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tifiée. J'étois éloigné de croire qu'elle eût besoin pour sa justification, du secours de la philosophie Leibnitzienne, ni d'aucune autre. Pensez-vous sérieusement, vous-même, qu'un système de Philososopie, quel qu'il soit, puisse être plus irrépréhensible que l'univers, et que, pour disculper la Providence, les argumens d'un Philosophe soient plus convaincans que les ouvrages de Dieu ? Au reste, nier que le mal existe, est un moyen fort commode d'excuser l'auteur du mal. Les Stoïciens se sont autrefois rendus ridicules à meilleur marché.

Selon Leibnitz et Pope, tout ce qui est est bien. S'il y a des sociétés, c'est que le bien général veut qu'il y en ait; s'il n'y en a point, le bien général veut qu'il n'y en ait pas; et si quelqu'un persuadoit aux hommes de retourner vivre dans les forêts, il seroit bon qu'ils y retour nassent vivre. On ne doit pas appliquer à la nature des choses une idée de bien ou de mal qu'on ne tire que de leurs rap

ports; car elles peuvent être bonnes relativement au tout, quoique mauvaises en elles-mêmes. Ce qui concourt au bien général peut être un mal particulier, dont il est permis de se délivrer quand il est possible. Car si ce mal, tandis qu'on le supporte, est utile au tout, le bien contraire qu'on s'efforce de lui substituer ne lui sera pas moins utile sitôt qu'il aura lieu. Par la même raison que tout est bien comme il est, si quelqu'un s'efforce de changer l'état des choses, il est bon qu'il s'efforce de les changer; et s'il est bien ou mal qu'il réussisse, c'est ce qu'on peut apprendre de l'événement seul et non de la raison. Rien n'empêche en cela que le mal particulier ne soit un mal réel pour celui qui le souffre. Il étoit bon pour le tout que nous fussions civilisés puisque nous le sommes mais il eût certainement été mieux pour nous de ne pas l'être. Leibnitz n'eut jamais rien tiré de son système qui pût combattre cette proposition; et il est clair que l'optimisme bien Z*

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entendu ne fait rien ni pour ni contre moi.

Aussi n'est-ce ni à Leibnitz ni à Pope que j'ai à répondre, mais à vous seul, qui, sans distinguer le mal universel qu'ils nient, du mal particulier qu'ils ne nient pas, prétendez que c'est assez qu'une chose existe pour qu'il ne soit pas permis de desirer qu'elle existât autrement. Mais, Monsieur, si tout est bien comme il est, tout étoit bien comme il étoit avant qu'il y eût des Gouvernemens et des Loix; il fut donc au moins superflu de les établir, et Jean Jacques alors, avec votre système, eût eu beau jeu contre Philopolis. Si tout est bien comme il est, de la manière que vous l'entendez, à quoi bon corriger nos vices, guérir nos maux, redresser nos erreurs ? Que servent nos Chaires, nos Tribunaux, nos Académies? Pourquoi faire appeler un Médecin quand vous avez la fièvre ? Que savez-vous si le bien du plus grand tout, que vous ne connoissez pas, n'exige

point que vous ayez le transport, et si la santé des habitans de Saturne ou de Sirius ne souffriroit point du rétablissement de la vôtre? Laissez aller tout comme il pourra, afin que tout aille toujours bien. Si tout est le mieux qu'il peut être, vous devez blâmer toute action quelconque; car toute action produit nécessairement quelque changement dans l'état où sont les choses au moment qu'elle se fait; on ne peut donc toucher à rien sans mal faire, et le quiétisme le plus parfait est la seule vertu qui reste à l'homme. Enfin, si tout est bien comme il est, il est bon qu'il y ait des Lapons, des Esquimaux, des Algonquins, des Chicacas, des Caraïbes, qui se passent de notre police, des Hotentots qui s'en moquent, et un Genevois qui les approuve. Leibnitz lui-même couviendroit de ceci.

L'homme, dites - vous est tel que l'exigeoit la place qu'il devoit occuper dans l'univers, Mais les hommes diffèrent

tellement selon les tems et les lieux qu'avec une pareille logique, on seroit sujet à tirer du particulier à l'universel des conséquences fort contradictoires et fort peu concluantes. Il ne faut qu'une erreur de géographie pour bouleverser toute cette prétendue doctrine qui déduit ce qui doit être de ce qu'on voit. C'est à faire aux Castors, dira l'Indien, de s'enfouir dans des tanières, l'homme doit dormir dans un hamac suspendu à des arbres. Non, non, dira le Tartare, l'homme est fait pour coucher dans un chariot. Pauvres gens, s'écrieront nos Philopolis, d'un air de pitié, ne voyezvous pas que l'homme est fait pour bâtir des villes! Quand il est question de raisonner sur la nature humaine, le vrai Philosophe n'est ni Indien, ni Tartare, ni de Genève, ni de Paris; mais il est 'homme.

Que le singe soit une bête, je le crois, et j'en ai dit la raison; que l'orangeutang en soit une aussi, voilà ce que

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