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concession d'un si beau droit ? Et s'il eût osé l'exiger sous le prétexte de les défendre, n'eût-il pas aussi-tôt reçu la réponse de l'apologue; Que nous fera de plus l'ennemi? Il est donc incontes table, et c'est la maxime fondamentale de tout le droit politique, que les peudéples se sont donné des chefs pour fendre leur liberté et non pour les asservir. Si nous avons un Prince, disoit Pline à Trajan, c'est afin qu'il nous pré serve d'avoir un maître.

Nos Politiques font sur l'amour de la liberté les mêmes sophismes que nos Philosophes ont faits sur l'état de nature par les choses qu'ils voient, ils jugent des choses très différentes qu'ils n'ont pas vues; et ils attribuent aux hommes un penchant naturel à la servitude, par la patience avec laquelle ceux qu'ils ont sous les yeux supportent la leur, sans songer qu'il en est de la liberté comme de l'innocence et de la vertu, dont on ne sent le prix qu'autant qu'on en jouit soi-même, et dont le goût se perd sitôt qu'on les a

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perdues. Je connois les délices de ton pays, disoit Brasidas à un Satrape, qui comparoit la vie de Sparte à celle de Persépolis; mais tu ne peux connoître les plaisirs du mien.

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Comme un coursier indompté hérisse ses crins, frappe la terre du pied, et se débat impétueusement à la seule approche du mords tandis qu'un cheval dressé souffre patiemment la verge et l'éperon, l'homme barbare ne plié point sa tête au joug que l'homme civilisé porte sans murmure, et il préfère la plus orageuse liberté à un assujétissement tranquille. Ce n'est donc pas par l'avilissement des peuples asservis qu'il faut juger des dispositions naturelles de l'homme, pour ou contre la servitude, mais par tous les prodiges qu'ont faits tous les peuples libres pour se garantir de l'oppression. Je sais que les premiers ne font que vanter sans cesse la paix et le repos dont ils jouissent dans leurs fers, et que miserrimam servitutem pacem appellant: mais quand je vois les autres sacrifier les plaisirs, le repos, la

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richesse, la puissance et la vie même à la conservation de ce seul bien, si dédaigné de ceux qui l'ont perdu; quand je vois des animaux, nés libres et abhorrant la captivité; se briser la tête contre les bar reaux de leur prison; quand je vois des multitudes de Sauvages tout nuds mépriser les voluptés européennes, et braver la faim, le fer et la mort, pour ne conserver que leur indépendance, je sens que ce n'est pas à des esclaves qu'il appartient de

raisonner sur la liberté.

Quant à l'autorité paternelle, dont plusieurs ont fait dériver le gouvernement absolu et toute la société, sans recourir aux preuves contraires de Locke et de Sidney, il suffit de remarquer que rien au monde n'est plus éloigné de l'esprit féroce du despotisme que la douceur de cette autorité, qui regarde plus à l'avantage de celui qui obéit qu'à l'utilité de celui qui commande; que, par la loi de la nature, le père n'est le maître de l'enfant qu'aussi longtems que son secours lui est nécessaire, qu'au-delà de ce terme ils devien

nent

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nent égaux, et qu'alors le fils, parfaite3 ment indépendant du père, ne lui doit que du respect et non de l'obéissance car la reconnoissance est bien un devoir qu'il faut rendre, mais non pas un droit qu'on puisse exiger. Au lieu de dire que $ la société civile dérive du pouvoir pa

ternel, il falloit dire, au contraire, que 3 c'est d'elle que ce pouvoir tire sa principale force: un individu ne fut reconnu pour le père de plusieurs que quand ils restèrent assemblés autour de lui. Les biens du père, dont il est véritablement le maître, sont les liens qui retiennent ses enfans dans sa dépendance, et il ne peut leur donner part à sa succession qu'à proportion qu'ils auront bien mérité de lui par une continuelle déférence à ses volontés. Or, loin que les sujets aient quel-que faveur à attendre de leur despote, comme ils lui appartiennent en propre, eux et tout ce qu'ils possèdent, ou du moins qu'il le prétend ainsi, ils sont réduits à recevoir comme une faveur ce qu'il leur laisse de leur propre bien; il fait

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justice quand il les dépouille; il fait grâce quand il les laisse vivre.

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En continuant d'examiner ainsi les faits par le droit, on ne trouverait pas plus de solidité que de vérité dans l'établissement volontaire de la tyrannie, et il serait difficile de montrer la validité d'un contrat qui n'obligeroit qu'une des parties, où l'on, mettroit tout d'un côté et rien de l'autre, et qui ne tourneroit qu'au préjudice de celui qui s'engage. Ce systême odieux est bien éloigné d'être même aujourd'hui celui des sages et bons monarques, et surtout des rois de France, comme on peut le voir en divers endroits de leurs édits, et en particulier dans le passage suivant d'un écrit célèbre, publié en 1667, au nom et par les ordres de Louis XIV. Qu'on ne dise donc point que le Souverain ne soit pas sujet aux lois de son Etat, puisque la proposition contraire est une vérité du droit des gens que la flatterie a quelquefois attaquée, mais que les bons princes ont toujours défendue comme une divinité tutéLaire de leurs Etats, Combien est-il plu

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