou l'indolence avoient

de

empêchés d'en acquérir à leur tour, venus pauvres sans avoir rien perdu, parce que tout changeant autour d'eux, eux seuls n'avoient point changé, furent obligés de recevoir ou de ravir leur snbsistance de la main des riches; et de là commencèrent à naître, selon les divers caractères des uns et des autres, la domination et la servitude, ou la violence et les rapines. Les riches de leur côté connurent à peine le plaisir de dominer, qu'ils dédaignèrent bientôt tous les autres, et se servant de leurs anciens esclaves pour en soumettre de nouveaux, ils ne songèrent qu'à subjuguer et asservir leurs voisins; semblables à ces loups affamés qui ayant une fois goûté de la chair humaine, rebutent toute autre nourriture, et ne veulent plus dévorer que des hommes.

C'est ainsi que les plus puissans ou les plus misérables, se faisant de leur force ou de leurs besoins une sorte de droit au bien d'autrui, équivalent, selon eux, à celui de propriété, l'égalité

rompue fut suivie du plus affreux désordre; c'est ainsi que les usurpations des riches, les brigandages des pauvres, les passions effrénées de tous, étouffant la pitié naturelle et la voix encore foible de la justice, rendirent les hommes avares, ambitieux et méchans. Il s'élevoit, entre le droit du plus fort et le droit du premier occupant, un conflit perpétuel qui ne se terminoit que par des combats et par des meurtres (17* ). La société naissante fit place au plus horrible état de guerre le genre-humain avili et désolé ne pouvant plus retourner sur ses pas, ni renoncer aux acquisitions malheureuses qu'il avoit faites, et ne travaillant qu'à sa honte par l'abus des facultés qui l'honorent, se mit luimême à la veille de sa ruine.

Attonitus novitate mali, divesque miserque, Effugere optat opes, et quæ modò voverat odit.

Il n'est pas possible que les hommes n'aient fait enfin des réflexions sur une situation aussi misérable, et sur les ca

lamités dont ils étoient accablés. Les riches sur-tout doivent bientôt sentir com-: bien leur étoit désavantageuse une guerre perpétuelle dont ils faisoient seuls tous. les frais, et dans laquelle le risque de la vie étoit commun, et celui des biens, particulier, D'ailleurs, quelque couleur qu'ils pussent donner à leurs usurpations, ils sentoient assez qu'elles n'étaient établies que sur un droit précaire et abusif, et que n'ayant été acquises que par la force, la force pouvoit les leur ôter. sans qu'ils eussent raison de s'en plaindre. Ceux même que la seule industrie avoit enrichis, ne pouvoient guère fonder leur propriété sur des meilleurs titres. Ils avoient beau dire: C'est moi qui ai bâti ce mur; j'ai gagné ce terrain par mon travail. Qui vous a donné les alignemens, leur pouvoit-on répondre, et en vertu de quoi prétendez-vous être payé à nos dépens d'un travail que nous ne vous avons point imposé? Ignorez-vous qu'une multitude de vos frères périt ou souffre du besoin de ce que vous avez de trop, et qu'il vous falloit un conser

« ZurückWeiter »